Cinoche : Frozen river

Home, sweet mobile-home.

Amateurs de contes de Noël, rebroussez vite chemin et ne franchissez pas la rivière ... voici Frozen River de Courtney Hunt.
Quelques jours avant Noël le mari de Ray se tire avec les économies du ménage, laissant sa femme seule dans un mobile-home pourri (le magot était destiné à son remplacement) avec deux enfants à charge et un mi-temps de caissière à à l'épicerie du coin.
Le hasard et le scénario vont se faire rencontrer Ray et Lila, une indienne qui vit dans la réserve mohawk.
Toutes deux sont dans la galère, n'arrivent pas à assumer leur rôle de mère et ont besoin de fric.
Le fleuve-frontière entre États-Unis et Canada traverse la réserve indienne où la police de l'état n'entre pas puisque les indiens y administrent eux-mêmes l'ordre et la justice. La rivière est gelée en hiver (il fait -20° une fois sorti du mobile-home) et tous les ingrédients sont donc réunis pour que les deux femmes se livrent au trafic et jouent les passeuses.
Il s'agit en effet de faire entrer aux US, les chinois ou les pakis qui attendent impatiemment d'être embarqués par les négriers en mal de main d'œuvre docile et pas chère.

Plus glauque, tu gèles sur place ! Dès les premières minutes du film, la poisse et la misère nous collent aux bottes. On s'enfonce lentement mais sûrement avec les deux femmes dans la galère la plus noire.
Partout ailleurs sur Terre la neige est filmée toute blanche et immaculée : ici on patauge dans la neige fondue et la gadoue.
Et le climat est de plus en plus oppressant : misère affective, économique, sociale, tout y est.
Le climat météo avec ce froid qui s'insinue partout. Le climat du film également où le stress va grandissant alors qu'aucune violence n'est apparente, ni fond musical énervant, ni agitation agaçante de caméra. C'est plutôt lent mais d'autant plus efficace. La misère est une sourde violence.
Au début du film, Ray s'inquiète de ce que peut dire ou faire la police des frontières ... et Lila de répondre quelque chose comme : quelle frontière ? il n'y a pas de frontière !
Certes, aux yeux de l'indienne dont les ancêtres vivaient ici avant les cow-boys, la frontière entre ces deux pays soi-disant riches n'existe pas (n'existera jamais) pour les exploités de tout bord.
Mais il y a dans le film bien d'autres frontières infranchissables.
La frontière entre nantis et misérables. Misérables qui ont trouvé plus précaires qu'eux (qu'elles) avec les chinois, pakis ou prostituées qu'il s'agit de faire passer (on a toujours besoin de plus précaire que soi, comme le disait l'an passé Ken Loach dans son film Free world).
La frontière entre blancs et indiens également (le fils aîné de Ray irait bien casser du mohawk).
L'un des intérêts du film est d'ailleurs de nous laisser approcher cette réalité des indiens parqués, un aspect de la vie nord-américaine que l'on voit rarement au cinoche (à lire aussi, les bouquins du regretté Tony Hillerman, même s'ils se situent dans des contrées plus chaudes).
À noter aussi, la prestation étonnante de vérité de l'actrice Melissa Leo qui joue le rôle de Ray, la blanche.
Pour finir, alors que le spectateur gît défait au fond de son fauteuil, la réalisatrice daigne, dans les quelques dernières petites minutes de son film, lui tendre un mince filin pour le sortir de la mouise juste avant le mot End (sans vraiment de Happy devant, ça va de soi). Ouf, on a bien failli être englouti dans la rivière gelée, en pleine débâcle ...
L'ami Obama va avoir bien du mal à redresser son pays ...


Pour celles et ceux qui aiment l'éclat sombre de la neige et les beaux portraits de femmes.
Lo et Pascale ont aimé également. Kilucru en parle très bien. D'autres avis sur Critico-Blog.

Bouquin : Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur

En noir et blanc.

Voilà un moment qu'on tournait avec méfiance autour de cet oiseau, un livre incontournable de la blogoboule qui soulève l'enthousiasme un peu partout.
Jusqu'ici le style tranche de vie racontée avec humour par une enfant nous en avait écartés mais le livre traînait sur les étagères de P & M entre Noël et le Jour de l'An ...
Belle occasion de découvrir cet excellent bouquin et rattraper ainsi notre retard !
Oublions vite le côté tranche de vie racontée avec humour par une enfant puisque, s'il y a bien une enfant au centre du roman, l'histoire nous est contée sans niaiserie et avec un regard d'adulte (ce qui fut d'ailleurs reproché par certains à Ann Harper Lee avant qu'elle ne reçoive le Pulitzer).
Ce fameux bouquin, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur a été écrit dans les années 60 en pleine campagne des Noirs pour leurs droits civiques et l'action se situe dans les années 30, en pleine Dépression (encore !), dans un état du Sud (l'Alabama) à un moment où la ségrégation avait encore de beaux jours devant elle.
L'auteure nous conte l'histoire d'enfants qui grandissent élevés au fil des saisons par leur père : Scout, la cadette, garçon manqué et son frère aîné, Jem.
À qui Atticus le père offre un jour une carabine :

[...] - Je préfèrerais que vous ne tiriez que sur des boîtes de conserves, dans le jardin, mais je sais que vous allez vous en prendre aux oiseaux. Tirez sur tous les geais bleus que vous voudrez, si vous arrivez à les toucher, mais souvenez-vous que c'est un péché que de tuer un oiseau moqueur.
Ce fut la seule fois où j'entendis Atticus dire qu'une chose était un péché et j'en parlai à Miss Maudie.
- Ton père a raison, dit-elle. Les moqueurs ne font rien d'autre que de la musique pour notre plaisir. Ils ne viennent pas picorer dans les jardins des gens, ils ne font pas leurs nids dans les séchoirs à maïs, ils ne font que chanter pour nous de tout leur cœur. Voilà pourquoi c'est un péché de tuer un oiseau moqueur.

