Cinoche : Death proof

Laisse tomber les filles.

"Quoi ? vous n'êtes toujours pas allés voir Boulevard de la Mort ?"
merci à Nadine de nous avoir ainsi relancés ...
Oubliez tout le battage autour de ce nième chef d'oeuvre de Tarantino-la-vedette et laissez vous surprendre par ce film tout à fait déjanté.
Deux histoires qui s'opposent et se répondent.
Dans la première partie, une bande de filles délurées mais innocentes, qui picolent, fument, chattent (oui, elle est facile celle-là) à qui-mieux-mieux, chantent et s'amusent ... sous les regards inquiétants de Kurt Russel en méchant balafré de service qui incarne le Mal, planqué dans sa grosse bagnole au moteur rugissant.
Kurt Russel, dit Stuntman Mike, Mike la cascade, confond un peu les films et la vraie vie, jusqu'à une fin mémorable.
Car on se doute bien que tout cela va mal finir : il fait nuit et cela finit en effet très mal.
On enchaîne alors sur la seconde partie.
Il fait jour et là commence le "vrai film" : on reprend les mêmes et on remet ça ... ou presque ...
Presque ... car les filles de ce deuxième épisode ne boivent que du thé ou du café et sont, elles aussi, des pros de la cascade : le film se terminera d'ailleurs sur la chanson de Gainsbourg "Laisse tomber les filles", une morale que Kurt Russel semble complètement ignorer et il lui en cuira ... au cours d'une fin mémorable.
Il y a en effet des filles qu'il vaut mieux laissez tomber ...
On n'en raconte pas plus puisque tout a déjà été dit et son contraire sur ce film qui fait la une des critiques et des blogs mais qu'il convient plutôt d'apprécier sans préjugés ni a priori.
Ah : juste une mention spéciale pour les amateurs de pieds et de gambettes qui s'y régaleront ... (d'où la photo).


Un extrait de la chanson de Gainsbourg (avec France Gall) qu'on est allé chercher pour vous. 
De nombreux blogs en parlent sur Critico-blog.

Bouquin : Millénium 1

Premier opus de la trilogie suédoise.

On avait acheté ce bouquin après plusieurs bonnes notes lues sur les blogs mais il avait fini par traîner au fond de la PAL (la Pile À Lire) à cause de son abominable couverture qui, invariablement, menaçait de nous plonger dans une espèce de remake des Orphelins Beaudelaire.
Mais non pourtant, Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, du suédois (oui, encore !) Stieg Larsson, n'a rien d'un roman pour ados.
C'est un polar de bonne facture.
L'écriture est plutôt du genre simple et basique (Elisabeth George et Sue Grafton sont d'ailleurs citées), mais il faut avouer qu'à force de lire des auteurs qui, avec quelques mots, arrivent à vous scotcher au fond de votre canapé, on devient difficile ...
Les gentils sont bien trop gentils et sont heureux en amour comme en affaires.
Les méchants sont bien trop méchants, au point d'en devenir des caricatures peu vraisemblables, et le scénario suit parfois des péripéties à peine crédibles.
Alors, qu'est-ce donc qui fait que l'on reste accroché à ces pages ?
Sans doute la découverte de cette Suède que l'on parcourt, polar après polar : avec sa fête de la Saint-Jean (on pense à Henning Mankell et ses Morts de la Saint-Jean), ses sectes Pentecôtistes (on pense à la finlandaise homonyme Asa Larsson et son Horreur boréale) et toujours le souvenir des démons nazis des années noires (de nouveau Henning Mankell avec le Retour du professeur de danse) avec ici en prime la collusion avec le milieu des affaires.
Sans doute aussi, l'originalité d'une enquête qui, cette fois, n'est pas menée par le flic désabusé habituellement de service, mais par un journaliste économique qui, accessoirement, s'attache à une ado attardée au passé trouble, hackeuse au mauvais caractère. Ces deux-là mènent une longue investigation qui fait tout le charme de ce bouquin. Enfin Mesdames, c'est aussi, comme le titre l'indique, une diatribe contre ces hommes qui n'aiment pas les femmes et donc contre les violences subies par icelles. Le message est clair.
Un thriller bien venu pour les plages cet été.

