Bouquin : Code 93


[...] Ce soir-là, savais-tu qui était derrière le masque ?

Submergé par les hordes vikings venus du nord, délaissé au profit de rivages plus exotiques, le polar français a bien du mal à sortir la tête du lot.
Alors saluons bien bas le toulousain Olivier Norek qui a su nous accrocher dès les premières pages de son Code 93.
Ancien flic du 9-3, ancien de l'ONG Pharmaciens sans frontières, le camarade Norek a dans ses valises de quoi donner corps à de beaux polars.
Avec un personnage bien dessiné, un flic solitaire comme on les aime, l'âme blessée mais le flair affuté : voici le capitaine Victor Coste.
[...] Il but un café amer en grimaçant, adossé à son frigo sur lequel un Post-it « acheter du sucre » menaçait de se décoller. Dans le silence de sa cuisine, il scruta par la fenêtre les immeubles endormis.
[...] En temps normal, l’accoutrement dans son ensemble, mais surtout le pull nordique à motifs flocons de neige, version Sarah Lund dans The Killing, auraient pu offrir à Ronan un crédit illimité de vannes lourdes.
[...] Il commençait à se sentir comme une caricature de flic télé et, il le savait, ce n’était pas une bonne chose.
Ce Code 93 démarre fort avec des cadavres un peu étranges qui vont même se réveiller pendant l'autopsie sur la table en inox de la morgue.
[...] Dans la même semaine Coste se tapait deux meurtres inhabituels, mis en scène, visibles et médiatisés. Un émasculé et un brûlé vif, ou, au choix, un zombie et une autocombustion.
[...] Tu vois quand même que se profile une des affaires les plus merdiques de ma carrière.
Ce Code 93 est aussi une intrigue à tiroirs (et pas que ceux de la morgue) qui va nous faire découvrir de sombres pratiques statistiques policières et de plus sombres pratiques encore chez quelques nantis.
[...] Planquer des vols à l’étalage ou des petits consommateurs de shit, c’est pas vraiment compliqué, tout le monde s’en moque, mais pour planquer des cadavres, c’est une autre organisation. Il a donc fallu trouver une nouvelle appellation. Le Code 93.
[...] Vous jugez, ou vous écoutez ?
– Les deux sont indissociables.
Une écriture soignée et bien tournée, sèche et nerveuse, de courts chapitres bien rythmés comme il convient à l'ambiance.
On regrette juste de temps à autre quelques 'bonnes formules' un peu trop voyantes.
[...] L’amour ça déborde comme un coloriage d’enfant.
[...] La soirée s’éternisa et les consonnes disparurent au fur et à mesure des discussions.
Même si l'intrigue n'hésite pas à ratisser un peu large et si aucun cliché ne nous est évité, ce Code 93 est de la belle ouvrage où Norek tisse sa trame en utilisant plutôt habilement toutes les ficelles du genre. Un auteur certainement plus toulousain que banlieusard mais qui nous épargne l'inévitable couplet rap sur le 9-3.
Promesse honnêtement tenue : on tient là un bon filon, franco-français, bien de chez nous, et c'est assez rare pour ne pas passer à côté.
Fort heureusement, on avait cette fois pris soin de commencer par le premier épisode : la suite est donc à venir !



Pour celles et ceux qui aiment les flics de banlieue.
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Bouquin : L'archipel d'une autre vie


[...] Que faisions-nous là-bas ? Nous y vivions.

