Cinoche : Les contes de la nuit

Il était une fois et la lumière fut.

Année faste en matière de dessins animés : après le Chat du rabbin et Chico et Rita, voici Michel Ocelot (souvenez-vous, Kirikou c'était lui ... en 1998) qui revient pour nous raconter de nouvelles histoires : Les contes de la nuit.
Une série de six petits contes que l'on dirait tout droit sortis de nos vieux recueils d'enfance "Contes et légendes de ...".
Et Michel Ocelot nous fait voyager à travers les lieux et les époques : au Moyen-Âge, aux Antilles, au Tibet, en Amérique du Sud et en Afrique bien sûr.
Chaque voyage est prétexte à un festival de couleurs et de superbes graphismes sur lesquels viennent se découper quelques personnages venus nous jouer leur histoire.
Comme on le disait il y a quelques jours à propos de Chico & Rita, pour les européens, dans 'dessin animé' il y a d'abord dessin.
Et même, pour une fois la 3D sert à autre chose qu'à mettre en relief les sous-titres d'une VO : ici les ombres chinoises se découpent au premier plan devant une multitude de fonds multicolores.
C'est lumineux, gentiment rétro, on dirait du papier cristal.http://carnot69.free.fr/images/coeur.gif
Les contes sont inventifs et délurés (la chevauchée du loup-garou, la fée-caresses, ...), faussement naïfs. Le message vivifiant est toujours celui de la tolérance entre les hommes (on est bercé par les accents chantants antillais, africains, ...), du refus de l'arbitraire ou du pouvoir, et de l'amour tout simplement.
Le box-office dira si les tout-petits sauront apprécier, mais ce qui est sûr c'est que Michel Ocelot cache bien son jeu à l'égard des grands : “[l'animation], c’est un déguisement qui me permet d’approcher les adultes sans éveiller leur méfiance, et de les toucher”.

PS : malgré la séance tardive et un ou deux (trois ?) petits verre de blanc, Véro ne s'est pas endormie - elle était coincée entre MAM et BMR qui la pinçaient et la secouaient entre chaque conte, Véro ? tu dors ?


Pour celles et ceux qui aiment les contes et légendes.
À lire : une interview de Michel Ocelot.

Cinoche : Chico & Rita

Besame mucho.

En matière de dessin animé, il y a le standard américain, façon Dysney revisitée Pixar. Et le standard nippon, façon manga revisitée Miyasaki.
Entre les deux, les européens tracent leur bonhomme de chemin original, faisant du dessin, du vrai dessin, animé certes mais toujours très proche des albums papier.
Après les graphismes sophistiqués de Renaissance, on a eu droit plus récemment aux aquarelles de l'Illusioniste ou à la ligne claire façon Hergé du Chat du rabbin et demain, Michel Ocelot nous conte ceux de la Nuit après son mémorable Kirikou. Ça foisonne ...
Et voici donc, venu de Catalogne, Chico et Rita, un dessin "très BD" et une musique "très Cuba" !
Que Lorraine nous pardonne cet emprunt à son blog, mais elle a tout à fait raison de relever qu'ici la 3° dimension de la 3D, c'est la musique, délibérément. Un superbe dessin en 2D et une superbe BO en relief.
Il faut un peu de temps pour entrer dans cette histoire d'amour et de musique, un peu de temps pour se laisser bercer par le rythme, pour se laisser porter par cette romance très comédie américaine des sixties, je t'aime moi non plus ou les amours contrariées de Chico au piano et de Rita la belle au micro. De Cuba à New-York, une visite des grands de la musique : Dizzie Gillepsie, Charlie Parker, Chano Pozo, Nat King Cole, ... on croise (et on écoute !) du beau monde.
Si l'on aime, ne serait-ce qu'un tout petit peu, le jazz cubain, c'est un pur régal !
Outre quelques standards, la BO est signée (à plus de 90 ans !) par Bebo Valdès.
Et les dessins, très BD on l'a dit, sont superbes.
Mais MAM a trouvé que cela manquait de sensualité : il est vrai que l'histoire reste très sage, que ce soit côté love story (même si quelques scènes dénudées attirent le gogo) ou que ce soit côté visite guidée du monde jazzy, même si l'on relève ça ou là quelques petites piques qui fustigent le côté raciste des américains amateurs de jazz qui voulaient bien des noirs sur scène mais pas dans les chambres d'hôtel. Sur les deux volets, le scénario parait effectivement un peu trop sage et l'ancrage socio-historique aurait gagné à être plus marqué, plus incisif.

