Cinoche : Lettres d'Iwo Jima

Après avoir laissé Clint Eastwood dans le fracas des bombes sur les plages du débarquement américain d'Iwo Jima dans l'opus précédent (Mémoire de nos pères), on retrouve cette île perdue et quasi déserte avec beaucoup d'émotion.
Cette fois-ci nous sommes du côté nippon avec les japonais qui creusent leurs tranchées (leurs tombes ?), pataugent dans le sable noir des plages d'Iwo Jima et écrivent à leurs familles : les lettres d'Iwo Jima.
Après cette excellente première partie pleine d'émotion (pour ceux qui ont vu le premier opus), on regrette que le film s'égare ensuite dans une longue (trop longue) descente aux enfers dans les souterrains de l'île : courage des uns, lâcheté des autres, aveuglement fanatique et suicidaire de certains ...
Il faudra attendre la toute dernière scène pour retrouver l'ambiance de la séquence souvenir du début et découvrir le fin mot de ces lettres d'Iwo Jima.
Côté BOF, c'est Kyle Eastwood, le fils de son père, qui signe une musique toute en douceur, en guise de contrepoint douloureux au martèlement des bombes et des obus : un extrait du thème principal.
Réservé à ceux qui auront vu le premier épisode et qui, comme nous, ne voudront pas rater la "face B".

Bouquin : Bangkok 8

Ceux qui ont aimé le voyage en Chine avec les polars de Qiu Xiaolong à Shanghaï, peuvent prendre sans hésiter un ticket pour la Thaïlande avec Bangkok 8 de John Burdett.
Un polar intelligent écrit par un britannique, visiblement tombé amoureux du pays thaï : on plonge avec fascination dans l'enfer du district n° 8 du L.A. asiatique, Krung Thep, ses charmes, sa corruption et ses trafics de drogue, de sexe et de jade ...
Et c'est avec un humour plutôt finaud que J. Burdett décrit par le menu la vie thaï en général (du moins la vie à Bangkok) et celle de l'inspecteur Sonchaï en particulier, un métis bouddhiste (quelque part entre moine et flic) qui doit faire équipe avec une envoyée du FBI.
Le choc des cultures est mis en scène avec tout ce qu'il faut d'ironie et d'esprit pour faire de cette enquête un agréable voyage à la découverte des us et coutumes thaïs : cuisine, religion, corruption, prostitution, superstition, fascination et répulsion pour l'occident, ... du moins jusqu'à la seconde moitié du livre où l'horreur criminelle reprend ses droits (c'est quand même un polar et on est quand même à Bangkok !) avant un dénouement typiquement asiatique !
Quelques morceaux choisis de l'ironie futée de J. Burdett :

[...] La Thaïlande ne retire pas grand chose d'industries comme celles du vêtement. Les sociétés occidentales se réservent la part du lion. C'est pourquoi nous voyons dans l'industrie du sexe une façon de redistribuer la richesse mondiale de l'Occident vers l'Orient.
[...] L'Occidental fait généralement observer que le Thaï vit dans un paradis de dupes. Peut-être, mais le Thaï n'est-il pas fondé à rétorquer que l'Occidental s'est construit un enfer de dupes ?
[...] Nous sommes un peuple superstitieux pour lequel quelque chose d'aussi intime que le nom doit nécessairement posséder un pouvoir magique. X demande ce qu'il en est des noms occidentaux. Ils reflètent généralement le fait que les Occidentaux sont obsédés par l'argent, en ceci qu'ils rappellent le métier que faisait un de leurs ancêtres : Smith, Woodman, Baker, Meunier, etc. C'est donc l'argent qui compte pour eux, et pour nous c'est la magie ? On peut le dire ainsi, bien que ce soit peut-être trop simplifier.
[...] Quoique la Thaïlande soit une société bouddhiste et humaine soucieuse des droits de l'homme et de la dignité de ses citoyens, les pays riches doivent comprendre que nous n'avons pas toujours les ressources nécessaires pour faire appliquer la loi comme il le faudrait. C'est un luxe que seules peuvent s'offrir les nations qui se sont industrialisées les premières.