Voilà bien longtemps que l'on n'avait pas décerné un coup de cœur pour l'une de nos lectures.
Plusieurs très bons bouquins en 2016 mais finalement peu de grands coups de cœur. Il faut donc prendre ce roman d'Andreï Makine (un russe qui vit en France et écrit en français) comme d'autant plus remarquable.
Avec cet Archipel d'une autre vie, Makine nous emmène loin vers l'est, au-delà même de la lointaine Sibérie, aux confins de l'orient, sur les rives de la mer froide d'Okhotsk, là où l'on peut apercevoir les îles Kouriles, Sakhalin ou le Kamtchaka. Jusqu'aux îles Chantar, là où le fleuve Amour (grossi par le fleuve Amgoun) se jette dans le Pacifique et où il faut affronter le terrible souloï. Une géographie exotique au froid revigorant !
Pour Makine, ces rives tourmentées d'un Pacifique au nom trompeur, évoquent même le mythique océan Mirovia qui entourait l'ancien continent de la Rodinia.
[...] Le nom de Mirovia s’imposa à ma pensée, oui, cet océan préhistorique entourant le seul continent existant, le fameux Rodinia dont parlaient nos livres de géographie…
Non content de titiller nos neurones géographiques, Makine va nous emmener dans une course folle au cœur de la taïga.
[...] Les poursuites à travers la taïga, les coups de fusil, la maison du chercheur d’or où veillait un mort… Oui, un livre d’aventures, un western. Plus tard, j’ai cru y discerner une vérité bien plus vaste et plus secrète, celle qui me laissa deviner le sens caché de ces mots si simples : « Nous y vivions… »
Une aventure, un 'eastern', une chasse à l'homme ... oui, peut-être, mais ce n'est pas tout.
Nous voici au tout début des années 50 : les russes se remettent à peine de la terrible guerre dont les fantômes viennent toujours les hanter. La terreur stalinienne a rempli les camps et a fait ou fera de chacun un ennemi du peuple, à un moment ou à un autre, forcément.
[...] Il faut toucher le fond, Pavel, c’est la meilleure chose qui puisse arriver à un homme. Après ma première année de prison, j’ai commencé à éprouver cette liberté-là. Oui, la liberté ! Ils pouvaient m’envoyer dans un camp au régime plus sévère, me torturer, me tuer. Cela ne me concernait pas. Leur monde ne me concernait pas, car ce n’était qu’un jeu et je n’étais plus un joueur. Pour jouer, il fallait désirer, haïr, avoir peur. Moi, je n’avais plus ces cartes en main. J’étais libre…
[...] La prison ? C’est pour ne pas y retourner que je suis là… Difficile de survivre dans la taïga ? Moins que dans un camp… »
Un évadé s'échappe de l'un des camps. À ses trousses, on lance un équipage de quelques 'volontaires' ou presque, hantés par les fantômes de la guerre, effrayés par la menace des camps et des commissaires politiques. La course poursuite s'engage avant que l'hiver n'arrive.
[...] La forêt s’effeuillait, protégeant mal ma fuite. Ce qui me sauvait, c’était la vitesse de mon déplacement et ma connaissance, presque tactile, des endroits que je traversais. Et, les premiers jours, l’oubli de la faim.
Mais au fil du temps, la poursuite s'éternise.
[...] Je commençai à tousser, frissonnant sous mes vêtements qui résistaient mal à la morsure du vent. Nous étions partis au début du mois d’août et, à présent, trois semaines plus tard, le froid balayait les petits paradis de tiédeur encore préservés dans les vallons ensoleillés…
Comme si les chats n'étaient finalement pas si pressés d'attraper leur souris (et de rentrer), et comme si la souris attendait ces poursuivants-là, les préférant finalement à une autre troupe plus nombreuse et plus efficace.
La chasse à l'homme dans la taïga prend alors un tour étrange.
[...] L'évadé s’était évertué à escalader la barrière de roche et à reprendre sa route. Nous en étions secrètement soulagés : pas d’affrontement final, encore quelques jours de « congé », comme disait Boutov.
[...] Ne vivre que pour cette marche infinie, ne rien demander d’autre.
[...] J’aurais pu facilement m’enfuir, oui. Pourtant, rester avec lui changeait le sens de ce que je savais de la vie.
Mais le roman de Makine réserve encore bien d'autres surprises que l'on ne peut vous dévoiler.
Nous avions embarqué pour un étrange western à la russe, nous avons tâté du roman initiatique et nous voici bientôt obsédés par une très très belle histoire d'amour (était-ce la proximité du fleuve qui voulait cela ?).
[...] Elkan se mit à décharger sur la rive ses bagages : fusil, outils, toile des tentes… Perplexe devant le peu de biens que nous possédions, je demandai, sans pouvoir cacher mon désarroi : « Et que… qu’est-ce qu’on va faire ici ? » La réponse vint, rendant insignifiante toute autre interrogation : « Nous allons y vivre. »
[...] – Que faisions-nous là-bas ? Nous y vivions… Il dut se rendre compte que ce mot usé était privé de toute sa valeur.
[...] À travers la brume qui enveloppait l’archipel, il distingua les trois points lumineux. Un triangle de feux. « La constellation de notre ciel à nous », pensa-t-il avec une tendresse qui n’avait pas de nom dans le monde qu’il venait de quitter.
[...] Cette nuit-là – je le comprendrais plus tard – nous étions au plus près de ce qu’il y avait en nous de meilleur.
Au bout du bout du monde, les personnages vont découvrir le charme des îles Chantar.
Au fil du voyage initiatique, le lecteur sera lui, tombé sous le charme de la prose d'Andreï Makine : l'âme russe possède décidément un rapport à la nature, un rapport à l'histoire, qui n'appartiennent qu'à elle. Makine est à moitié français et son travail de passeur nous donne ici l'occasion d'être touché par cette grâce.


Pour celles et ceux qui aiment les très belles histoires.
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Bouquin : Les anges sans visage


[...] Les Wood ont été assassinés parce qu’ils étaient heureux.

