Bouquin : L'homme qui marchait ...

En marge des prix littéraires de la rentrée, voici un "premier roman" qui était recommandé par de nombreux blogs et certains magazines.
L'homme qui marchait avec une balle dans la tête, de Philippe Pollet-Villard, nous raconte l'errance d'un petit braqueur de seconde zone, depuis son enfance d'immigré italien dans le XIII° à Paris, jusqu'à sa sortie de prison.
Une douce histoire, même si l'on y vole beaucoup et tue un peu, pleine de poésie loufoque, à l'image de cet homme qui finira par aller avec une balle dans la tête. Les effets de style sont parfois un peu trop appuyés (notamment dans la seconde partie du livre) mais voilà quand même un roman prometteur ...
[...] Elle aimait prononcer ce mot-là : fille de joie, et je ne crois pas qu'elle mettait une fonction particulière derrière ce terme, c'était juste l'image d'une fille légère, joyeuse. Ca devait exister quelque part, une sorte de femme qui lève ses jupons en chantant. C'était la poésie de Toulouse-Lautrec et le gangster idéal devait être pour elle, ma mère, une sorte d'Aristide Bruant, un homme toujours pressé avec un grand chapeau et une écharpe rouge nouée autour du cou.
[...] Tout ce qui coûtait cher nous intéressait. Il fallait consumer cet argent, lui faire payer violemment, le pulvériser, parce que le moment qui nous plaisait le plus était justement celui où nous sentions que l'argent viendrait à manquer. Nous aimions ça comme le bord d'une falaise.

Cinoche : Le prestige

Laissez vous berner, manipuler, emberlificoter par Le Prestige, comme un petit tour de magie au cinéma.
Après un début un peu long aux flashbacks embrouillés, le film se met en place et Christopher Nolan (qui s'était déjà bien joué de nous dans Memento) nous embarque dans une intrigue à tiroirs, double-fond et double jeu jusqu'au tour de passe passe final.
Encore un film où l'on se dit en sortant : ah, si j'avais deviné plus tôt, j'aurais regardé le film autrement ... et oui mais il est trop tard et l'on s'est fait gentiment avoir, c'est là justement tout le charme de ces illusions !
Ce spectacle de prestidigitation c'est aussi l'occasion d'un voyage à la fin du XIX° siècle, à l'époque où l'on découvrait les promesses de la fée électricité (David Bowie incarne le savant serbe Tesla partisan du courant alternatif, opposé au courant continu de Edison).

Cinoche : Casino Royale

007 revient en pleine forme et nous a bluffés avec son coup de poker au Casino Royale.
Cet épisode fondateur (adapté du premier roman de Ian Fleming où James Bond acquiert le statut de double-zéro [étonnant prologue dans la séquence d'ouverture], et découvre, entre autres mais dans l'ordre, sa première Aston Martin et sa première ... James Bond Girl [Eva Green, fille suédoise de Marlène Jobert], ...), bénéficie d'une mise en scène musclée [la course poursuite qui ouvre le bal à Madagascar a des chances de rester dans les annales !], de dialogues incisifs, mais également d'un scénario assez riche et d'une intrigue suffisamment complexe pour que l'on ne s'y ennuie pas un instant.
Pour cause d'horaires, nous avons vu le film en VF dans une salle comble et les réactions du public d'un soir (ricanements, applaudissements, ...) à la moindre pitrerie de 007 valaient bien le détour !
Le nouveau héros Daniel Craig incarnera derechef James Bond, dans Risico, en 2008. Patience !

Miousik : Chava Alberstein

La rentrée musicale est calme et nous avons pris le temps d'exhumer quelques compiles de nos étagères.
Dans la série world musik, on vous propose un petit tour en Europe centrale avec Chava Alberstein, une israëlienne d'origine polonaise qui chante en yiddish et que l'on surnomme parfois la Joan Baez d'Israël.
Séquence émotion et pittoresque avec entre autres :

  • ou Huliet Huliet Kinderlech (Amuse toi petit ...)
  • Bouquin : La joueuse de go

    La joueuse de go est un court roman qui prend pour toile de fond l'invasion de la Chine (de la Mandchourie pour être précis) par les japonais à la veille de la seconde guerre mondiale.
    Les chapitres font alterner les deux "joueurs" : une jeune lycéenne chinoise, championne de go, qui découvre l'amour, et un officier japonais empêtré dans son honneur militaire.
    Les deux protagonistes finiront par s'opposer au fil des jours tout au long d'une partie de go sur la place du village. Au-delà de ces deux personnages, c'est aussi deux cultures qui s'opposent : celle du Japon moderne et conquérant et celle de la Chine traditionnelle.
    Une écriture très accessible (Shan Sa est une chinoise exilée en France qui écrit en français) pour découvrir nos "voisins" de l'extrême-orient.


    Voir aussi La porte de la paix céleste, lecture suivante.