En 1935, dans cette petite ville du fond de l'Alabama, on trouve effectivement ces fameux mockingbirds chantants mais aussi des Noirs, employés aux champs ou aux cuisines, qui chantent du gospel de tout leur cœur.
Jusqu'à ce que l'un d'eux, Tom Robinson, se retrouve accusé d'avoir violé une blanche, Mayella Ewell,  ...
Les Ewell sont une bande de pouilleux et de crêve-la-faim (on est en 1930) mais ils sont blancs ...

[...] - Pendant la déposition de Tom Robinson je pris conscience que Mayella Ewell devait être la personne la plus seule au monde. Elle l'était plus encore que Boo Radley qui n'était pas sorti une fois de chez lui en vingt-cinq ans. Lorsque Atticus lui avait demandé si elle avait des amis, elle avait paru ne pas savoir ce qu'il voulait dire, puis croire qu'il se moquait d'elle. Elle était aussi triste, me dis-je, que ce Jem appelait un enfant métis : les Blancs ne voulaient rien avoir affaire avec elle parce qu'elle vivait dans une porcherie, les Noirs parce qu'elle était Blanche. 

Tom sera défendu par le père des enfants et la deuxième partie du bouquin nous vaut quelques belles pages de ce procès.
Une plongée dans l'amérique raciste la plus profonde, annonciatrice des changements à venir (Martin Luther King sera assassiné 9 ans après la parution du bouquin, 35 ans après les faits relatés).
Une belle leçon également pour nos ados.


Pour celles et ceux qui aiment le Sud et les garçons manqués.
Le livre de poche édite ces 434 pages qui datent de 1960, traduites de l'américain par Madame Stoïanov et Isabelle Hausser.
Tout le monde en parle et donc : Gachucha, Katell, Tamara, Papillon, ...

Bouquin : Courir

C’est l’histoire d’un type.

On vient juste de dire tout le bien qu'on pensait de la plume de Jean Échenoz avec Lac, qui date de 2005.
Et puis Véro nous a prêté la dernière et toute récente production d'Échenoz : Courir.
Courir, c'est l'histoire d'Émile.
Émile n'aime pas le sport. Émile travaille dans une usine de chaussures Bata en Tchécoslovaquie (c'est ça le destin ?).
Émile sera pourtant le coureur le plus rapide du monde.
Émile n'aime pas trop son boulot à l'usine. Et on s'aperçoit qu'Émile est vraiment très rapide à la course, même s'il court n'importe comment.
Alors, poussé par son entourage, Émile s'entraine, s'entraine encore, par tous les temps.
Bientôt les records de Tchécoslovaquie commencent à tomber dans les poches du survêtement d'Émile.
Encore quelques années d'entrainement et ce sera les records d'Europe puis du monde. Le 5.000 mètres, le 10.000 mètres, le record de l'heure (plus de 20.000 mètres), les médailles d'or des Jeux Olympiques, jusqu'au mythique marathon.
C'est l'histoire d'Émile.
C'est l'histoire de Zatopek, Émile Zatopek, la locomotive tchèque qui sera pendant de nombreuses années l'homme le plus rapide du monde, accumulant records et médailles et courant n'importe comment, sans style, la tête bringuebalant sur le côté, sans méthode, au grand dam des entraineurs et docteurs sportifs. À une époque où le mot dopage n'avait pas encore été inventé et où sur la piste, sur la cendrée comme l'on disait encore, il n'y avait que des hommes et non des cobayes de labos pharmaceutiques.
[...] Un  jour on calculera que, rien qu'en s'entrainant, Émile aura couru trois fois le tour de la Terre. Faire marcher la machine, l'améliorer sans cesse et lui extorquer des résultats, il n'y a que ça qui compte et sans doute est-ce pour ça que, franchement, il n'est pas beau à voir. C'est qu'il se fout de tout le reste. Cette machine est un moteur exceptionnel sur lequel on aurait négligé de monter une carrosserie. Son style n'a pas atteint ni n'atteindra peut-être jamais la perfection, mais Émile sait qu'il n'a pas le temps de s'en occuper : ce seraient trop d'heures perdues au détriment de son endurance et de l'accroissement de ses forces. Donc même si ce n'est pas très joli, il se contente de courir comme ça lui convient le mieux, comme ça le fatigue le moins, c'est tout.
Enfin, presque tout. Car Échenoz a l'intelligence de replacer la course d'Émile dans celle, encore plus folle, du monde. Le monde finissant du XX° siècle.
Émile a 17 ans quand le III° Reich envahit les Sudètes (beaucoup) et la Tchécoslovaquie (un peu, tant qu'on y est, on y reste). La première course officielle d'Émile est un cross de la Wehrmacht. Après la guerre il court à Berlin dans le stade construit par Hitler pour les fameux JO de 1936. Plus tard son talent est "utilisé" par la propagande tchèque (ou même celle du PC français avec le cross de l'Humanité). Même si le pouvoir communiste ne lui délivre des visas qu'au compte-goutte ... dès fois qu'il prenne goût à la course de l'autre côté du rideau de fer.
Encore un peu plus tard, il se rallie à la bannière de Dubcek pendant le printemps 68.
On sait comment le printemps se termine : Émile signera donc son autocritique comme tout le monde et, après un passage par les mines d'uranium, finira archiviste dans un sous-sol du ministère des sports.
Ce petit bouquin d'Échenoz (tous les bouquins d'Échenoz sont petits !) se lit à toute allure, à toute vitesse.
En moins de deux heures, en moins de temps qu'il n'en faut à Émile pour courir les 20.000 mètres.
On suit tout cela (les courses d'Émile et la roue de l'Histoire) au rythme donné par Échenoz, dans la foulée d'Émile : c'est passionnant, captivant, haletant.
Sous la plume d'Échenoz, on a l'impression de voir le monde courir à sa perte tandis que le petit bonhomme Émile court sur la planète, poursuivi par les chars, essayant vainement d'échapper à l'Histoire qui finira par le rattraper lorsque, avec l'âge, Émile s'essouffle et se trouve bien heureux de voir quelques jeunes prendre enfin la relève.
Échenoz est un écrivain fort discret et fort talentueux. C'est son dernier bouquin et son écriture si caractéristique (une douce ironie, une tendre cocasserie, faussement naïves), est ici parfaitement dosée et maîtrisée et réussit à nous faire partager pendant quelques pages la course folle d'Émile.
Impeccable.