On a eu un petit peu de mal à entrer dans le bouquin de Tony Parsons : Les anges sans visage (ce sont les statues de pierre d'un cimetière londonien).
Son style n'est pas des plus fluides et sa prose est truffée de sigles qui décrivent l'organigramme des polices britanniques sans rien apporter de vraiment instructif.
[...] Les polices du monde entier sont accros aux sigles.
Reste que son polar démarre très fort avec le massacre d'une riche et belle famille, massacre non pas à la tronçonneuse mais au pistolet d'abattage, version moderne du merlin.
[...] Quel meurtrier se sert d’un pistolet d’abattage ?
Pour faire bonne mesure Parsons y ajoute un enlèvement : le petit dernier de la famille ne fait pas partie des cadavres.
[...] Les tueurs à gages ne kidnappent pas les enfants. Elle marqua une pause, releva ses lunettes sur son nez, plongée dans ses réflexions. – Qui peut tuer quatre personnes et kidnapper un enfant ? Pourquoi on décide de kidnapper un enfant ?
[...] Quelle espèce particulière de psychopathe était l’auteur du carnage dont nous avions été témoins ?
Vengeance, serial-killer, règlement de comptes, sombre histoire de famille, ...
Qui donc en voulait à la famille Wood ?
[...] Vous ne comprenez pas ? Les Wood ont été assassinés parce qu’ils étaient heureux.
Le reste du bouquin se maintiendra à la hauteur et Parsons ratisse large en agençant plutôt habilement plusieurs thèmes souvent violents, parfois un peu racoleurs : immigrés roms, drogue du viol, prostitution, trafic d'enfants, ...
On sent la patte du journaliste enclin à la controverse qu'est Tony Parsons.
Mais finalement, les Wood étaient-ils donc si heureux que ce que les apparences laissaient croire ?
Qu'est-il advenu du petit disparu ?
[...] Les familles désespérées veulent croire au miracle – et je comprenais pourquoi.
Moi aussi, j’aurais voulu y croire.
La campagne de promotion nous vantait le renouveau du polar britannique : il nous faut reconnaître qu'il y a bien là un ton pas ordinaire, mais l'ensemble ne nous a guère convaincu et l'on a du mal à s'accrocher aux personnages et au flic Max Wolfe, divorcé et père d'une fillette, en dépit des efforts louables de l'auteur.
[...] J’observai le visage ensommeillé de Scout et m’émerveillai d’avoir en partie contribué à créer le plus bel enfant du monde. Je sais que tous les parents éprouvent la même sensation. La différence, c’est que ma fille est vraiment le plus bel enfant du monde.
On pourra lire également une autre enquête celle menée par Velda sur l'auteur et journaliste Tony Parsons.

Pour celles et ceux qui aiment les flics célibataires.
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BD : Un printemps à Tchernobyl


L'étrangeté de vivre là-bas.

Et voici le dernier volet de notre série atomique en cette année 2016, anniversaire de Tchernobyl et de Fukushima.
Après le bouquin de Lucile Bordes et après la terrible Supplication de la biélorusse Svetlana Alexievitch, voici en images cette fois, la BD du breton Emmanuel Lepage, dessinateur engagé : dessin'acteur.
L'idée de cet album est en apparence toute simple puisqu'il s'agit de mettre en images le voyage même de Lepage qui s'est rendu sur place (avec un groupe d'amis artistes) pour témoigner à sa façon.
On n'est pas très loin de l'approche 'factuelle' du manga de Kazuto Tatsuta mais dans un style plus intellectuel, plus militant, plus engagé ici.
Ce reportage s'ouvre sur les images de l'auteur en train de lire La supplication, avant l'arrivée du groupe à Pripiat, la ville de la centrale, une ville qui nous est devenue presque familière après toutes ces lectures.
[...] Pripiat accueillait ingénieurs et ouvriers qui travaillaient à la centrale, ainsi que leur famille. La moyenne d'âge n'excédait pas trente ans. De nombreuses femmes attendaient un enfant. Ils étaient l'élite.
[...] La table se garnit de toutes sortes de mets. Comme si nos hôtes, malgré le fossé de la langue, savaient qu'après l'expérience que nous venons de vivre, il fallait convoquer la vie ... comme les repas qui suivent les enterrements.
Les textes de Lepage sont très réfléchis, très mesurés et réussissent, en se contentant de questionner les faits, réussissent à éviter de verser dans le scoop sensationnel, l'écologie pontifiante ou la vindicte militante.
Mais à l'opposé de La Supplication russe qui s'effaçait entièrement derrière les paroles transmises, ici le 'je' prend beaucoup de place (trop ?) : Lepage nous raconte sa démarche, ses peurs, ses motivations, ses doutes, ...
[...] En Ukraine, comme en France, comme partout, on choisit de rassurer. Par peur de regarder la réalité en face ? Penser autrement serait comme se pencher au-dessus d'un puits sans fond. On risquerait d'être saisi de vertige.
Les dessins sont superbes, crayons et pastels : Lepage manie son crayon comme d'autres un appareil photo et il fallait bien un maître dans l'art du portrait comme lui pour nous faire approcher ceux qui vivent là-bas, dans 'la zone'.

