Bouquin : Saveurs assassines

La Grande Bouffe.

Je ne sais plus trop chez qui nous avions pêché cette idée (peut-être Chimère ?), quoiqu'il en soit, voilà une bonne prise !
Saveurs assassines, un petit polar de l'indienne Kalpana Swaminathan qui nous écrit depuis Bombay en anglais (en VO), un anglais mêlé de multiples touches locales d'hindi, d'ourdou, de parsi, de tamoul ... (heureusement, il y a un glossaire à la fin du bouquin !).
Un petit polar bien sympa qui met en scène une détective à la retraite, Lalli, sorte de croisement subcontinental entre Miss Marple et Sherlock Holmes.
C'est indien, frais et épicé, plein d'humour et plutôt finaud, dépaysant et pas prise de tête, bref, idéal pour les plages de l'été qui s'annonce.
L'écriture de Kalpana Swaminathan est résolument moderne, enracinée dans la vie des indiens d'aujourd'hui. Et malgré les nombreuses notes de la traductrice, on passe sûrement à côté de nombreuses allusions ironiques à la vie des indiens de Bombay, mais qu'à cela ne tienne, il en reste suffisamment pour nous tenir en haleine.
Et derrière les aimables propos de salon on devine la dure réalité de l'Inde.
L'idée de cet épisode est d'enfermer un microcosme de la bonne société chic de Bombay dans une villa pour le week-end : un docteur, un écrivain, une top-model, un intellectuel, un journaliste, ...
Un week-end gastronomique puisqu'il est ponctué de repas savamment composés (et ponctué de quelques cadavres aussi). On en a l'eau à la bouche (à cause des repas, pas des cadavres).
Côté enquête, mais comme toujours dans les bons polars, ce n'est pas l'essentiel, on flirte avec les standards du genre : mystère de la chambre close, indices parsemés au fil de la lecture, personnages au passé trouble, déductions savamment agencées par la détective. On a l'impression de jouer au Cluedo (il y a même un plan de la demeure qui réunit les personnages pour le week-end !).

[...] - Vous avez appris la mort de Chili, déclara Lalli.
Elle est morte vers midi aujourd'hui, peu après être retournée dans sa chambre pour se reposer. Elle a été empoisonnée. Les gélules de vitamine qu'elle prenait le matin étaient remplies de mort-aux-rats.
Ujwala fit de nouveau entendre les lamentations de Cassandre.
- Je vous l'ait dit ! Je l'ai dit à tout le monde ! Je le savais ! Dès que je l'ai entendu dire, je le savais !
Lalli ne fit pas attention à elle.
- Alors qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demanda Alif Bey avec un signe désespéré en direction de la fenêtre contre laquelle la pluie continuait de battre sans répit.
- Vous voulez dire : à qui le tour ? demanda Félix.

La seconde enquête de dame Lalli, La chanson du jardinier, nous a quand même un peu déçus ...
et on y a préféré celle de Vish Puri, le héros de Tarquin Hall.


Pour celles et ceux qui aiment les voyages en classe polar.
Points policier édite ces 357 pages en poche qui datent de 2006 en VO et qui sont traduites de l'anglais par Édith Ochs.

Cinoche : Étreintes brisées

L’odyssée de Pénélope.

Ce billet ne devrait pas s'intituler Almodovar mais plutôt Pénélope tant le dernier film de Pedro Almodovar, Étreintes brisées, est un véritable hymne à la belle Pénélope Cruz.
Pénélope est l'une des rares actrices contemporaines que l'on pourrait comparer aux Grandes comme Greta, Ava ou Marilyn.
Et ce film lui rend un véritable hommage en lui offrant un rôle superbe ... puisqu'elle y joue l'actrice, justement !
Car dans le film de Pedro, il y a ... un film.
Et même un troisième film puisque l'un des personnages tourne une vidéo du tournage du film.
Au risque de passer pour faire la fine bouche, on est malgré tout resté un peu sur notre faim (exactement comme avec le dernier Barcelona de Woddy Allen) et on n'a pas retrouvé totalement la patte du maître de Volver par exemple.
Il reste quand même une belle histoire d'amour, racontée (comme toujours avec Almodovar) avec brio : l'histoire d'une femme que deux hommes se déchirent, jusqu'au drame.
L'un d'eux est un artiste, un cinéaste, devenu aveugle, il ne peut plus voir.
L'autre est un riche homme d'affaires qui ne veut pas entendre : lorsqu'il visionne la vidéo du tournage pendant lequel flirte "sa" belle et l'artiste, le son est si exécrable qu'il doit faire appel à une assistante pour lui lire les dialogues sur les lèvres des deux amants !
Entre les amours possessifs de ces deux hommes, comme Ulysse entre Charybde et Scylla, la belle Pénélope tente de naviguer, toute en jambes et sourires, magnifique (quoi ? on l'a déjà dit ?).