Pour celles et ceux qui aiment la course à pied, et même pour ceux qui n'aiment pas.
Les éditions de minuit éditent ces 142 pages qui datent de 2008.
Benjamin en parle, Culture-Café et Lucretius aussi. BlueGray a moins aimé. D'autres avis sur Critiques Libres.
Les Éditions de minuit proposent intelligemment de découvrir en ligne les premières pages du roman : c'est ici.
Une bio d'Échenoz.

Bouquin : Élégie pour un américain

Chez la voisine de Woody Allen.

Siri Hustvedt n'est autre que l'épouse de Paul Auster : un parrainage qu'elle assume fort bien tant son style est limpide et maîtrisé comme le montre son roman, Élégie pour un américain.

Élégie : poème lyrique, écrit dans un style simple, qui chante les plaintes et les douleurs de l'homme, les amours contrariés, la séparation, la mort.

Pour une fois tout est dit dans le titre (The sorrows of an american en VO).
Le roman entremêle (très habilement) le présent d'un psychanalyste new-yorkais et de sa sœur avec le passé de leur père, voire de leurs grands-parents.
Avec même des extraits des mémoires du père (des vraies mémoires du vrai père de Siri Hustvedt).
Une famille d'immigrés norvégiens (Siri Hustvedt est d'origine norvégienne) et cette histoire «intergénérationnelle» comme on dit, pourrait faire le lien transatlantique entre les sagas nordiques qu'on a découvertes récemment ici ou et les histoires plus américaines qu'on a pu lire ici et .
Les plus attentifs auront également repéré quelques mots-clés : psychanalyse, New-York, ... oui, on est en plein dans le monde de Woody Allen. Celui des intellectuels américains (enfin, new-yorkais) tourmentés aujourd'hui par les suites du 11 septembre et la guerre en Irak (les américains semblent avoir découvert le mal depuis qu'il a frappé chez eux).
C'est ce côté parfois un peu jérémiade qui peut agacer, comme peuvent aussi gêner les références répétées à la psychanalyse et aux patients du héros. 

[...] La mère de Mr. B. s'était ouvert les veines dans son bain. Son mari avait découvert son corps lorsque l'eau ensanglantée avait passé sous la porte. Après avoir fermé le robinet, il avait trouvé son fils en bas, dans la cuisine, et lui avait annoncé laconiquement : Ta mère est morte. Après quoi il l'avait enfermé dans sa chambre, où le gamin était resté assis pendant des heures. Les adultes lui avaient menti au sujet de la mort de sa mère, même si "le cœur" avait constitué une métaphore efficace pour ce dont avait souffert la mère de Mr. B. Tant de mutisme.

On aurait peut-être préféré se concentrer sur la belle histoire du frère et de la sœur à la recherche de leur père, de la mémoire de leur père, quitte à ce que ce soit dans des rêveries ...

[...] Il portait les lunettes à monture sombre dont je me souvenais depuis mon enfance, et je m'approchais de lui. "Papa ?" Il se mettait à parler de notes en bas de page, mais j'avais de la difficulté à suivre ce qu'il disait et sa voix paraissait venir de loin, comme d'une autre pièce, en dépit du fait que son visage sans rides se trouvait proche du mien et paraissait étrangement agrandi. Il n'y avait pas de bonbonne d'oxygène près de lui, pas de cicatrice due au cancer sur son nez, pas d'appareils auditifs dans ses oreilles. Sa jambe gauche n'était pas raide. Il vieillit sous mes yeux. Mon vieux père remplaçait le jeune homme. Les lunettes qu'il portait devinrent les lunettes à monture d'acier que je lui avais vues les derniers temps, son visage se couvrit de rides profondes. Je vis la marque violacée sur le côté droit de son nez, là où les chirurgiens lui avaient greffé de la peau de son crâne afin de réparer les dégâts résultant de l'opération par laquelle ils lui avaient extirpé le mal. Il sourit.
"Père, lui dis-je. N'es-tu pas mort ?
- Si", répondit-il, penché en avant, les bras tendus vers moi. 