Pour celles et ceux qui aiment se rendre compte.
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Cinoche : Moi, Daniel Blake


La loi du marché (bis).

Du haut de ses 80 ans, Grand Indigné devant l'éternelle crise sociale, Ken Loach n'arrive pas à raccrocher sa caméra et nous invite à partager quelques moments de la vie de Daniel Blake.
Un menuisier victime d'une crise cardiaque : plus question de bosser pendant quelques mois. Comment alors toucher les allocations chômage quand on ne peut pas chercher un nouveau job (s'il cherche, il trouve mais ne peut pas bosser, alors ...). Mais ce n'est pas non plus suffisamment handicapant pour justifier les allocations invalidité, alors ... Le voici donc ballotté de guichet en guichet de pôle emploi : un purgatoire administratif soigneusement organisé (privatisé et sous-traité à une boîte US) pour décourager les plus tenaces de rester inscrits sur les listes ... et à coups de sanctions, les pousser lentement mais sûrement vers l'enfer de la précarité.
On connait bien l'engagement de Ken Loach pour défendre la cause des petites gens.
Ici, sa nouvelle démonstration atteint un sommet : voici de braves gens très ordinaires, qui avaient un job, qui n'étaient ni des losers ni des profiteurs. Le film n'est pas un pamphlet revendicateur, il montre tout simplement. Un quasi documentaire qui nous ouvre les yeux pendant 1h30 et c'est en se sens peut-être que ce film 'ordinaire' est encore meilleur et plus convainquant que Free world.
C'est en quelque sorte, la version british de La loi du marché.
Certaines scènes sont insoutenables (la banque alimentaire ...) habilement préparées.
D'autres sont plus attendues (l'atelier cv ...), d'autres un peu larmoyantes, mais Ken Loach s'en fout : il persiste et signe.
Tous les acteurs (dont un remarquable Dave Johns) sont, as usual avec ce cinéaste, excellents et particulièrement crédibles.
C'est un véritable coup de poing dans l'estomac que nous envoie le vieux cinéaste.
Au spectateur sonné, il ne reste plus qu'à sortir du ring et refermer au plus vite les yeux sur notre épouvantable réalité sociale : la machine à broyer n'a jamais aussi bien porté son nom, qui nous guette au moindre faux pas.
Merci, Monsieur Ken Loach, pour votre film (et pour vos précédents).

Pour celles et ceux qui aiment la météo marine.
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Cinoche : La fille du train


TER poussif.

Je ne sais pas si le best-seller a fasciné le monde entier comme le vante l'affiche du film, mais MAM avait bien aimé le thriller de Paula Hawkins et cela a suffit pour nous entraîner aux côtés d'Emily Blunt pour cette adaptation de La fille du train.
Malheureusement, le réalisateur Tate Taylor (qui gagne à rester inconnu, n'en parlons plus) a manqué son train et son rendez-vous avec ce qui aurait pu ou voulu être une nouvelle Gone girl.
On s'ennuie ferme à suivre la larmoyante Emily, alcoolique notoire (dans le film !), qui peine à se remettre de son divorce dans une banlieue bcbg de Manhattan. Tous les jours elle prend le train pour 'commuter' avec la city. Tous les jours elle passe devant son ancienne et belle maison, celle de son ex. Le train ralentit toujours là, aiguisant le couteau dans la plaie.
Et un beau jour elle surprend ...
L'ex, le psy, la nounou, la nouvelle femme de l'ex, ... chacun n'est pas celui que l'on croit qu'il est ... thriller classique.
Bon voilà. Selon MAM, le film s'en tient rigoureusement au bouquin et selon BMR on 'voit' bien image par image, comment cela a  certainement été écrit : c'est dire si le film est plat, sans point de vue ni relief. Une pièce de théâtre bâclée.
À lire peut-être, mais certainement pas à voir.
L'ennui devait être assez partagé dans la salle car à la séance maudite de 19h30, les bouffeurs de pop corn étaient déchaînés. Cela tenait plus du coin picnic que de la salle de ciné.
Seul vrai personnage du film, la flic jouée par Allison Janney : une actrice à surveiller, si jamais elle vient à rencontrer un jour un vrai réalisateur ...

Pour celles et ceux qui aiment les TER.
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Cinoche : Mal de pierres


Rendez-vous manqué.


Le livre de la sarde Milena Agus, nous avait fait forte impression (c'était il y a presque dix ans clic).
Alors avec Nicole Garcia derrière la caméra et Marion Cotillard devant, on se faisait une joie de retrouver cette belle histoire de femme.
Malheureusement Nicole Garcia manque complètement le rendez-vous.
La faute à une musique envahissante et hors de propos.
La faute à notre Marion Cotillard nationale qui devrait se contenter de jouer la petite frenchy dans les productions hollywoodiennes : elle est parfaite pour cela mais pas pour endosser des rôles aussi difficiles qu'un personnage de Milena Agus.
La faute surtout à une mise en scène lente et explicative, académique et pesante, confite dans la reconstitution rétro, qui étouffe littéralement cette histoire de femme faite pour une autre vie que celle que lui assigne le destin (et sa mère).
Seul l'espagnol Alex Brendemühl (le mari taiseux) tire son épingle du jeu : on l'avait déjà apprécié dans le rôle moins sympa du bon docteur Mengele dans Le médecin de famille.