Pour prolonger la visite de Bangkok, rappelons également le polar du norvégien Jo Nesbo : Les Cafards et Bangkok Pyscho du même J. Burdett.
Benzine en parle.

BD : Quartier lointain

Nostalgie nipponne.

 C'est Frédéric Boilet (qu'on a déjà évoqué avec Tokyo est mon jardin) qui signe ici l'adaptation française des deux volumes de ce manga Quartier lointain de Jirô Taniguchi : recadrage des images à l'occidentale (de gauche à droite) et annotations bien utiles des références qui nous seraient trop étrangères ou incompréhensibles.
Même s'il a été primé au festival d'Angoulême, le scénario (un homme de 40 ans se retrouve plongé dans son corps d'adolescent, dans sa propre enfance) n'est ici qu'un prétexte romanesque et poétique.
L'intérêt de cette BD, à lire comme un véritable roman, c'est la description fine et savoureuse du Japon de l'enfance de Jirô Taniguchi : les parapluies, les uniformes d'écoliers, la plage, la maisonnée, ... c'est un véritable guide de voyage au coeur des traditions nipponnes.
Le dessin, noir et blanc comme il se doit, est très riche (les planches sur les jardins sont superbes) et c'est avec plaisir que l'on accompagne le texte un peu naïf tout au long de ce voyage nostalgique au Japon [planche n° 1 - planche n° 2].
Avec juste ce qu'il faut de sel pour agrémenter la visite : pourquoi cet homme se retrouve-t-il plongé 30 ans en arrière et comment va-t-il se sortir de là ?
A découvrir sans attendre : comme Monster (dans un style très différent) voilà encore une excellente manière d'aborder les mangas, cette face obscure de la BD : même MAM s'y est mise ...

Cinoche : L'étoile imaginaire

Vite, vite, avant que ce petit film qui remplit les petites salles ne quitte les petits cinoches ...
C'est d'abord un autre regard sur la mondialisation
et les délocalisations : des chinois sont venus en Italie acheter un haut-fourneau vétuste. Un ouvrier italien de la maintenance, accompagné de son interprète, tente de leur courir après, de Shanghaï au désert de Gobi en passant par Chongqing (la plus grande municipalité du monde) : "chercher une aciérie dans la Chine moderne" va sans doute remplacer la trop vieille expression "chercher une aiguille dans une botte de foin".
C'est aussi une douce alchimie entre l'italien et la chinoise :  c'est le choc des cultures et lentement mais sûrement, l'européen perd ses préjugés.
Après avoir quitté son Italie post-industrielle, désertée et délabrée, il découvre une Chine industrieuse, pleine de vie et d'humanité, où les hauts-fourneaux mis au rebut semblent avoir droit à une seconde chance.
C'est visiblement avec amour que Gianni Amelio filme les usines et les aciéries, devenues si rares au ciné aujourd'hui.
Dans ce décor industriel, c'est un film à trois personnages : l'italien, la chinoise ... et la Chine. Chaque nouvelle scène apporte son lot de découvertes et ote une pelure de l'oignon : on goûte avec plaisir à des personnages de plus en plus riches et complexes.
C'est aussi un road-movie qui rappelle à ceux qui l'auraient oublié que l'étoile imaginaire est moins essentielle que sa quête et que la destination importe moins que le voyage lui-même. Un film doux et contemplatif (sans que l'on s'y ennuie un instant) où la caméra s'attarde sur les visages et "les gens" (et seuls Dieu et Mao savent combien ils sont nombreux là-bas !) et où l'on apprend à vivre au rythme des transports chinois.
C'est visiblement avec amour que Gianni Amelio filme une Chine comme on n'aura sans doute guère l'occasion de la voir.
C'est enfin une heure trois-quarts de cinéma intelligent et l'on ressort de la petite salle du petit cinéma avec un grand sourire, et l'impression d'avoir dégusté une savoureuse gourmandise aux multiples et subtils parfums. Hmmm, un régal !
Alors ne manquez pas ce délicieux dessert qui aura bien failli nous échapper.