Siri Hustvedt est plus connue pour l'un de ses livres précédents : Tout ce que j'aimais, que les lecteurs semblent avoir préféré à ce dernier. Il a donc fallu qu'on le lise également !


Pour celles et ceux qui aiment les tourments.
Comme pour «monsieur», c'est Actes Sud qui édite ces 394 pages qui datent de 2008 en VO et qui sont traduites de l'américain par Christine Le Boeuf.
Guillaume en parle longuement. D'autres avis sur Critiques libres.

Cinoche : Le Che (1)

Icône de légende.

D'abord un petit coup de grogne contre le nouveau mode de distribution de certains films qui consiste à vous faire payer deux places au lieu d'une.
Après Mesrine épisode 1 et 2, voici le Che épisodes 1 et 2.
Les réalisateurs ne savent-ils plus faire tenir leurs propos en moins de deux heures ? où cherchent-ils plutôt à rentabiliser au maximum la production ?

Ceci étant dit, si on a pu zapper Mesrine, comment éviter le Che de Steven Soderbergh ?
Un sujet passionnant de l'histoire contemporaine, un épisode qui aura marqué toute une génération (celle dont on fait partie) et bien sûr l'avenir politique de l'Amérique.
Alors en route pour une leçon d'histoire (obligatoire pour les ados !).
Steven Soderbergh part cependant d'un point de vue bien personnel. Le Che est l'une des figures les plus emblématiques de la seconde moitié du siècle, sans doute l'image et le poster les plus répandus dans le monde. Et Soderbergh entend bien nous vendre son propre poster.
Non pas qu'il détourne la vérité historique, comme on dit. Bien au contraire, il reste fidèle aux écrits d'Ernesto Guevara, mais le film est particulièrement elliptique sur tout ce qui touche au contexte historique ou politique.
On entend ici ou là quelques échos de la grève générale, on devine quelques relations avec les communistes, on voit bien quelques instants d'une négociation entre Fidel Castro et des militants "urbains" mais ce sera à peu près tout ce que l'on verra de la révolution cubaine dans ce premier épisode.
Quand Castro part déjà sur ses propres routes, tout le film suit le Che asthmatique à la trace. On reste collé à ses rangers (plusieurs gros plans comme pour souligner que la révolution en marche est une expression à prendre au premier degré) et on partage tous les instants de la guérilla.
Le film est monté avec en alternance, d'un côté des images en couleurs de la progression du Che dans la guérilla cubaine et d'un autre côté des images en noir et blanc du discours du Che à l'ONU quelques dix ans plus tard, fausses images d'archives.
Comme pour encadrer l'aventure cubaine dans la perspective personnelle du Che : exporter le combat anti-impérialiste dans toute l'Amérique du Sud.
Au fil de la progression des guérilleros (depuis la jungle de la sierra jusqu'aux premiers combats de rue à l'approche de Santa Clara et bientôt La Havane) on sent peu à peu la légende du Che se construire.
Benicio del Toro incarne le bon docteur Ernesto Guevara, cette figure de légende, un des rares révolutionnaires du siècle dernier dont l'image n'aura pas été ternie par le pouvoir. Une sorte de Saint-Just moderne.
Un meneur d'hommes qui n'acceptait une nouvelle recrue qu'avec un fusil et l'engagement d'apprendre à lire et à écrire !`
À suivre avec le n° 2.


Pour celles et ceux qui aiment les leçons d'Histoire.
D'autres avis sur Critico-Blog, dont celui toujours pertinent de Cluny.
Pascale en parle également. Le second épisode est ici.

Cinoche : Un barrage contre le Pacifique

Le paradis est un enfer.