[...] Il était d'avis que la vraie mission journalistique était d'examiner les chefs d'entreprise avec le même zèle impitoyable que les journalistes politiques surveillent le moindre faux pas chez les ministres et les parlementaires. Il ne viendrait jamais à l'idée d'un journaliste politique de donner à un chef de parti un statut d'icône.
Bon d'accord, le bouquin a manifestement été écrit avant l'avènement de Sarko.
[...] Ce jour-là Lisbeth était vêtue d'un tee-shirt noir avec une image d'E.T. exhibant des crocs de fauve, souligné d'un I am also an alien. Elle portait une jupe noire dont l'ourlet était défait, un court blouson de cuir noir râpé, ceinture cloutée, de grosses Doc Martens et des chaussettes aux rayures transversales rouges et vertes, montant jusqu'aux genoux. Son maquillage indiquait qu'elle était peut-être daltonienne. Autrement dit, elle était extrêmement soignée. 
Deux autres épisodes sont parus mais ce seront les derniers : l'auteur Stieg Larrson vient malheureusement de décéder.

D'autres blogs en parlent ici ou et surtout Jean-Marc. 

Cinoche : Dialogues avec mon jardinier

Le rat des villes et le rat des champs.

Au moment de poster, il y a un jour ou deux, le billet sur la pièce de théâtre japonaise Chants d'adieu, je nous faisions la réflexion que même si de nombreux bouquins sont adaptés au cinéma, il n'y a véritablement que le théâtre et ses acteurs qui sachent rester proche du livre et restituer la force des mots.
Alors qu'au cinoche, ces mots sont comme écrasés par la puissance des images et masqués par l'écran.
Et voilà Jean Becker qui me fait mentir, avec sa version moderne du rat des villes et du rat des champs : Dialogues avec mon jardinier, adaptés du roman d'Henri Cueco.
Avec deux acteurs idéalement employés, voici Dujardin (Daroussin en cheminot retraité du Beaujolais et philosophe à ses heures) et Dupinceau (Auteuil en artiste peintre parisien, un rôle de bobo qui lui va comme un gant).
Et le film se la coule douce pendant que le rat des champs entretient le jardin et le dialogue avec le rat des villes.
C'est aussi d'un côté, le simple des champs qui circule en mobylette et qui depuis plus de cinquante ans prend la vie comme elle lui arrive, et de l'autre, le tourmenté des villes qui roule en Volvo mais qui, à cinquante ans passés, ne sait toujours pas par quel bout prendre sa vie.
Bien sûr on n'échappe guère aux aphorismes sentencieux, issus de la France profonde, sur cette vie qu'il nous faut prendre avec philosophie, mais nombreux sont ceux qui font mouche et on y rit aussi de bon coeur. Bucolique et simpliste mais frais et sans prétention.
De quoi méditer sur cet aphorisme confucéen que nous avions ramené d'un voyage à Suzhou du côté de Shanghaï :

Cultiver son jardin et ses légumes pour subvenir à ses besoins quotidiens, voilà ce qu'on appelle la politique des simples.
En quelque sorte, un film à écouter.

Bouquin : Le dernier souper

Tourments d'un catholique au Japon.

Des trois nouvelles de Shûsaku Endo qui composent ce petit recueil d'une centaine de pages, seule la dernière, éponyme, Le dernier souper mérite vraiment le détour.
Les deux premières évoquent les tourments de la foi catholique dans ce Japon où les chrétiens n'étaient pas toujours bien vus, particulièrement pendant les années sombres du nationalisme nippon.
Ce qui donne quelques pages au charme exotique délicieusement inversé pour notre regard occidental.
[...] La guerre avait déjà éclaté en Chine mais la situation n'était pas encore trop tendue pour les catholiques japonais. Ils pouvaient faire sonner bruyamment les cloches, toute la nuit de Noël et le jour de Pâques. L'entrée de l'église était décorée de fleurs, et nous n'étions pas peu fiers quand les gamins du quartier regardaient avec envie les fillettes, la tête couverte d'un voile blanc comme les jeunes filles étrangères.
Mais c'est donc la troisième nouvelle qui mérite surtout d'y investir 2 euros (oui, c'est le prix du bouquin !).
Une nouvelle très "japonaise" où il est question des souffrances d'un homme hanté par un terrible souvenir de guerre.
[...] Bientôt, on remarqua que certains membres d'un bataillon qui s'était joint à eux, en cours de chemin, mangeaient en cachette de la nourriture. Ils leur racontaient qu'il s'agissait de viande de lézard séchée, alors qu'il n'était pas si aisé d'attraper ces animaux. Tsukada et Minamikawa se doutaient vaguement de quoi il retournait, cependant ils craignaient de l'avouer à voix haute car la guerre avait déjà fortement ébranlé les nerfs de tout le monde.
Voilà bien un extrait pour vous mettre ... l'eau à la bouche !
Mais en réalité, cet événement dramatique n'est encore, pour Shûsaku Endo, qu'un prétexte pour exorciser ses démons : péché, rachat, souffrance, ...
Décidément, cet auteur aura été fortement marqué par son éducation catholique.