Pour celles et ceux qui aiment la musique latino.

Bouquin : Rosa candida

Parfum de rose islandaise.

À ne pas confondre avec Vera Candida. Rien à voir.

Rosa candida raconte une histoire islandaise ... qui se passe en Europe sur le continent, on ne sait pas trop où(1).
Arnljotur est un jeune homme d'Islande presque ordinaire(2) amoureux des roses comme l'était sa maman, un peu trop tôt disparue. Il se décide à quitter son caillou pour aller repiquer des Rosa Candida, variété rarissime, dans le jardin réputé d'un lointain monastère.
En fait, ce résumé est idiot et cette trame ne sert que de prétexte à quelques rencontres de savoureux personnages.
Le père du jeune homme, une amoureuse un peu vite embrassée dans une serre (of course) juste le temps de faire un bébé, un moine cinéphile, et plusieurs autres croisés en chemin.
C'est une espèce de voyage initiatique, un peu road-movie, une rêverie sans queue ni tête mais un bouquin très maîtrisé.
Quelques péripéties comme une opération de l'appendicite :

[...] Depuis que j'ai été opéré, je pense nettement plus qu'avant à mon corps, tant au mien qu'à celui des autres. Par celui des autres, j'entends principalement le corps des femmes, mais je remarque aussi celui des hommes. Je me demande si l'anesthésie d'il y a quatre jours peut avoir pour effet secondaire d'accroître la conscience corporelle.

Car le jeune homme est effectivement très attiré par les personnages féminins croisés au cours de son périple :

[...] Les femmes ont une très longue mémoire et sont sensibles à l'effet des choses singulières qui se sont produites dans leur famille au cours des deux cents dernières années ; après quoi elles vont essayer de me relier à leurs racines historiques.

http://carnot69.free.fr/images/audur.jpgPas vraiment facile à raconter. Un roman en forme de berceuse, très "zen", où il faut accepter de se laisser porter, tout comme le héros, sans jamais trop savoir où cela va nous/le mener. Ici et maintenant : carpe diem, telle pourrait être la devise de (accrochez-vous) : Audur Ava Olafsdottir.
Un certain regard sur les femmes (Audur machin-dottir est une dame, on a vérifié sur le ouèbe, d'ailleurs elle s'appelle -dottir, donc).
Bien sûr l'allusion au Candide de Voltaire avec son "il faut cultiver son jardin" ne vous aura pas échappé (sinon, vous êtes bon pour repasser votre bac de philo).
Après l'Odeur du gingembre, voici un deuxième excellent roman pour l'été : MAM a beaucoup aimé cette odeur de roses islandaises, BMR a préféré le parfum exotique des racines asiatiques.

(1) : quelques indices épars, laissés ici ou là, qu'on n'a pas pris le temps de déchiffrer, pourraient bien donner lieu à toute une glose sur le sujet !
(2) : si tant est qu'un islandais puisse être ordinaire


Pour celles et ceux qui aiment les fleurs.
C'est Zulma qui édite ces 333 pages qui ont fleuri en 2007 en VO et qui sont traduites de l'islandais par Catherine Eyjolfsson.
Ce bouquin a fait le tour de la blogosphère et donc y'a plein d'autres avis chez Babelio ou Critiques Libres.

Bouquin : L’homme inquiet

Rattrapé par le passé.

Les derniers polars d'Henning Mankell nous avait laissé un petit goût de déception lorsque l'auteur se perdait dans des méandres politico-policiers.
Alors nous voici ravis avec cet Homme inquiet, ravis de renouer avec la meilleure veine du suédois, même s'il s'agit de la dernière enquête du commissaire Wallander.
Et oui Kurt rend les armes.
Mankell nous avait habitués à porter un regard incisif sur la Suède.
Déjà avec Le retour du professeur de danse, on avait vu la supposée ‘neutralité’ suédoise se montrer beaucoup trop bienveillante à l'égard du nazisme. Mankell poursuit sa leçon d'histoire et met en scène les années 80 où, après la guerre froide, la ‘neutralité’ suédoise incline cette fois du côté de l'Otan.
C'était l'époque du Premier ministre Olof Palme (assassiné en 1986), du groupe suédois d'armement Bofors et bien sûr des mystérieux sous-marins soviétiques venus rôder dans les eaux suédoises.
En réalité, il y a beaucoup d'hommes inquiets dans ce roman.
À commencer par Kurt Wallander lui-même. Le bonhomme a passé la soixantaine(1). Un cap difficile.
Le temps a gagné la partie : Wallander vieillit, le diabète gagne du terrain et le commissaire est victime d'absences répétées. L'homme est rattrapé par son passé : toutes ‘ses femmes’ se sont comme donné rendez-vous dans cet épisode. Son ex (Mona, devenue alcoolique), sa fille Linda et maintenant sa petite-fille et même son aventure lettone, Baïba, qui est de passage.  Tout cela a un petit parfum des Chaussures italiennes(2).