Les romans de Marguerite Duras en Indochine adaptés au ciné sont une valeur sûre.
Voici donc, Un barrage contre le Pacifique adapté au grand écran par le cambodgien Rithy Panh (auteur du terrible S21 sur les geôles khmères de Pol Pot).
En haut de l'affiche, Isabelle Huppert est parfaite dans le rôle de la mère (la mère de Marguerite Duras) possessive et maladive.
Comme un Don Quichotte indochinois, elle s'entête contre vents et marées (vent colonial et marée du Pacifique) à mettre en valeur des rizières envahies régulièrement par l'eau salée de l'océan et convoitées par les nouveaux colons chinois pour y planter des poivriers.
À demi ruinée, elle s'obstine au point de vouloir vendre sa fille à un riche chinois (et c'est son fils qui finira par se vendre à son tour).
Car il y a au moins deux histoires dans ce film.
L'une, on l' a dit, conte les déboires de ces petits colons blancs des années 30, perdus au bout du monde et pris entre une nature belle mais hostile, des indigènes qui se révolteront bientôt et une administration coloniale brutale et corrompue.
L'autre histoire est celle, plus intime mais tout aussi dure, de la mère et ses deux enfants : je t'aime moi non plus, chantage à la maladie de la part de la mère, chantage au départ de la part du fils, innocence perdue de la fille (ce qui au passage, nous a donné envie de redécouvrir L'Amant).
Les deux volets se déroulent dans des décors somptueux (le film a été tourné sur les lieux mêmes de l'enfance de Duras) : ce décor paradisiaque n'est qu'une façade de carte postale et seules les vacances à Phuket peuvent avoir encore pour certains le goût du paradis. La nature y est violente (mousson, grandes marées, cyclones, ...) et finalement reflète la violence des passions humaines.
Un film qui vaut avant tout pour Isabelle Huppert dans ce rôle de femme qui construit ce «barrage» pour lutter contre sa propre fin, colmatant les brèches de sa propre vie qui semble se diluer inexorablement dans ce climat humide, la tête et les pieds dans l'eau : elle a perdu son mari, elle perd ses rizières et sa santé, elle perdra ses rêves et ses enfants ...
C'est aussi la fin d'une époque, la fin du rêve colonial : le film se clôture sur de nouvelles images de 2007 où, sur ces mêmes lieux, les paysans cambodgiens cultivent désormais ... un polder, pour un riz d'appellation contrôlée « les rizières de la dame blanche ».
La dame blanche n'aura peut-être pas tout perdu ...


D'autres avis sur Critico-Blog.

Miousik : Mariée Sioux

Le calumet de la paix.

On vous avait déjà fait écouter ici même Alela Diane, qu'on aime beaucoup et qu'on ira sans doute voir au Bataclan prochainement. Cette belle voix figurait d'ailleurs sur notre podium pour le best-of 2008.
Pour commencer la nouvelle année tout en douceur, voici sa cousine en quelque sorte, presqu'une soeur : Mariee Sioux.
C'est plus folk (et donc on aime un peu moins) mais c'est frais, aérien et très pur.
On apprécie particulièrement le très beau : Burried in teeth.Yakakliker pour écouter
Ainsi qu'un autre morceau aux accents très proches d'Alela Diane : Two tongues.Yakakliker pour écouter
On y retrouve cette obsédante répétition qui faisait la force des chansons d'Alela Diane. S'autorise-t-on ici à penser qu'il s'agit là peut-être d'une caractéristique des chants traditionnels indiens ?
Les deux squaws se connaissent bien et ont même chanté ensemble. Alela Diane est née à Nevada City et Mariee Sioux a des origines paiute.
Un autre morceau en version intégrale dans la vidéo ci-dessous : Wizard Flurry Home.


Pour celles et ceux qui aiment les grands espaces de l'ouest.

Miousik : les suédoises …

À nous les petites suédoises.

l y a longtemps, les petites suédoises nous faisaient déjà rêver ...
Depuis quelques mois les voici qui reviennent à la mode avec le folk scandinave, cette fois pour enchanter nos oreilles.
Allez, on commence l'année tout en douceur, avec pas moins de six voix différentes venues du froid (oui, c'est de saison !), six belles et véritables "voix".
Nos plus fidèles oreilles avaient déjà eu le bonheur d'entendre depuis Stockholm, Sophie Edkvist (alias Sophie Zelmani), c'était fin 2008.
On avait beaucoup aimé la chaleur de sa voix avec :
- Good bye
- ou encore Yeah, Ok !
À ses côtés, il faut compter désormais avec Anna Ternheim, une voix vraiment superbe, au timbre sûr et clair, qui n'hésite pas à se mettre en avant, quasiment a cappella avec seulement quelques notes de guitare ou de piano.
Une voix qui mérite une écoute attentive et laisse transparaître la solitude des longues nuits d'hiver au coin du feu : Halfway To Fivepoints .
Toujours en provenance de Stockholm mais dans un registre un peu différent, parfois mâtiné d'électro-beat, voici les refrains de Timotej Zachrisson plus connue sous son pseudo : Lykke Li (ça se prononcerait liqueuli et ça voudrait dire une âme agitée).
On aime bien le doux chagrin de Tonight  :

push my back so I make sure
you're right behind me as before
yesterday the night before tomorrow
dry my eyes so you won't know
dry my eyes so I won't show
I know you're right behind me
and don't you let me go, let me go tonight
don't you let me go, let me go tonight

Victoria Bergsman (ex-chanteuse du groupe The Concretes) est, elle, allée chercher ses chœurs et ses rythmes bien loin de chez elle, au Pakistan, pour son album-concept Taken by trees : voici un extrait de To lose someone .
Dans un style encore différent voici Frida Hyvönen, qui nous vient d'une petite ville du nord du pays et dont le chant accompagne les mélodies qu'elle joue elle-même au piano.
Un extrait enjoué de : Birds .
Enfin, on ne peut oublier Lisa Ekdhal déjà connue chez nous pour avoir chanté en duo avec le regretté Henri Salvador (c'était All I really want is love dans Chambre avec vue). Une habituée des swings jazzy mais qui sait aussi explorer un registre plus pop qui nous plait bien.
Des six chanteuses évoquées ici c'est aussi la seule à chanter en ... suédois.
Ce qui nous vaut d'étranges chansons pétillantes, où roulent les rrr et où éclatent plein de petites bulles de ö, de ä et de å ... c'est charmant et rien que pour ça, elle mérite un coup de cœur !
On vous offre deux beaux extraits de cette étrange langue venue du nord :
- Vraket
- et Du Sålde Våra Hjärtan
et ne venez pas nous demander pas de quoi ça parle, c'est là qu'est tout le chårrrme !