Pour celles et ceux qui aiment tout de même les portraits de femmes.
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Cinoche : La fille inconnue


La fausse commune.


Adèle Haenel ne nous est pas inconnue puisqu'elle nous avait déjà bluffés dans Les combattants (un rôle difficile et étonnant) et qu'elle avait déjà auparavant  contribué à sortir un Téchiné de l'oubli.
Deux ans plus tard elle est toujours aussi jeune (27 ans) mais la voici de nouveau en tête d'affiche avec les frères Dardenne pour La fille inconnue.
L'inconnue, c'est plutôt celle qui un jour frappe à sa porte et qu'elle refuse de prendre en charge, il est tard, on ferme.
Le lendemain, on découvrira le cadavre de l'inconnue ...
On peut voir plusieurs films dans celui des frères Dardenne.
Un film sur ces inconnus dont personne ne se préoccupe : personne ne sait qui était la jeune femme venue chercher de l'aide après l'heure. Une inconnue sans nom qui sera enterrée dans la fosse commune (on appelle cela le carré des indigents).
En contre-point, un film sur le sentiment de culpabilité qui s'empare d'Adèle Haenel qui n'a pas voulu ouvrir sa porte après l'heure et qui veut endosser notre faute sociale commune pour mener sa propre enquête : qui était donc cette jeune femme dont tout le monde se fout ?
Étonnamment, c'est aussi un film capable de susciter des vocations de médecin généraliste (il en sera d'ailleurs explicitement question dans le scénario), ces médecins de banlieue (maintenant qu'il n'y a plus de campagnes) qui soignent les corps et les âmes. Adèle Haenel réussit à nous faire toucher l'empathie et la compassion dont font preuve ces toubibs.
Enfin, et peut-être surtout, c'est un film sur la solitude qui semble de règle dans cette banlieue de Liège : une désespérante solitude où chacun erre comme une âme en peine. Pas de famille (sinon éclatée), pas d'amis, même pas de parents. Chaque personnage est désespérément seul au monde.
Ce film sombre et gris comme une journée de pluie en Belgique est agrémenté d'une bande son peuplée de voitures qui passent sans discontinuer, jusqu'au générique de fin : de deux choses l'une, ou bien les belges n'ont pas encore découvert le double-vitrage, ou bien il y a là une métaphore symbolique au sens profondément caché.
Un film à voir pour Adèle.

Pour celles et ceux qui aiment les généralistes.
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Miousik : Anwar

https://c2.staticflickr.com/6/5578/30351382092_5f32841929_n.jpgLet's get along with Anwar


Cela faisait déjà quelques temps déjà que l'on roulait sur la Highway avec le lumineux Anwar.
Voilà qu'après son single, Anouar Taoutaou, le belge d'origine marocaine nous sort un album où il n'y a presque rien à jeter, tout simplement.
[...] Baby, You know that I love you
I know that you love me too
And I know you do
Darling
You know that I love you
I know that you love me too
So let's get along together.
[...] Look all around you and you will see life is beautiful 
Petit coup de cœur pour cette world musique sympathique et de qualité, mâtinée d'un reggae aux accents funky. À la fois douce et entraînante.
Yakakaliker pour écouter notre playliste.

Pour celles et ceux qui aiment prendre la vie du bon côté.




Bouquin : Nos âmes la nuit


[...] Et puis il y eut le jour où Addie Moore rendit visite à Louis Waters.