[...] Ce fut une période où il tourna dans sa maison comme un ours en cage, sans plus trouver la force de résister à l'évidence qu'il avait soixante ans et qu'il était en marche, qu'il le veuille ou non, vers sa vieillesse. Il pouvait vivre encore dix ans ou même vingt, mais tout ce que lui apporteraient ces années, ce serait de vieillir, précisément.

L'autre homme inquiet, celui du titre, celui de l'histoire, est un marin. Un officier qui était aux premières loges dans les années 80 lorsque les sous-marins soviétiques rôdaient près des bases navales suédoises. Lui aussi est rattrapé par son passé en même temps que la Suède est rattrapée par son histoire.
L'homme disparaît subitement sans explication. A-t-il été assassiné ? Était-il menacé ? Cherche-t-il à fuir ?
Qu'avait-il à cacher ? Des histoires d'espionnage ? Ou bien des secrets de famille ?

[...] - L'histoire des sous-marins remonte à vingt-cinq ans. Qu'est-ce qui pourrait être encore dangereux après tant d'années ? Bon sang, l'Union Soviétique n'existe même plus. Le mur de Berlin est tombé. La RDA c'est fini. Toute cette époque-là est révolue. Quelles seraient ces ombres qui resurgiraient à l'improviste ?
[...] - Palme était Premier ministre à l'époque où les sous-marins faisaient du cabotage dans nos eaux territoriales, dit-il.
[...] Tout cela remonte à plus de vingt ans de toute manière. Quoi qui ait pu être dit ou fait, c'est prescrit, et sans intérêt.
- Pas complètement. L'Histoire n'est pas figée. Elle nous suit.

Cet excellent roman est empreint d'une certaine tristesse désabusée qui mêle habilement le passé et le présent, l'histoire personnelle de Wallander et celle de l'officier de marine.
La dernière enquête Wallander s'avère être une réussite (sur le plan littéraire s'entend, pour le reste, on vous laisse dénouer les fils de l'intrigue politico-policière !).
Les amateurs de polars ne manqueront pas cet excellent épisode.
Les autres ne manqueront pas le détour par les Chaussures italiennes, excellent roman.

(1) : Henning Mankell est né en 1948
(2) : le meilleur roman de Mankell, même si ce n'est pas un polar


Pour celles et ceux qui aiment la saga Wallander.
Seuil édite ces 552 pages qui datent de 2010 en VO et qui sont traduites du suédois par Anna Gibson.
D'autres avis sur Babelio et Critiques Libres. Cathulu en parle.

Bouquin : Une odeur de gingembre

Parfum de voyage suranné.

Remercions Martine de nous avoir conseillé ce petit bouquin merveilleux : Une odeur de gingembre, écrit par l'anglais Oswald Wynd qu'on pourrait croire du début du siècle alors que le bouquin date de 1977.
Un parfum délicieusement vieillot, un brin rétro, une odeur de bonbon anglais, un peu dans la même veine que les Prodigieuses créatures de l'américaine Tracy Chevalier.
Avec la même sensibilité, la même finesse d'esprit.
Et aussi des propos très voisins sur la libération féminine, ce doit être l'époque(1).
À tout juste vingt ans, Mary MacKenzie quitte son Ecosse natale pour aller rejoindre le mari qui lui a été promis, attaché militaire au consulat de Pékin.
Après avoir découvert la Chine et Pékin, la jeune femme découvrira le Japon et Tokyo (l'auteur est né au Japon). Il s'agit donc bien entendu d'un récit de voyage (sous forme de 'journal' et de lettres).
Mais c'est aussi le récit d'une émancipation.
Dès le deuxième jour de bateau sur le S.S. Mooldera, c'est à dire dès la deuxième page du bouquin, Mary commence par ne plus mettre son corset (il fait trop chaud en mer Rouge).

[...] Il parait que les gens changent à l'est de Suez et c'est peut-être ce qui est en train de m'arriver. [...] C'est presque effrayant d'être sur un bateau et de se sentir changer. Cela n'arrive pas à tout le monde. La plupart des passagers sont trop vieux.