Pour celles et ceux qui aiment les voix du nord.

Bouquin : Un lieu incertain

Fausse modestie.

Il y avait longtemps qu'on n'avait pas replongé dans les polars de Fred Vargas et on a donc manqué les dernières enquêtes du commissaire Adamsberg, faut dire que les effets de style de la dame à la plume si savoureuse se dégustent mieux à petites doses.
Mais voilà, Véro nous a prêté Un lieu incertain.
Et dans ce lieu incertain, Fred Vargas s'est déchaînée : un véritable feu d'artifice d'associations d'idées, un festival d'Adamsbergueries.
Les personnages se multiplient (le commissaire british, le neveu serbe, les adjoints ahuris de la brigade du commissaire, ...) et les dialogues sont tous plus déjantés les uns que les autres.
Fred Vargas manie le fil et l'aiguille avec doigté et saute du coq à l'âne avec souplesse.
Se payant même le luxe (en train-couchette quand même) de la touche européenne puisqu'on chemine du cimetière de Highgate de Londres à un sombre village de Serbie.
L'auteure a le don de nous faire toucher le tissu erratique qui sous-tend le monde que l'on dit rationnel. C'est pas du fantastique ou du surnaturel (il ne s'agit que de pensées, d'actes ou de paroles très humains, si humains justement) mais, comment dire, on n'a pas tous le don d'Adamsberg pour naviguer dans ces eaux troubles et discerner les connexions au-delà des apparences. On s'identifierait plutôt aux collègues ahuris de la brigade !
Au passage Adamsberg bénéficiera d'un diagnostic médical très poussé :

[...] - Une absence quasi totale d'angoisse. C'est une posture rare. En contrepartie bien sûr, l'émotivité est faible, le désir pour les choses est atténué, il y a du fatalisme, des tentations de désertion, des difficultés avec l'entourage, des espaces muets. On ne peut pas tout avoir. Plus intéressant encore, un laisser-aller entre les zones du conscient et de l'inconscient. On pourrait dire que le sas de séparation est mal ajusté, que vous négligez parfois de bien fermer les grilles.

Espérons que la science nous procurera bientôt des pilules du syndrome d'Adamsberg (en doses homéopathiques quand même).
Dans cet épisode, on accumule les petites histoires (la chatte, le chien, le docteur, le cimetière anglais, ...) qui s'entrecroisent et se recoupent et au bout de quelques chapitres on ne sait pas (on est curieux de savoir) laquelle donnera à Adamsberg la connexion clé qui dénouera l'écheveau de l'intrigue.
Ces histoires empilées, qui donnent de si savoureux dialogues sur lesquels surfe le grand maître Adamsberg, font penser à la structure des textes humoristiques et poétiques de Jean-Jacques Vanier, où le croisement tardif avec une histoire vue plus tôt déclenche tout à coup humour et poésie.

[...] - À quelle heure part le Venise-Belgrade ?
- À vint et une heure trente-deux. Je passe chez moi prendre un paquetage et mes montres. Ça me gêne, je n'ai pas l'heure.
- Quelle importance ? Vos montres ne sont pas à l'heure.
- C'est parce que je les règle sur Lucio. Il pisse contre l'arbre environ toutes les heures et demie. Mais il y a forcément du flou.
- Vous n'avez qu'à faire le contraire. Régler vos montres sur une pendule, ce qui vous donnera l'heure exacte des pissées de Lucio.
Adamsberg le regarda un peu surpris.
- Je ne veux pas savoir à quelles heures pisse Lucio. À quoi voulez-vous que ça m'avance ?
Danglard eut un geste qui signifiait "laissons choir" [...]

Voilà. Tout est là ! À pisser de rire.
Avant de se demander un peu bêtement, qui est dans le vrai ?
Danglard a certainement raison, Adamsberg est sûrement dans le juste. C'est toute la saveur des nuances mises à nu par dame Vargas.
Comme dans bon nombre de ses bouquins, les mythes surnaturels (ici les vampires) servent à décorer une histoire bien plus terre à terre ...
Dans la dernière partie de ce polar (en Serbie) le rythme s'essouffle un peu, les personnages se dispersent, les dialogues aussi, on sent qu'il faut dénouer l'intrigue et terminer l'enquête.
Comme on l'a dit, on a loupé les derniers épisodes (dont les Vents de Neptune) mais ce Lieu incertain nous semble l'une des meilleures cuvées du cru Vargas. Même si personnages et dialogues prennent largement le pas (et c'est bien le charme de ce bouquin) sur l'intrigue, reléguée au second plan.
Du coup, Sous les vents de Neptune est tombé dans la PAL ! À suivre donc ...


Pour celles et ceux qui aiment les histoires de vampires.
Viviane Hamy édite ces 385 pages qui datent de 2008.