In folio en parlait ici et d'autres sur Agora. 
Sur le même thème, voir un autre auteur, Shohei Ooka, chez Noir & Bleu.

Miousik : Dolores O'Riordan

L'étendard des Cranberries en solo.

Début janvier on parlait ici même des Cranberries et de leur figure de proue : Dolores O'Riordan qui devait sortir un album solo en 2007.
Voilà qui est fait : Are you listening est dans les bacs et sur les sites.
Et bien, pas de grande surprise au rendez-vous : la voix, «LA» voix, est toujours là et, à part quelques morceaux plus étranges, la plupart des arrangements (Loser, October, ...) ressemblent beaucoup à ceux des frères Hogan qui l'accompagnaient précédemment.
Du Cranberries sans les Cranberries, en quelque sorte.
Quand on sait les prises de position de cette trop fervente catholique, pourquoi donc s'obstine-t-on à lui faire de la pub sur ce blog ? Ah oui, c'est vrai : «LA» voix ...
Allez, un extrait pour vous : Ordinary Day.

Cinoche : Coeurs perdus

Hasard des programmations, Zodiac racontait il y a quelques jours une histoire vraie de crimes en série dans les années 70.
Avec Coeurs perdus, c'est une autre histoire vraie qui remonte, cette fois des années 50, plus librement adaptée au ciné.
Encore plus fort : le réalisateur Todd Robinson n'est autre que le petit fils de l'inspecteur Buster Robinson qui mena l'enquête dans la vraie vie (John Travolta à l'écran).
Chez les méchants, Jared Leto un gigolo qui gagne sa vie en escroquant des femmes au coeur solitaire. Il finit par tomber sur plus fort (et surtout plus givré) que lui, en la personne de Salma Hayek qui rapidement l'entraine, et nous avec, sur les routes de l'enfer, à coeur perdu : la belle supporte mal les conquêtes de son désormais comparse.
Chez les gentils, John Travolta en flic désabusé qui ne se remet pas du suicide inexpliqué de sa femme. Il part en chasse sur les traces des deux meurtriers, à la poursuite de ses propres démons.
Une cavale qui secoue pas mal, jusqu'au final, forcément fatal on s'en doute, et qui est plutôt réussi (on aimerait vous en dire plus sur cette fin mais ... non).
Une belle brochette d'acteurs, tous excellents, pour incarner ces "coeurs perdus" dans une savoureuse reconstitution des polars de l'époque.

Bouquin : Le retour du professeur de danse

Le retour en force de Henning Mankell.

C'est avec Henning Mankell que nous avions découvert les polars polaires, bien avant la naissance de ce blog et il est juste qu'une place de choix lui soit enfin octroyée.On vient de parler récemment de Mankell dans un autre genre, le roman social, avec Tea Bag.
Nous voici de nouveau au rayon polars, avec Le retour du professeur de danse (et c'est en poche).
La série des enquêtes de l'inspecteur Kurt Wallander est terminée (et c'est pas plus mal car, autant les premiers épisodes étaient excellents, autant les derniers de la série nous avaient un peu déçus) puisque c'est l'inspecteur Stefan Lindman qui reprend avantageusement le flambeau.
En toile de fond de son enquête : le passé (... mais aussi le présent) peu reluisant de la Suède qui collabora avec les nazis pendant la guerre, ce qui ne pouvait manquer de nous rappeler un autre polar lu récemment, un danois, La femme de Bratislava de Leif Davidsen. L'inspecteur Lindman est malade, atteint d'un cancer, et cela rappelle encore un autre polar (un suédois) dont on avait parlé en mai : Retour à la Grande Ombre, de Hakan Nesser.
Beaucoup d'échos donc, suscités par le retour de ce professeur de danse.
[...] - Je suis parti de Boras parce que je suis malade. J'ai un cancer. Je suis en attente de commencer une radiothérapie. J'avais le choix entre Majorque et Sveg. J'ai choisi Sveg parce que je voulais comprendre ce qui était arrivé à Herbert Molin. Maintenant je me demande si j'ai bien fait. 
Giuseppe hocha la tête. Ils restèrent une minute silencieux. 
- Les gens veulent toujours savoir d'où je tiens mon prénom, dit enfin Giuseppe. Toi, tu ne m'as pas posé la question. Parce que tu pensais à autre chose. Je me suis demandé ce qui te préoccupait à ce point. Tu as envie d'en parler ? 
- Je ne sais pas. En fait, non. Je voulais juste que tu saches. 
- Alors je ne t'interrogerai pas. 
Mankell peaufine des dialogues pleins de sens et se confirme comme un maître dans l'art du non-dit, particulièrement dans ce roman qui met en scène plusieurs personnages intéressants autour de Stefan Lindman, comme ce Giuseppe, policier du grand nord suédois, ou Elena, l'amie de Lindman, et d'autres encore (du coup, à côté de ces portraits soignés, un ou deux protagonistes du drame manquent presque un peu d'épaisseur, comme si Mankell hésitait à fouiller du côté obscur de la force, c'est dommage).