Bouquin : Le lièvre de Vatanen


C'est bien sûr un lieu commun que de rappeler que la qualité d'un bon bouquin ne se mesure pas à la quantité de pages reliées : mais après Soie, Neige et Mer d'encre (les 3 petits opuscules asiatiques dont on a parlé récemment), voici les 200 pages du petit Lièvre de Vatanen du finlandais Arto Paasilinna, encore un format idéal pour s'évader vite et loin, le temps d'un trajet dans les transports en commun !
Le finaud finnois Arto Paasilinna nous raconte ici l'odyssée d'un homme qui a tout largué : boulot, femme, bateau, ... après avoir rencontré un lièvre boitillant.
Nous voici entraînés à la suite de ce couple improbable à travers les lacs, les forêts et les villages de Finlande jusqu'en Carélie et le périple est prétexte à toutes sortes de rencontres dépaysantes, farfelues et sincèrement humaines.
On éteint un incendie de forêt, on débarde des radeaux, on distille de l'eau de vie en douce, on retape des cabanes à sauna, on prend plusieurs cuites et on se lance à la poursuite d'un ours : toutes ces histoires jalonnent agréablement ce parcours sans queue ni tête, autres que celles du lièvre.
C'est rafraîchissant et léger : il y a comme un vent de liberté qui souffle entre les sapins.
De quoi nous faire regretter d'avoir manqué en décembre l'adaptation au cinéma ... mais on avait l'excuse d'avoir repéré le nom de Christophe Lambert au générique ! ...
Il ne reste qu'à espérer que chacun d'entre nous croise un jour, lui aussi, un petit lièvre porte-bonheur ...
[...] Vatanen monta dans l'autocar de Heinola, car il n'est pas bon de rester éternellement oisif, même dans un village agréable. 
Il s'assit sur la banquette au fond du car, le lièvre dans un panier. A l'arrière, quelques paysans fumaient. Quand ils virent le lièvre dans le panier, la conversation s'engagea. On constata qu'il y avait cet été-là plus de levrauts que d'habitude, on se demanda si ce lièvre-ci était un mâle ou une femelle. On demanda à Vatanen s'il avait l'intention de tuer et de manger le lièvre quand il aurait grandi. Vatanen déclara qu'il n'y songeait pas. On en conclut que personne bien sûr ne tuerait son propre chien, et qu'il est parfois plus facile de s'attacher à un animal qu'à un être humain.

Voir aussi Un homme heureux, lecture suivante.


Miousik : Pink !

La provocante P!nk (de son vrai nom Alicia Moore) s'affichait en décembre 2006 sur les murs avec deux concerts, à Bercy à Paris et à la Halle Tony Garnier à Lyon.
Son dernier album (I'm not dead) date de début 2006.
      De la pop qui déménage !
                  Du rock qui bouge !
On aime bien sa voix sensuelle et un peu rauque mais puissante et capable de tirer derrière ses belles envolées tout un rock ample aux rythmes rapides et aux guitares saturées.
Oreilles sensibles passez votre chemin, voici trois extraits qu'on aime bien de temps en temps se passer en boucle quand il faut décrasser le casque et tout ce qu'il y a entre les deux écouteurs :
Montez le son !