Best-of 2008

Voici le 3ème best-of annuel sur ce blog, histoire de repérer ce qu'on pourrait appeler « les coups de cœur de nos coups de cœur ».
Même s'il est toujours difficile de faire un choix parmi les meilleurs,  car le tri a déjà été fait une première fois avant d'arriver sur le blog  ...
cliquez sur les vignettes ou sur les liens pour retrouver les billets en version intégrale


Notre billetLe canapé rouge de Michèle Lesbre.
L'histoire d'une femme qui se met en quête d'un amour perdu ... à Irkoustk en pleine Sibérie, au bord du lac Baïkal.
Cette quête, c'est celle du désir des choses perdues : un amour qui s'en est allé, un idéal (politique) qui ne s'est pas réalisé, un enfant qu'on n'a pas eu, ... Le voyage en train est comme une vie suspendue, une parenthèse, on s'en va mais c'est pour être plus proche de ce qu'on croit avoir laissé. Michèle Lesbre est pour nous l'une des découvertes de l'année puisqu'on la retrouve également sur le podium des polars !


Notre billetLa bénédiction inattendue et Les paupières de Yoko Ogawa.
Revoici la reine de l'étrange avec deux recueils de nouvelles parus simultanément et qui se font écho.
Les nouvelles des paupières mettent en scène des rencontres : un passager dans un avion, une vieille femme qui vend des légumes, un vieux célibataire et une écolière, ou encore une collectionneuse d'odeurs.
Les nouvelles de la bénédiction ont pour thème récurrent l'écriture, et Yoko Ogawa s'y met elle-même en scène : l'une des nouvelles raconte comment l'inspiration lui est venue pour écrire une nouvelle de l'autre recueil et ainsi la boucle est bouclée. Il était temps que Yoko Ogawa monte sur notre podium !


Notre billetInconnu à cette adresse de Kathrine Kressmann Taylor.
Une correspondance entre un juif américain et son ami allemand.
On vous laisse découvrir ce que cache réellement le titre de ce petit livre terrible mais très astucieux (on aurait presque pu le classer dans les polars), avec une belle alliance de la forme et du fond. Un incontournable.
Mais cette histoire a été écrite 2 ou 3 ans avant la guerre !
Plusieurs années avant que le monde ouvre les yeux : un livre obligatoire !


Notre billetOut de Natsuo Kirino.
Un roman foisonnant avec toute une galerie de personnages très fouillés (plusieurs points de vue sont alternativement donnés sur cette histoire) qui gravitent autour de ces quatre femmes. Quatre beaux portraits féminins, même si la peinture n'est pas très reluisante.
Quatre collègues qui vont, par la force des choses, s'entraider lorsque l'une d'elles va tuer presqu'accidentellement son mari lors d'une dispute. Il faut l'aider à se débarrasser du corps ...


Notre billetRevoici Michèle Lesbre avec Une simple chute.
Le voyage en train, parenthèse dans la vie, est décidément un prétexte à de singulières rencontres.
Ici le héros prêtera l'oreille à une étrange dame qui semble bien partie pour lui raconter sa vie.
Ulysse qui écoute le chant d'une sirène ... et comme chacun sait (sauf notre héros) il ne faut pas écouter la sirène ...
Les amateurs de polars pourront ici apprécier une très très belle plume.


Notre billetDérive sanglante de William G. Tapply.
Un polar qui change du lot habituel : Stoney Calhoun ne supporte même plus l'alcool et boit du coca depuis l'accident qui l'a rendu amnésique !
C'est plutôt sympa et si l'islandais Arnaldur Indridason nous avait dissuadés à jamais d'aller en Islande, bien au contraire l'américain William G. Tapply semble nous inviter à passer nos prochaines vacances dans le Maine ! Une série prometteuse : nous avons lu également Casco Bay.


  • Dans la catégorie bandes dessinées, la fin d'année aura vu quelques belles découvertes :

Notre billetMaus de Art Spiegelman.
Une référence des BDthèques. L'histoire autobiographique d'un auteur à la recherche de la mémoire de son père, rescapé des camps nazis. La vie du père Spiegelman, marchand juif plus vrai qu'une caricature, est décrite sans complaisance. Ses petits trafics pour échapper aux rafles, puis pour survivre dans les camps, ... il n'en est que plus humain dans ce monde qui ne l'était plus. Et au passage, Spiegelman épingle l'anti-sémitisme polonais (heureusement pour nous, le père de Spiegelman n'est pas né en France).


Notre billetLe piège de Felipe Calva et Federico del Barrio.
Après le nazisme ... le franquisme.
Des dessins en noir et blanc, en noir surtout avec de grands aplats très graphiques, dont certains sont de véritables prouesses.
Avec en prime, une idée astucieuse : le scénario du Piège met en scène ... un dessinateur de BD et on a donc bien sûr droit à "la BD dans la BD". Le héros prépare un épisode des aventures d'un super-héros en prise avec un affreux méchant. Les dessins de cette nouvelle BD s'intercalent dans la BD elle-même.
Peu à peu, au fil des pages, les deux histoires se rapprochent ou se répondent ...

Notre billetEnfin, la parution tant attendue du troisième tome de La légende des nuées écarlates de l'italien Saverio Tenuta.
Quittons la trop dure réalité ... avec cette superbe japonaiserie où les dessins (les peintures, devrait-on dire) sont absolument splendides, avec des images superbes qui rappellent bien entendu estampes et calligraphies japonaises. Trop beau !
Le scénario est riche et à la hauteur des dessins avec toute une alchimie complexe entre passé et présent.