    Bouquin : La femme de Bratislava

    Nous continuons notre exploration de la littérature nordique après les polars polaires dont nous avions déjà parlé avec Mankell ou d'autres et reparlé avec Indridason. Cette fois, nous vous proposons un petit tour du côté du Danemark avec Leif Davidsen et un roman qui s'apparente plus à l'espionnage qu'au polar proprement dit : La femme de Bratislava.
    On y apprend beaucoup beaucoup de choses : tout d'abord sur nos voisins danois et leur mode de vie qui nous rappelle bien souvent le notre. Sur leur histoire récente également, notamment pendant les années sombres de la dernière guerre et la collaboration avec les nazis (tiens, là aussi, cela nous rappelle quelque chose).
    Et puis sur la guerre froide avec les pays de l'est (le roman nous promène en Pologne, en Tchéquie et bien sûr à Bratislava en Slovaquie).
    Et pour finir sur la guerre toute récente des Balkans en future-ex-Yougoslavie (Kosovo, Albanie) : les danois furent en effet partie prenante des forces de l'OTAN.
    Et apparemment, ce n'est pas l'épisode dont Leif Davidsen est le plus fier.
    Un roman qui est donc aussi une leçon d'histoire et de géopolitique.
    Un roman d'espionnage on l'a dit, mais aussi une histoire de famille, vue à travers les 3 personnages principaux : le héros (universitaire ex-gauchiste), sa sœur (activiste et féministe) accusée d'intelligence avec l'ennemi et enfin le policier de service qui tentera d'éclaircir quelques mystères.

    Cinoche : Mémoire de nos pères

    Après Million Dollar Baby, Clint Eastwood revient dans le registre fort et poignant avec Mémoires de nos pères.
    Le film retrace l'histoire d'une photo de guerre très controversée à l'époque, qui immortalise un groupe de soldats en train de hisser le drapeau US au sommet de l'île du Pacifique Iwo Jima, conquise au prix de très lourdes pertes - cette photo avait pour titre Raising the flag on Iwo Jima et fait l'objet d'un article entier dans Wikipédia (mais il vaut mieux éviter de lire l'article avant de voir le film ...).
    Plus que la photo elle-même, c'est le sort des Marines de l'image qui intéresse Eastwood : que sont ces "héros" devenus ? comment ont-ils été happés par la foire médiatique qui s'ensuivit et qui les transforma en VRP des emprunts d'état destinés à financer l'effort de guerre qui faiblissait trop vite ?
    Le film nous promène entre l'époque contemporaine (le fils de l'un des héros écrit un livre : celui même dont est tiré le film, la boucle est bouclée), la bataille d'Iwo Jima proprement dite, la propagande au pays et l'immédiat après-guerre.
    Les scènes du débarquement dans les sables noirs de l'île volcanique d'Iwo Jima sont particulièrement "fortes", comme l'on dit pudiquement. Il faut dire qu'après notre visite des plages de Normandie cet été, nous étions particulièrement sensibilisés ...
    La seconde partie du film avec le périple des "héros" de retour au pays s'allonge un peu, alors qu'on a hâte, de flash-back en flash-back, de découvrir le fin mot de l'histoire et tout ce que ne disait pas cette fameuse photo ...
    A noter que dans ce film, on ne voit que l'ombre de 2 ou 3 japonais (ils étaient 20.000 sur l'île) : en effet, Clint Eastwood a préparé un second opus - Lettres d'Iwo Jima - qui traitera précisément du volet japonais de l'histoire. A suivre donc !
    Et un dernier mot : ne manquez pas les photos du générique de fin.

    Dans le film, l'un des personnages dit en substance qu'une simple photo peut faire perdre ou gagner une guerre, en comparant la photo, glorieuse, d'Iwo Jima à celles, honteuses, des exactions commises au Vietnam.
    (Soit c'est effectivement la photo qui change peut-être le cours de la guerre, soit le retentissement que lui donne la nation combattante ne fait-il que refléter son état d'esprit : partie gagnante ou déjà battue ...).
    On ne peut s'empêcher de songer à la photo d'Irak qui a fait le tour du monde (celle qui montre un prisonnier humilié et tenu en laisse dans la prison d'Abu Grahib) : si l'on s'en tenait aux leçons de l'histoire, il y a bien longtemps que les américains et leurs alliés auraient dû réviser leur stratégie à Bagdad ...

    Pour suivre : les lettres d'Iwo Jima

    Cinoche : Ne le dis à personne

    Le polar d'Harlan Coben (d'ailleurs le seul bouquin qui sortait du lot de ses polars-TGV) : Ne le dis à personne, racontait une histoire bien américaine.
    Les salles obscures nous en proposent une adaptation bien française, inventive et astucieuse, qui nous fait redécouvrir Paris (avec un détour plein d'humour par "la banlieue").
    Une mise en scène elliptique et haletante qui contribue à tisser le mystère autour de François Cluzet, perdu à souhait au milieu d'aventures qui le dépassent, et d'une pléiade d'acteurs comme on les aime chez nous : Nathalie Baye, Kristin Scott-Thomas, François Berléand, Jean Rochefort, André Dussolier et j'en passse. Un bon moment de cinéma.
    Il parait même que la bande-son (M Chédid) plait à certains !
    Le seul vrai grief sera pour le personnage joué par Kristin Scott-Thomas : avec une si belle femme, c'est vraiment du gâchis !