BD : Sanctuaire

Sanctuaire : une BD en 4 albums qui ne peut laisser indifférent.
Les très beaux dessins de Christophe Bec sont d'une précision presque photographique et sont très sombres (dans tous les sens du terme) puisque l'essentiel de l'intrigue se passe dans un sous-marin ou au fond de l'eau.
S'il en était besoin, le scénario ajoute au malaise car on accompagne l'équipage dans une véritable descente aux enfers.
Tout cela commence comme les Aventuriers de l'Arche perdue mais on se retrouve bien vite dans l'imaginaire mystique et effrayant de HP. Lovecraft. Cauchemards garantis.
On regrettera cependant un scénario un peu convenu avec un final qui s'avère presque décevant.
Les très beaux dessins de Christophe Bec semblent avoir du mal à trouver un scénariste à leur hauteur : c'était déjà le cas avec la série précédente, Zéro Absolu.
Comme d'habitude pour les BD : cliquer sur l'imagette à gauche pour visualiser une planche de l'album.
Le site officiel avec d'autres planches à visualiser et enfin le blog de Christophe Bec.

On en profite pour noter que Christophe Bec est aux pinceaux d'une autre série en 5 épisodes : Bunker, qui vient de démarrer et dont on reparlera dès qu'on aura lu le deuxième album. Les dessins y sont tout aussi beaux mais plus clairs puisque l'on passe du fond de la mer à une altitude de 7.000 m ! A suivre ...

BD : Sans pitié

Après les Enchainés évoqués ici il y a peu, voici Sans pitié : un autre polar imagé en BD, en 3 albums (dont 2 sont parus).
Un autre roman noir et glauque, très noir et très glauque, situé à Marseille dans le milieu des jeunes un peu paumés : trafic de drogue, rave-party et flics ripoux, sur relents d'OAS ... n'en dévoilons pas plus ...
On s'habitue sans peine au dessin résolument moderne qui sert admirablement bien le scénario et l'ambiance (noire et glauque ... on l'a déjà dit ?) de cette sombre histoire de vengeance pourtant bien de chez nous.
Comme d'habitude pour les BD : cliquer sur l'imagette à gauche pour visualiser une planche de l'album. 
Le site de l'éditeur propose de nombreuses autres planches à visualiser sur le web.

Bouquin : Neige

Après Soie et Mer d'encre cités récemment, voici un troisième opuscule : Neige, du français Maxence Fermine.
Voilà donc encore un occidental tatamisé (l'auteur de Soie est italien, celui de Mer d'encre, allemand) un occidental qui écrit comme les asiatiques.
La centaine de pages de Neige nous emmène au Japon, le pays des haïkus, ces petits poèmes de 3 vers et 17 pieds.
Ce petit livre est donc le poème de la neige et l'histoire de son poète Yuko, une sorte de funambule des mots.
C'est aussi une très belle histoire d'amour, au délicieux parfum zen, étrange et originale, mais on ne saurait vous en dire plus.
Un très beau poème d'amour donc.
[... haïku ...] 
                     Yuko Akita avait deux passions. 
                     Le haïku. 
                     Et la neige. 
[...] La neige est un poème. Un poème qui tombe des nuages en flocons blancs et légers. Ce poème vient de la bouche du ciel, de la main de Dieu. Il porte un nom. Un nom d'une blancheur éclatante. Neige. 
[...] Il y a deux sortes de gens. Il y a ceux qui vivent, jouent et meurent. Et il y a ceux qui ne font jamais rien d'autre que se tenir en équilibre sur l'arête de la vie. Il y a les acteurs. Et il y a les funambules.

D'autres en parlent sur Agora.