[...] Bon, je me lance.
J’écoute, dit Louis.
Je me demandais si vous accepteriez de venir chez moi de temps en temps pour dormir avec moi. 
Avec Nos âmes la nuit, Kent Haruf vise la Une de la blogoboule avec une jolie histoire consensuelle aux saveurs douces amères, façon feel good story.
Ça commence plutôt bien et l'on s'apprêtait même à décerner un coup de cœur à cette surprenante vieille dame qui demande à son tout aussi vieux voisin de venir partager son lit le soir pour discuter ensemble. À soixante-dix ans, nos deux veufs tentent de combler leur solitude, et plus si affinités.
[...] C’est une sorte de mystère. J’aime l’amitié que ça implique. J’aime ces moments ensemble. Être ici au cœur de la nuit. Discuter. T’entendre respirer à côté de moi si je me réveille.
[...] Dans la chambre d’Addie, Louis tendit la main par la fenêtre entrouverte pour recueillir la pluie qui gouttait de l’avant-toit puis, regagnant le lit, il passa sa main mouillée sur la joue veloutée d’Addie.
[...] Et on ne fait même pas ce que les gens s’imaginent qu’on fait. Tu voudrais ? demanda Addie.
Ces échanges nocturnes nous valent quelques beaux dialogues lorsque nos deux veufs racontent chacun leurs souvenirs, les hauts et les bas de leurs vies, leurs regrets et leurs envies, leur simple bonheur de partager tout cela.
[...] Elle l’attendait assise sur la véranda. Elle se leva et, debout sur le perron, elle l’embrassa pour la première fois devant tout le monde. Tu te trompes tellement parfois, dit-elle. Je me demande si tu comprendras un jour. Je ne me croyais pas si lent à la comprenette. Mais je dois l’être. Tu l’es quand il s’agit de moi.
Mais il semble que finalement Kent Haruf n'avait peut-être pas de quoi faire plus qu'une jolie nouvelle et le voici à délayer les épices de sa bonne idée dans une sauce allongée : les déboires de la vive grand-mère avec son petit-fils (et son fils) nous font perdre le fil, même s'ils préparent le dénouement désabusé de cette histoire qui aurait pu se passer de conclusion et aurait gagné à rester concentrée sur le fil ténu qui relie les deux personnages.
On avait déjà un mot-clé 1er roman mais il faudrait peut-être un équivalent pour les dernières livraisons de nos chers disparus : tout comme Henning Mankell avec ses Bottes suédoises, Kent Haruf est décédé juste après avoir écrit ce bouquin.
[...] Seulement deux vieillards qui discutent dans le noir, dit Addie.


Pour celles et ceux qui aiment les jolies histoires.
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Bouquin : Tels des loups affamés


[...] Je vais te tuer pour ce que tu as fait.

Après avoir réveillé le chien endormi, nous voici Tels des loups affamés, avec un nouveau Ian Rankin entre les mains.
Un Rankin dont l'écriture a (depuis déjà quelques épisodes) atteint un joli rythme de croisière : des intrigues denses et complexes, des personnages épais et travaillés (John Rebus partage désormais le devant de la scène avec les inspecteurs Clarke et Fox) et surtout, des dialogues riches et soutenus qui savent attiser la curiosité et la sagacité du lecteur (un peu à la Connelly). Bref, de la belle ouvrage.
Rankin a su donner à sa série, un nouveau souffle avec un John Rebus qui a (pour notre plus grand plaisir) un peu de mal à prendre sa retraite pour se consacrer à la pêche dans les lochs.
L'ancien inspecteur se découvre même des talents bien cachés de père et tente de renouer maladroitement quelques liens avec sa fille (tout comme le Wallander de Mankell ou le Erlendur de Indridason).
Nous voici plongés en pleine guerre des gangs alors que ceux de Glasgow viennent même de débarquer dans la calme Édimbourg.
[...] Le monde des gangsters était le monde du capitalisme. Il fallait créer des marchés, les soutenir et les développer, en éliminant toute la concurrence.
[...] Nous aurons tous droit à des fauteuils au premier rang. Faites-moi confiance, Édimbourg n’a aucune idée de ce qui va lui tomber dessus.
Mais jusqu'ici personne ne pensait que cette agitation allait réveiller quelques sombres fantômes oubliés de tous. Soigneusement oubliés. Profondément enfouis dans le passé.
[...] Quelques jours auparavant, une main avait glissé le billet par la fente de sa boîte aux lettres. Il le déplia et examina une nouvelle fois les mots qui y étaient écrits : JE VAIS TE TUER POUR CE QUE TU AS FAIT. Mais qu’est-ce qu’il avait fait, Cafferty ?
[...] Ce n’est pas un vulgaire nid de guêpes que vous allez libérer, vous autres, mais une pièce remplie de serpents. Rien n’a filtré, tout le monde s’est tu. Pas un bruit.
Et les fantômes que John Rebus va déterrer vont faire quelque bruit ...
[...] Le petit ricanement étouffé que lâcha Rebus n’avait strictement rien de drôle.
— Je suis tellement abasourdi que je ne trouve plus rien à dire.
— Peut-être que je n’aurais pas dû t’en parler. Peut-être aussi que j’interprète beaucoup trop de choses, à force de voir des fantômes là où il n’y en a pas.
— Peut-être.
On chipote, on chipote, mais cet épisode nous a tout de même paru un petit cran en-dessous de l'excellent Chien endormi, peut-être à cause d'une mise en place un petit peu longuette (là où justement le précédent démarrait sur les chapeaux de roues).
Ah, et on a quand même fait l'effort (enfin) de chercher comment pouvait se prononcer le très écossais prénom de Dame Clarke : Siobhan qui donne quelque chose comme Shivônne [clic].



Pour celles et ceux qui aiment les flics en pré-retraite.
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Bouquin : Les bottes suédoises


[...] Je ne suis pas hypocondriaque, mais je préfère être tranquille.