  • Dans la catégorie cinéma, c'est plutôt le début d'année qui aura été riche en étoiles :


Notre billetIt's a free world de Ken Loach.
À plus de 70 ans, Ken Loach sait encore frapper fort, très fort.  Et plutôt du genre coup de poing dans la gueule. La démonstration est brève et sans appel : une jeune femme, exploitée par les valets du capitalisme relève la tête, elle tient absolument à s’en sortir. Super, on est avec elle !
Pour élever son jeune fils, pour ne pas finir comme son père, …
... elle deviendra elle-même une exploiteuse pour assurément rendre service à tous ces immigrés qui viennent chercher du boulot à l'ouest, permettant ainsi au patronat de maintenir la pression vers le bas sur les salaires du pays.


Notre billetLust caution d'Ang Lee.
Sur fond de guerre sino-japonaise, le plus beau couple de cinéma qu'il nous a été donné de voir depuis longtemps.
Un formidable duo d'acteurs : tout passe dans leur jeu, dans leurs regards. Sur leurs visages filmés au plus près par une caméra entièrement à leur service.
Chaque scène est d'une rare intensité où chaque mot, chaque geste, chaque regard compte et compte juste ... un véritable festival pendant 2h30 qu'on ne voit pas passer et où l'on se surprend le sourire aux lèvres, non pas parce que l'histoire s'y prête, loin s'en faut, mais tout simplement parce que l'on est ravi de se trouver dans la salle pour partager ces moments.


Notre billetThere will be blood de Paul Thomas Anderson.
Superbe reconstitution de cette course au trésor (dans les années 1910-1920 le pétrole est en train de remplacer l'or) qui met en scène ces nouveaux cow-boys en train de faire naître notre époque.
Daniel Day-Lewis campe magistralement l'un de ces prospecteurs, un entrepreneur, prêt à tout pour exproprier quelques paysans enfermés dans leur religion, forer ses puits et faire jaillir le sang noir de la terre.
C'est presqu'une naissance, une délivrance, celle de l'Homme englué dans la boue, les pieds qui pataugent, qui s'enfonce dans le sol pour exploiter cette richesse et pouvoir ainsi s'élever au-dessus de sa condition.
Mais la terre ne se laisse pas facilement forer et chaque puits aura son prix en vies humaines. Ce qui nous vaut quelques images d'une rare violence.
Oui : le sang va couler, celui des hommes comme celui, noir, de la terre.


  • Dans la catégorie dessin animé, un seul candidat l'été dernier mais ne nous plaignons pas, c'est un gagnant qui occupe facilement les trois marches du podium à lui seul :

Notre billetValse avec Bachir de Ari Folman.
Un documentaire plutôt : l'auteur part à la recherche de sa mémoire, à la pêche aux souvenirs, lorsqu'il était une jeune recrue de Tsahal, il y a vingt-cinq ans, au moment de la guerre du Liban.
Le film est effectivement construit comme un reportage et l'auteur interviewe d'anciens compagnons (les vrais prêtent d'ailleurs leur vraie voix aux personnages du dessin animé). Tous ont oublié ce qui s'était passé. La mémoire est soigneusement occultée : l'un n'a tué que des chiens, l'autre n'a fait que des promenades en bateau, aucun d'eux ne se souvient vraiment des horreurs de la guerre.
À ne surtout pas manquer.
  • Enfin, dans la catégorie musique, si quelques valeurs sûres avaient occupé le podium 2007, l'année 2008 aura vu la découverte d'au moins trois belles voix :

Notre billetAlela Diane.
Cette californienne cache bien son jeu sous une simplicité déconcertante.
Quelques accords de guitare qui roulent en boucle, une voix incisive, d'une clarté éblouissante, aux accents lancinants, tantôt folk, tantôt soul, parfois blues, des refrains quasi-répétitifs (ever again, ever again, ever again, ...).
Il s'en dégage une force étonnante et une ambiance unique.
Alela Diane sera au Bataclan le 6 avril.


Notre billetSophie Zelmani.
En route pour Stockholm d'où nous berce cette douce voix.
Avec son look indian west coast, son chaud patronyme (en fait cette belle brune s'appelle Sophie Edkvist, c'est plus suédois ça non ?), on se dit que la Suède recèle bien des surprises.
Les radios nous avaient passé en boucle un de ses tubes, Always you (à la James Blunt), mais la dame de Suède vaut bien mieux que cela. Beaucoup mieux.
C'est baba, c'est cool et les arrangements de guitares de Lars Halapi (ah, ça c'est suédois) sont vraiment aux petits oignions.


Notre billetEmiliana Torrini.
Un père italien, une mère islandaise, le pays d'Indridason , le pays du moment !
Et bien le mariage est réussi entre la chaleur d'une très belle voix et l'étrangeté glacée de vocalises ou d'arrangements à la Björk.
Le plein de douceur étrange mais la dame est aussi capable d'un swing endiablé.
Emiliana Torrini sera au Bataclan le 30 janvier.


Voilà, c'est dit, c'est fait, salut 2008 et vive 2009 !
Et pour ceux qui auraient raté le best-of 2007 : c'est encore !