Cinoche : La vie des autres

Semaine cinoche riche en toiles, après Fred Vargas et Di Caprio, voici La Vie des autres qui est en quelque sorte la notre vue par les yeux et surtout entendue par les oreilles de la Stasi, la police d'état qui était à la RDA ce que le KGB était à l'URSS (et ce que sont encore un peu les RG à notre France bien-aimée pour rebondir sur l'actualité ...).
Henckel von Donnersmarck aurait pu situer son film dans les années 50 ou 60, à un chapitre précédent et révolu de notre histoire.
Mais l'intrigue est datée de ... 1984, juste avant l'arrivée de Gorbatchev à Moscou et la chute du Mur à Berlin : ce n'est finalement que la page précédente dans le grand livre. Presque aujourd'hui, peut-être demain.
Comme s'il fallait nous rappeler que la transformation du siège central de la Stasi en musée d'archives n'est pas la garantie que le spectre de Big Brother s'est bien éloigné pour toujours.
La référence n'est sûrement pas fortuite, puisque 1984, c'est aussi l'année du roman de G. Orwell.
Le film démarre lentement mais c'est pour mieux nous immerger dans l'ambiance lugubre des couloirs grisâtres de la Stasi et des rues désertes de Berlin Est.
Puis l'intrigue se noue à partir de trois fois rien et sous cette histoire d'écoutes téléphoniques et de fiches policières, se découvre alors une très très belle histoire d'amour.
Une belle histoire d'amour où une actrice de théâtre (que l'on connaîtra à peine) se retrouve au centre de la vie de trois hommes différents, mais une histoire désespérée : que pouvait-on espérer sous un tel régime ?
Au-delà du contexte politique de l'époque, il semble bien que les hommes, même équipés d'écouteurs et de micros, n'arrivent guère à franchir les "murs" qui les séparent et à communiquer entre eux (Brecht est d'ailleurs cité dans le film).

Miousik : Norah Jones

Actualité miousik oblige, c'est au tour du dernier album d'une dame, Norah Jones de faire la une.
Extraits de son nouvel album Not too late, on adore :

  • et le très très cool Broken,
deux superbes morceaux parmi d'autres où la belle est toujours accompagnée de son petit copain guitariste, Lee Alexander.
De ses précédents albums on avait déjà repiqué :
Ainsi que quelques balades de l'excursion country avec les Little Willies :

Cinoche : Blood diamond

Difficile d'échapper au battage médiatique de la sortie de Blood diamond qui a réussi à faire son auto-promo grâce à la réaction des diamantaires en général et du trust De Beers en particulier.
Mais le film est bien à la hauteur de sa pub : la démonstration est édifiante et la charge virulente contre les diamantaires de Londres, d'Anvers ou d'Afrique du Sud, tout comme contre les mercenaires (d'anciens colons blancs qui ont "fait" l'ex-Rhodésie, l'Angola ou l'Afrique du Sud) et les trafiquants de toute sorte qui, sur place, prélèvent leur commission, arment les rebelles, protègent les gouvernements, arrosent les douaniers, vendent du matériel aux armées régulières et n'hésitent pas à tirer dans le tas en cas de besoin.
On a apprécié qu'Edward Zwick prenne son temps pour installer ses personnages, planter le décor et le contexte puis développer l'intrigue soigneusement documentée.
Pour autant on n'a guère de moment de répit : les scènes d'horreur sont parfois difficilement soutenables et se succèdent à un rythme soutenu, ce qui nous laisse peu de temps pour goûter les plans larges sur la beauté de cette Afrique ensanglantée.
Ames sensibles s'abstenir (mais ce serait vraiment dommage de manquer cette efficace leçon) : les violences s'enchaînent, les carnages se suivent, les cadavres s'empilent, depuis les mutilations systématiques (une tradition héritée des colons belges, merci Léopold) jusqu'à l'embrigadement forcée des enfants dans les milices rebelles.
On avait déjà bien aimé Lord Of War l'an passé (avec Nicolas Cage) mais ce réquisitoire contre le trafic d'armes en Afrique fait ici figure de dessin animé pour ados à côté de ces diamants de sang, les diamants de conflits : les rebelles exploitent leurs compatriotes dans les mines de diamants pour financer leur armement avec l'argent des riches occidentaux.
Dans le film, un vieux noir perdu au milieu de son village massacré, après sans doute avoir perdu toute sa famille, énonce une sinistre vérité sur l'homme blanc, quelque chose comme : "Faites qu'ils ne trouvent pas de pétrole ici. Car pour le coup, là, les vrais ennuis commenceraient vraiment ...".
Depuis début 2003, le Processus de Kimberley a permis de réduire ces trafics grâce à la certification des diamants qui ne proviennent plus des zones de conflit. Ouf !
Est-ce à dire que la leçon arrive trop tard ? Ou que, plus justement, les acteurs du marché ont fait suffisamment de ménage pour que maintenant l'histoire puisse sortir au grand jour ?

