Cinoche : Ponyo sur la falaise

Le tsunami animé.

À force de fréquenter les forêts profondes de l'univers animé de Miyazaki, certains avaient peut-être oublié que le Japon est, tout autant qu'un pays montagneux, un pays maritime, un pays de pêcheurs et Ponyo sur la falaise nous rappelle fort justement que ce pays est d'abord une île.
Pour ce dernier dessin animé des studios Ghibli qui ont littéralement enchanté les écrans ces dernières années, Miyazaki et ses équipes ont voulu rompre avec une success story qui était peut-être devenue une ornière : quittant les rivages des ordinateurs et du numérique, nous retrouvons ici le berceau des origines du dessin peint "à la main", dans un style qui rappelle les livres illustrés pour les enfants.
Ne vous y fiez pas, pas plus qu'à la promotion occidentale de ce dessin animé qui met en avant l'adaptation de La petite Sirène et qui semble viser un public en bas âge, à l'instar du poisson Nemo et autres Disniaiseries : ne manquez pas ce film (bien sûr en VO, c'est délicieux) car c'est sans doute l'un des meilleurs Miyazaki.
Si le souffle épique de Mononoké n'est plus tout à fait là (quoiqu'on a quand même droit à une belle chevauchée des Walkyries), on retrouve bien sûr tout ce qui fait l'imaginaire un peu trouble de Miyazaki : la mer a remplacé la forêt, les poissons ondulants des profondeurs ont remplacé les créatures ondulantes de la montagne, mais tout y est.
L'intervention et la pollution humaines viennent toujours troubler une nature partagée entre colères cataclysmiques et bienfaits apaisants et l'homme (ici, le magicien Fujimoto, une sorte de Capitaine Nemo nippon) a toujours autant de mal à maîtriser ses pouvoirs.
Et Miyazaki continue d'explorer ce qui se cache sous la surface des choses, et ici sous la surface de l'eau.
Au-delà (ou plutôt : en-deçà)  du fantastique foisonnant de Myazaki, Ponyo c'est aussi un instantané de la vie quotidienne au Japon : et rien que pour cela, le film vaut le voyage.
On découvre tout un pan du Japon contemporain : le père parti pêcher en mer, la jardin d'enfants à côté de la maison de retraite (les japonais vieillissent !), la petite voiture si typique des petites routes nippones, les repas préparés, les équipes de sauveteurs, l'équipement de survie en cas de tremblement de terre ou tsunami, etc.
On ne se lasse pas de cette fenêtre colorée ouverte sur nos lointains concitoyens, comme on ne se lasse pas de ces Sosûke ! Sosûke ! (prononcer Sos'ké avec un û élidé comme souvent en japonais) quand la mère appelle son petit garçon (la VO est délicieuse, on le répète).
Un dessin animé magique (on est chez Miyazaki !) dont on se rappellera longtemps les images : celles de la danse des méduses qui ouvrent le bal, celles des petits pieds nus de Ponyo qui courent sur le dos des vagues et des poissons (excellente bande son), celles des échanges de signaux lumineux entre le petit Sosûke sur la falaise et son père qui passe au large sur son bateau, celles de la ville inondée et des villageois dans leurs bateaux et bien sûr celles du tsunami accompagnées d'une Chevauchée des Walkyries revisitée par le toujours excellent Joe Hisaishi (la petite Ponyo s'appelle même Brunehilde !).
Les japonais habitent une île belle et sereine mais qui sait aussi se montrer (rarement mais violemment) colérique : tremblements de terre et tsunamis sont leur lot et il leur a fallu apprendre à vivre avec.
Visiblement cette dualité de la nature marque profondément l'imaginaire de Miyazaki en particulier et sans doute des japonais en général.


Pour celles et ceux qui aiment le Japon et les mers démontées.
Pascale vient de le voir également.
Le Monde en parle, Libé aussi. D'autres avis sur Critico-Blog.

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