Il s'ensuivra la lente mais inéluctable libération d'une jeune femme qui découvre et le monde, et la vie, et qui ne peut rester confinée dans l'étouffante oppression anglicane. Et donc quelques deux cent pages plus loin :

[...] Cela fait presque exactement deux ans que j'ai emprunté la passerelle du S.S. Mooldera à Tilbury. Cette jeune fille que j'étais aurait été horrifiée à l'idée de partager une cabine avec la femme que je suis devenue.

Alors bien sûr quand, après déjà quelques aventures, Mary rencontre une sorte de suffragette tokyoïte emprisonnée pour avoir oser lever les yeux sur l'Empereur Meiji, c'est un vrai régal :

[...] « Deux femmes de mauvaise réputation comme nous devraient être amies, qu'en pensez-vous ? »
Je pense que oui. Nous allons ensemble au théâtre Kabuki la semaine prochaine.

On manque de place ici pour citer ne serait-ce que quelques unes des multiples perles que recèle ce bouquin.
L'écriture d'Oswald Wynd est un pur régal : on apprécie son sens de la formule, de l'ellipse explicative (oui c'est paradoxal mais c'est ainsi), son humour et son art d'enfiler les perles fines.
Passant habilement d'un savoureux exotisme :

[...] J'ai comme l'impression que les Japonais sont assez désinvoltes pour ce qui touche à la religion, et ne croient pas à grand-chose à part aux fantômes.
C'est un grand pays pour les fantômes, tout y est hanté, y compris les arbres !

à des vérités assénées avec une rare férocité :

[...] Je n'ai rien reçu quant à un éventuel divorce, mais je suppose qu'avec la loi anglaise, il pourrait être prononcé sans que cela me soit notifié.

Curieusement, cette Odeur de gingembre est le seul 'vrai' roman d'Oswald Wynd qui a écrit également des polars.

(1) : soyons honnêtes : il y a quand même cent ans d'écart entre les deux bouquins, les Créatures prennent vie vers 1810 du temps des guerres napoléoniennes alors que Mary MacKenzie voyage en orient vers 1910 durant la guerre russo-japonaise.


Pour celles et ceux qui aiment les Femmes et l'Orient.
C'est Folio qui édite ces 474 pages parues en 1977 en VO et qui sont traduites de l'anglais par Sylvie Servan-Schreiber.

Cinoche : Transformers (3)

Dark side of the moon.

Ben oui, il est allé le voir (MAM avait du repassage et donc une bonne excuse).
Appâté par la très réussie bande-annonce du n° 3(1), le BMR a chaussé ses lunettes 3D(2) et a replongé non pas dans son enfance (les Transformers n'existaient pas t'encore) mais dans l'enfance de ses enfants (ça va, on suit ?).
Mais un peu dans son enfance à lui quand même (aïe, là ça se corse) puisque l'histoire commence en 1969, lorsque Armstrong et Aldrin(3) posent un pied sur la Lune, avec quelques images d'archives gentiment entremêlées au film.
On peut dès lors imaginer un black-out de quelques minutes au cours duquel Houston perd (du moins officiellement) le contact avec les cosmonautes, le temps que ceux-ci aillent sur la face cachée de notre lune, récupérer ... les Transformers. Rien que pour cette histoire, le film vaut le détour des grands enfants que nous voulons rester : les Transformers avaient été repérés dix ans avant et c'était pour eux que Russes et Américains se seraient fait la course à l'échalote pour aller là-haut. Savoureux !
Mais voilà, y'avait aussi des méchants chez les Transformers. Nous revoici donc à notre époque : déluge d'effets spéciaux plutôt réussis, habiles mélanges de ces transformers et des humains, etc.
Le film se tient bien tout du long.
Pas mal d'humour au second degré comme le rôle de Frances McDormand en cheftaine des services secrets et surtout, surtout, cette blonde bombe aux lèvres pulpées : Rosie Huntington-Whiteley, directement sortie de chez Victoria's Secrets et du calendrier Pirelli(4), plus blonde et plus bombe tu meurs ! Plié de rire.
Divertissement amusant, effets spatiaux plein la vue.
Et puis la nostalgie des années "Lune", aaaaah !

(1) : pas vu les deux premiers, ce qui explique peut-être qu'on fut bon public pour ce n° 3
(2) : la 3D c'est vraiment super pour ... détourer les sous-titres de la VO
(3) : ah, délicieux, Aldrin joue son propre rôle dans le film
(4) : Pirelli, Transformers, fallait pas un boudin ...


Pour celles et ceux qui aiment la tête dans les étoiles.