[...] Sur la table de cuisine, une thermos attendait déjà, à côté d'une assiette de brioches à la cannelle recouverte d'un torchon. Wigren apporta une deuxième tasse et l'invita à s'asseoir. 
- On n'est pas obligés de parler, dit-il de façon inattendue. C'est possible de boire un café avec un inconnu en se taisant. 
Ils burent leur café et mangèrent une brioche chacun. L'horloge au mur sonna le quart. Stefan se demanda ce qu'avaient bien pu faire ensemble les gens de ce pays avant l'arrivée du café. 

Du côté de l'intrigue, on devine tout très rapidement (le prof de danse, ancien nazi, a été rattrapé par son passé et l'une de ses anciennes victimes qui lui fait faire quelques derniers pas de tango macabres) mais bien entendu avec Mankell, si l'on devine tout, c'est que l'on ne sait rien, et il vous faudra donc dévorer le bouquin jusqu'à ses dernières pages pour comprendre le fin mot de cette histoire où le néo-nazisme sait rester discret et ne pas alourdir le récit.

Bouquin : La chute de Fak

Quand tout tourne autour de la pagode.

Chart Korbjitti nous convie à un voyage en Thaïlande pour assister à la Chute de Fak.
Fak c'est l'homme à tout faire du temple de son village.
Mais pour son plus grand malheur, le pauvre Fak "héritera" à la mort de son père d'une belle-mère un peu fofolle qui a la gênante habitude de montrer ses fesses ou sa poitrine à qui mieux mieux.
De là à ce qu'on dise que Fak couche avec sa belle-mère, il n'y a qu'un pas que les villageois auront tôt fait de franchir.
C'en est fini de la renommée de Fak qui sombrera peu à peu dans la déchéance et se noiera dans l'alcool.
C'est cette longue descente aux enfers que raconte ce roman. Et c'est précisément cette lenteur qu'on peut lui reprocher : pas de surprise dans cette longue contemplation de la chute de Fak.
Il n'en reste pas moins une savoureuse et instructive description des moeurs et coutumes de ce village thaïlandais : la rentrée des classes, les fêtes, les crémations funéraires, jusqu'à l'arrivée de la fée électricité.
Quand l'individuel et le social ne font qu'un, quand tout tourne autour de la pagode ...

[...] La pagode était au centre de la vie du village. Quand un enfant naissait on le portait à la pagode pour que le révérend père lui trouve un nom propice et conforme à sa date de naissance. Quand un fils ou un petit-fils était en âge de devenir novice, c'est à la pagode qu'on le faisait ordonner et qu'il venait résider. Bien entendu, quand quelqu'un mourait, c'est à la pagode qu'on apportait le corps pour l'incinérer. Pour quiconque voulait faire des rencontres, c'est à la pagode qu'il fallait se rendre. C'est à la pagode que le chef du village réunissait les villageois, que les officiels du district venaient établir les cartes d'identité individuelles et les services sanitaires vacciner contre les épidémies. Les vieux allaient à la pagode faire leurs dévotions et les policiers à la poursuite de malfaiteurs s'arrêtaient à la pagode pour prendre des renseignements. Individuellement et collectivement, tout le monde dépendait de la pagode.

Une interview du traducteur.