Pour celles et ceux qui aiment les femmes fatales.
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Cinoche : Je l’aimais

Les histoires d’amour finissent mal, en général.

Après Ensemble c'est tout, voici un autre bouquin d'Anna Gavalda adapté au cinoche.
Et c'est Zabou Breitman qui met en images : Je l'aimais.
L'histoire d'un amour qui n'aura pas eu lieu.
Daniel Auteuil, Pierre, accompagne sa belle-fille à la montagne : elle vient de se faire larguer par son  mari (le fils de Pierre donc) et au fil des soirées passées à pleurnicher dans le chalet, Daniel Auteuil se laisse aller à la confidence.
Lui aussi, il y a bien longtemps, a failli larguer son épouse : il a rencontré l'amour de sa vie, a vécu une période merveilleuse, retrouvant sa belle ici ou là au gré de ses chantiers (Monsieur est entrepreneur), mais ...
... mais enfermé dans ses conventions, sa vie de famille (ses ados, sa femme, son boucher, ...), sa maison de campagne, sa boîte, ... il n'aura pas su faire les choix nécessaires.
Il est passé à côté d'une histoire d'amour comme il y en a rarement, même dans les livres (ou alors juste ceux d'Anna Gavalda), une histoire à la Lost in translation et il le regrettera le restant de ces jours : gâchant sa vie de famille qui n'aura pas résisté aux mensonges et gâchant sa vie tout court.
Une histoire triste mais bien racontée qui tient essentiellement au personnage de Pierre : un homme ordinaire (Daniel Auteuil excellent en petit patron de PME rigide) qui a goûté à la vraie vie mais qui est passé à côté pour n'avoir pas su ou pas pu en faire le choix. À bon entendeur, salut !
Un petit film bien français et bien sympa, triste à (presque) pleurer. Pas du grand cinéma, mais qui se laisse regarder sans ennui.
En prime, la belle et douce chanson du générique : Run and Hide , interprétée par Anna Chalon.


Pour celles et ceux qui aiment pleurer au cinéma.
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Cinoche : Dans la brume électrique

Au fond du bayou.

On est des fans inconditionnels de Tommy Lee Jones.
Espérons que cela n'aura pas trop aveuglé notre jugement sur cet excellent film de Bertrand Tavernier : Dans la brume électrique, un polar sur fond de bayou, en Louisiane.
Une Louisiane qui panse ses plaies après Katrina ... et d'autres maux, moins "naturels", comme la Guerre de Sécession ou le racisme, comme la mafia ou le show-biz (c'est pareil ?) et d'autres trafics.
Avec Tommy Lee Jones, le décor so cliché de Louisiane, ... on pouvait s'attendre à un thriller à l'américaine, mené à un rythme d'enfer et haletant ... et bien non ...
Il faut même quelques minutes au début, pour se mettre au diapason du film de Bertrand Tavernier, monté comme un bouquin, comme un polar, avec même une voix off (Tavernier aurait d'ailleurs eu des différents à ce sujet avec la production américaine ... heureusement, la version française est sortie conformément à ses souhaits).
Le rythme est plutôt calme comme dans un bon polar savouré dans un canapé, c'est celui des pensées de cet homme, c'est celui du bayou.
Magnifique scène de la pêche à la mouche ... on pense bien sûr aux polars récemment découverts de William G. Tapply, même si le décor du Maine et celui du bayou ne se ressemblent guère, à l'élément liquide près.
Un bayou où, après quelques verres, on voit des petites lumières électriques dans la brume : il s'agit peut-être des gaz du marais ou peut-être des lampes des fantômes des soldats confédérés enlisés ici depuis 150 ans, depuis Gettysburg. Qui sait ...
Comme dans un bon polar, on se laisse porter au fil de l'eau et l'intrigue policière ou la découverte du méchant importent peu.
On y (re)découvre également une Louisiane avec son charmant passé francophone : les noms des personnages ou des villes, les chansons (à la radio de la voiture, au générique, ...).
Marco Beltrami signe avec Tavernier, une excellente bande son et on vous laisse d'ailleurs écouter un long extrait de cette très belle chanson du générique de fin qui balance entre blues afro et gigue cajun : la terre tremblante  avec les voix de Dirk Powell et Courtney Granger.
Bien sûr, après un tel film, le bouquin de James Lee Burke ne pouvait qu'atterrir sur ce blog !