Bouquin : Mer d'encre

Après Soie dont a parlé récemment, voici un autre petit voyage en orient écrit par un européen, un allemand cette fois : Richard Weihe.
Mer d'encre nous emmène en Chine à la fin des Ming et aux débuts de l'invasion par la dynastie mandchou des Qing : c'est l'histoire légendaire d'un prince devenu maître du pinceau à l'encre de chine, entre peinture et calligraphie.
On y parle donc de cet art typiquement asiatique qui consiste à transformer le noir absolu de l'encre de Chine en dessin vif et "coloré", véritable philosophie zen.
L'écriture de Weihe n'atteint pas la pureté poétique de celle de la Soie d'Alessandro Baricco mais cet ouvrage d'à peine plus de 100 pages est une petite incursion, instructive et plaisante, dans les mystères de l'extrême-orient.
Curiosité supplémentaire, le livre est agrémenté de reproductions de peintures à l'encre, celles-là même qui sont décrites dans le roman.
[...] Quand tu plonges ton pinceau dans l'encre, tu le plonges dans ton âme. Et quand tu diriges ton pinceau, c'est ton esprit qui le dirige. Sans profondeur et sans abondance, ton encre manque d'âme; sans direction et sans vitalité, ton pinceau manque d'esprit. L'un reçoit de l'autre. Le trait reçoit de l'encre, l'encre reçoit du pinceau, le pinceau reçoit du poignet et le poignet reçoit de ton esprit conducteur. C'est cela maîtriser la puissance de l'encre et du pinceau.

Bouquin : Ambiguïtés

Le roman de l'australien Perlman, Ambiguïtés, sort en poche chez 10/18.
C'est l'occasion de découvrir la vie de nos voisins "down under" même si le dépaysement n'est pas au rendez-vous car on se croirait bien chez leurs cousins américains.
C'est plutôt l'occasion d'ouvrir les différents tiroirs de ce roman où un presque fait divers (un homme obnubilé par son ex lui enlève pendant quelques heures le fils qu'elle a eu après leur séparation avec son remplaçant) un fait divers sert de prétexte à une histoire toute en ... ambiguïtés.
Chaque personnage fait ainsi l'objet d'un long épisode (il y en a 7) et l'on voit successivement à travers les yeux de chacun d'eux ce que pourrait être l'histoire et comment les incompréhensions réciproques (vous avez dit ambiguïtés ?) peuvent influer sur le destin de chacun d'eux.
Il y a donc pratiquement 7 petits romans qui nous font progresser tout doucement dans l'intrigue (à chaque épisode on comprend un peu plus du passé et on découvre un peu plus du présent).
Sur le principe voisin des histoires à plusieurs voix, même si le style est très différent, rappelons aussi les bouquins de Murakami Ryû.
On pourrait juste regretter chez Perlman certaines coïncidences qui font se croiser les personnages, un peu comme si le hasard faisait trop bien les choses, mais c'est sans doute le prix à payer pour la richesse romanesque de ces destins entrecroisés.
[...] Une relation entre deux êtres, tout comme une relation entre deux mots, est ambigüe si elle prête à différentes interprétations. Et si deux êtres ont une perception différente de leur relation - je ne fais pas seulement allusion à l'évolution de cette relation, mais à sa nature - , alors cette différence peut affecter le cours de leur existence.