    Bouquin : Les miscellanées de Mr. Schott

    En cette période où l'on nous rebat les yeux et les oreilles de prix qu'on court, ne manquez pas cet étrange ovni qui vient d'atterrir sur les étagères des librairies : Les Miscellanées de Mr. Schott, un petit bouquin qui bénéficie d'une pertinente traduction et d'une mise en page délicieusement rétro !
    Le livre qui s'avère immédiatement tout à fait indispensable et absolument inutile : si on devait n'emporter qu'un seul bouquin sur notre île déserte, ce serait sûrement celui-ci !
    Un petit livre rouge à laisser en évidence sur la table du salon (comme une boîte de toffees anglais) pour y picorer un peu de poésie au gré de nos humeurs, puisqu'il est fait, comme le dit son auteur, de "petits riens essentiels", "amusettes insignifiantes et futiles".
    C'est également un remède efficace : deux ou trois pages le matin au réveil, deux ou trois listes le soir au coucher, et voici votre santé mentale assurée grâce au mélange du bon docteur Schott.
    On y découvre ou redécouvre au hasard (pour l'oublier aussitôt) :

    • les 3 rois mages et leurs cadeaux, les 4 cavaliers de l'Apocalypse, les 5 prénoms du club des cinq, les 6 femmes d'Henri VIII, les 7 merveilles du monde antique, les 8 voyages de Gulliver, les 9 muses, les 10 plaies d'Egypte, les 11 pays membres de l'OPEP,  les 12 travaux d'Hercule, ...
    • les échelles de Scoville, Mohs, Glasgow, Fujita-Pearson, Beaufort, Richter, Mercalli, Turin, ...
    • les présidents des US, les maris de Liz Taylor, les films de James Bond avec les James Bond Girls et les voitures de 007 (bref, la quintessence de la culture occidentale), les différents types de sushis, les degrés de la franc-maçonnerie, les décimales de Pi, les pays où l'on roule à gauche, les gagnants de l'Eurovision, ...
    • On y apprend ce que sont : un éthylabélophile, un vaticide, un réhoboam, un triskaïdékaphobe, un kakistocrate, un myriagone, un yottamètre, un colombier belge, une roquille, un vol de nuit, ...
    Les plus branchés pourront poursuivre sur la liste des listes de Wikipédia.

    Dans le même ordre d'idée, on pourra lire La liste des listes de Sébastien Ripari (publié chez Alternatives). Les énumérations de Ripari n'atteignent cependant pas la poésie du fourre-tout de Mr. Schott et le résultat est en fait un livre ... plus utile, et partant ... moins indispensable !
    On y découvre (par exemple) les 7 archanges, les 7 collines de Rome, les 7 mercenaires, les 7 merveilles du monde (encore !), les 7 nains de Blanche-Neige, les 7 péchés capitaux, les 7 poêtes de la Pléïade, les 7 sommets des 7 continents, etc ...
    Et plus loin (puisque l'ouvrage est numériquement ordonné) : les 12 mois du calendrier républicain, les 12 apôtres, les 12 tribus d'Israël, etc ...

    Bouquin : Pars vite et reviens tard

    La sortie prochaine au cinéma (janvier 2007) de Pars vite et reviens tard vient d'être l'occasion de relire le polar éponyme de Fred Vargas.
    Le style un peu appuyé de la dame et les effets parfois un peu forcés peuvent agacer mais à petite dose, un polar de temps en temps ne se refuse pas. Et celui-ci est sans doute l'un des meilleurs.
    Le commissaire Adamsberg (qui sera incarné à l'écran par José Garcia), personnage récurrent des polars de Fred Vargas, vaut assurément le détour par Paris puisque c'est dans ce grand village que se déroulent la plupart de ses enquêtes. Pars vite et reviens tard se situe plus précisément au cœur de "notre" quartier et nous entraîne sur les traces des anciennes épidémies de peste.
    - Tu sais Camille, que le jour où Dieu créa Adamsberg, Il avait passé une fort mauvaise nuit.
    - Ah non, dit Camille en levant les yeux, je ne savais pas.
    - Si. Et non seulement Il avait mal dormi, mais Il se trouvait à court de matériel. Si bien que, comme un étourdi, Il alla frappé chez son Collègue pour lui emprunter quelque attirail.
    - Tu veux dire ... le Collègue d'en-bas ?
    - Evidemment. Ce dernier se jeta sur l'aubaine et s'empressa de lui procurer des fournitures. Et Dieu, hébété par sa nuit blanche, mélangea le tout inconsidérément. De cette pâte, Il tira Adamsberg. Ce fut vraiment un jour pas ordinaire.
    - Je n'étais pas au courant.
    - Ca traîne dans tous les bons livres, dit Danglard en souriant.
    [...]
    Dès son réveil et sans bouger de son lit, son premier regard fut pour sa fenêtre. Il pleuvait. Adamsberg replia ses bras sur ses yeux et se conforta dans son intention de ne pas foutre un pied à la Brigade.

    Pour suivre : le film Pars vite et reviens tard avec José Garcia.