C'est évidemment avec un petit pincement au cœur que l'on ouvre le paquet contenant Les bottes suédoises, dernier roman du regretté Henning Mankell disparu fin 2015.
C'est par fidélité au suédois et en souvenir de son très grand roman que furent Les chaussures italiennes, que l'on sort de la boutique avec dans les bras, cette paire de bottes en caoutchouc, clin d’œil amusé de l'auteur à ses fidèles lecteurs.
[...] Cette boucle appartenait à la merveilleuse paire de souliers que m’avait offerte autrefois Giaconelli, l’ami de ma fille, le maître bottier des forêts du Hälsingland. C’est à cet instant que j’ai compris que j’avais réellement tout perdu. De mes soixante-dix ans de vie, il ne restait rien. Je n’avais plus rien.
Car oui, c'est un peu la suite et l'on y retrouve donc le médecin retraité Fredrik Welin, toujours solitaire sur son île, toujours à se plonger chaque matin dans l'eau glacée, hiver comme été, pour se prouver qu'il est encore vivant.
[...] Ils savent que je me baigne tous les jours dans la mer, y compris en hiver. J’ouvre un trou dans la glace et je m’y plonge sitôt levé chaque matin. Ils voient ça d’un œil très méfiant. Ils pensent que je suis fou. 
Un vieil homme toujours aussi maladroit dans ses relations, notamment avec sa fille.
[...] Je ne la comprenais décidément pas. Pas plus qu’elle ne me comprenait, sans doute. Malgré tous nos efforts, nous semblions condamnés aux malentendus.
[...] Elle avait laissé un mot sur la table. Merci. Tu peux claquer la porte en partant.
[...] Je l'ai suivie vers la caravane, marchant à quelques pas derrière elle, avec la sensation d'être un chien errant dont personne ne voulait.
Un vieil homme que l'on retrouve dans les flammes lorsque sa maison s'embrase : en une nuit, il a tout perdu, il n'a même plus une paire de bottes à se mettre. Que lui reste-t-il à part quelques moments encore à vivre ?
Comme l'auteur, Fredrik Welin a encore vieilli et s'approche lentement mais sûrement de sa fin. De tendance hypocondriaque, le vieil ours bougon est devenu un homme inquiet (rappelez-vous ce polar : L'homme inquiet, lorsque Mankell franchissait le cap de la soixantaine).
[...] J’étais un vieil homme qui avait peur de mourir.
[...] Je ne suis pas hypocondriaque, mais je préfère être tranquille.
Mais disons le franchement, ces bottes suédoises sont d'au moins une ou deux pointures en dessous des désormais célèbres chaussures italiennes, et cette lecture n'aura vraiment de sens que pour les fidèles et les inconditionnels que nous sommes.
Malgré tout on aime bien ce vieil homme ronchon, solitaire, maladroit, pas même vraiment sympathique. Un vieil homme en proie aux doutes et aux angoisses, ceux de la vieillesse et même désormais ceux de la mort.
Autoportrait de Mankell en homme inquiet.
En décor de fond, l'intrigue est presque bâclée (même la virée chez nous à Montparnasse, rue d'Odessa, nous a laissés sur notre faim) et certains paragraphes frisent même l'indigence.
[...] Je suis allé au café du port. Au comptoir j’ai choisi un café et un gâteau à la pâte d’amande et je me suis assis près de la fenêtre. Le gâteau était tout sec. Il s’est émietté quand j’ai voulu le porter à ma bouche.
[...] La proximité de la mort transforme le temps en un élastique tendu dont on craint sans cesse qu’il ne se rompe.
Le feu d'artifice des chaussures italiennes n'est plus qu'un maigre feu de paille. Mais fort heureusement la magie mankellienne opère de temps à autre au détour inattendu d'une page et la dernière partie du bouquin récompensera la fidélité du lecteur.
[...] J'ai bien peur de nourrir, au fond de moi, une sorte de ressentiment désespéré vis-à-vis de ceux qui vont continuer de vivre alors que je serai mort. Cette impulsion m’embarrasse autant qu'elle m'effraie. Je cherche à la nier, mais elle revient de plus en plus souvent à mesure que je vieillis.
[...] Je me suis arrêté. J’ai ouvert ma portière avec précaution, comme si je risquais de déranger quelqu’un. Dehors, tout était silencieux. Le vent ne pénétrait pas au cœur de la forêt. J’ai fermé les yeux en pensant que bientôt je ne serais plus là. Il ne me restait que la vieillesse. À la fin, elle cesserait elle aussi et alors il n’y aurait plus rien.
[...] En l’écoutant se plaindre de ses maux imaginaires, j’avais déjà été tenté de prendre un air grave et de lui annoncer qu’il souffrait probablement d’une maladie mortelle. Jusque-là, je ne l’avais pas fait. Mais le moment était peut-être venu. La prochaine fois qu’il s’installerait sur mon banc et se laisserait palper par mes mains de chirurgien, qu’il respectait tellement, je prononcerais son arrêt de mort.
Un dernier clin d’œil du maître du polar nordique, une lecture posthume réservée aux inconditionnels et un ultime rappel pour celles et ceux qui n'auraient pas encore découvert les chaussures italiennes.

Pour celles et ceux qui aiment les chaussures.
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Bouquin : La supplication


[...] Reconstituer les sentiments et non les événements.

Nous sommes sur le point de clôturer cette année 2016 qui fut des plus radioactives, la faute aux anniversaires : celui des 5 ans de Fukushima et celui des 30 ans de Tchernobyl :
- Kazuto Tatsuta nous a emmenés Au cœur de Fukushima avec son manga sur les travailleurs chargés de démonter la centrale
- Lucile Bordes nous a fait revivre 86, année blanche et les événements de Tchernobyl.
Dix ans après la catastrophe de Tchernobyl, la biélorusse Svetlana Alexievitch publiait dans La supplication le résultat des nombreuses interviews qu'elle avait recueillies auprès des populations. Un livre fondateur.
Un devoir de mémoire, non pas sur les événements eux-mêmes mais bien sur les traces que laissent ces événements dans la vie des hommes et des femmes.
[...] Un événement raconté par une seule personne est son destin. Raconté par plusieurs, il devient l’Histoire. Voilà le plus difficile  : concilier les deux vérités, la personnelle et la générale.
[...] Plus d’une fois, j’ai eu l’impression de noter le futur.
[...] Reconstituer les sentiments et non les événements.
[...] Je vous ai prévenue... Je n’ai rien de bien héroïque à raconter, rien pour la plume d’un écrivain.
Avec ce remarquable travail, l'auteure se limite à une courte introduction et s'efface pour laisser toute la place à la parole de ceux qui ont été recrutés comme liquidateurs, de celles et ceux qui ont été évacués manu militari des zones contaminées, de celles et ceux qui n'ont pas voulu quitter leur village et qui se sont accrochés à leur potager radioactif aux douces lueurs bleutées ou pire, de celles et ceux dont les villages n'ont pas été évacués faute de moyens et pire encore, de celles et ceux qui sont arrivés plus tard pour occuper ces villages désertés, venus de la Tchétchénie ou du Tadjikistan, fuyant des périls plus mortels encore que le césium.
Un chœur d'humaine parole. Une humanité passée à la moulinette dans les broyeurs de notre époque.
Autant vous prévenir : la lecture est éprouvante, certaines tranches de vie sont ahurissantes et il vaut mieux apprécier ce livre à petites doses (prévoyez votre dosimètre) pour éviter de sombrer après avoir entendu celles et ceux qui se racontent ici.
Des russes qui racontent cela à la russe et nous permettent de les mieux connaître, un peu.
[...] Tout le monde était bien payé  : trois fois le salaire mensuel plus des frais de mission. Et puis, on buvait... Vous savez, la vodka, ça aide... Elle enlève le stress.
[...] Chez nous, la victoire n’est pas un événement, mais un processus. La vie est une lutte. Il faut toujours surmonter quelque chose. C’est de là que vient notre amour pour les inondations, les incendies, les tempêtes. Nous avons besoin de lieux pour “manifester du courage et de l’héroïsme”.
[...] Un lieu pour y planter un drapeau.
L'étiquette de roman choral n'a peut-être jamais été aussi juste : mais cette polyphonie sonne comme un chant funèbre aux accents de dérisoire.
[...] Je vais vous raconter une histoire drôle. Un prisonnier évadé se cache dans la zone de trente kilomètres autour de Tchernobyl. On finit par l’attraper. On le fait passer au dosimètre. Il “brille” à un point tel qu’il est impossible de le mettre en prison ou à l’hôpital. Mais on ne peut pas le laisser en liberté, non plus. Vous ne riez pas  ? (Il rit.)
[...] Nous chassons aussi pour nous-mêmes, et nous mangeons notre gibier. Au début, nous avions tous peur. Puis nous nous sommes habitués. Il faut bien manger quelque chose. Nous n’allons tout de même pas déménager sur la Lune, ou sur une autre planète.
[...] Avez-vous entendu parler des hibakushi de Hiroshima  ? Les survivants de l’explosion... Ils ne peuvent se marier qu’entre eux. On n’en parle pas, chez nous. On n’écrit rien à ce sujet. Mais nous existons, nous autres, les hibakushi de Tchernobyl...
[...] Comment croire une chose inconcevable  ?
Le livre de Svetlana Alexievitch est remarquable et l'accumulation de ces monologues effarants est éprouvante : paradoxalement, il nous manquerait peut-être bien la parole de l'auteure qui s'est effacée derrière ses compatriotes.
On repart bientôt pour Tchernobyl avec une BD d'Emmanuel Lepage (où justement, sur l'une des premières planches de l'album, un personnage lit ... La Supplication).


Pour celles et ceux qui aiment les gens.
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