Pour celles et ceux qui aiment les bons polars.
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Cinoche : Good morning England

The show must go on.

Les critiques sont plutôt sévères à l'égard de cette sympathique farce qui met en images une bande son extra (tout le rock'n roll des années 60 y passe, de Jimi Hendrix aux Who) avec un propos des plus simples : vers 1966, un britannique sur deux écoute en cachette les radios libres qui émettent depuis des bateaux en Mer du Nord et diffusent du rock à longueur d'antenne alors que le gouvernement de sa majesté tente différents artifices pour "illégaliser" ces trublions.
Et bien on a franchement apprécié cette aimable blague de potaches qui consiste à évoquer la bande de joyeux lurons qui, depuis leur bateau, animaient les ondes de Radio Rock, rivalisant de farces, coups fourrés (dans tous les sens des mots), et bien sûr inestimable Musik !
Un archétype du genre "feel good movie", mais plutôt bien mené : on y rit souvent, on y sourit presque tout le temps et on bat le tempo en mesure ! Que demander de plus à ce film sympa flirtant avec la comédie musicale ?
On retrouve avec délectation les coiffures et les accoutrements (on appelait "ça" la mode ?) de l'époque, la musique de l'époque et les salary-men coincés de l'époque. On apprécie tout particulièrement les nombreux petits plans qui mettent en images les auditeurs de la radio tout au long du film et au travers du pays : savoureux !
Un joyeux moment et un bel intermède musical.


Pour celles et ceux qui aiment le rock'n roll.
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Cinoche : Millénium

La rançon du succès.

Le bouquin (enfin, les bouquins puisqu'il s'agit d'une trilogie) a connu un succès inattendu et suscité un enthousiasme étonnant de Stockholm à Paris.
Un engouement qu'on n'a guère partagé car, si on tenait là un bon polar, il n'y avait quand même pas de quoi abattre tous ces sapins : Millénium est un peu au thriller ce que le Da Vinci Code est à l'énigme ésotérique ou Harry Potter à la sorcellerie.
On avait même lâché la série au milieu du second tome, un peu trop racoleur à notre goût.


Et bien un autre petit suédois futé a eu l'idée d'acheter les droits ciné avant que le succès du roman de Stieg Larsson devienne quasi planétaire et voilà donc le film adapté du premier épisode Les hommes qui n'aimaient pas les femmes.
Et force est de constater que le film de Niels Arden Oplev est fort réussi, bien mieux que le bouquin originel.
Toute la première partie du film est passionnante, pleine de tensions, qui nous dépeint une Suède stressante et angoissante, froide et pluvieuse, qui n'a rien à envier à l'Islande d'Indridason transposée récemment à l'écran avec Jar City.
D'autant que Millénium fouille dans le trouble passé du modèle suédois, à l'époque sombre de la collaboration avec les nazis.
La suite du film reste fidèle au bouquin (y compris dans certaines scènes trop violentes et trop complaisantes, on l'a dit), avec les simplifications nécessaires à l'écran et on ne reviendra pas ici sur les détails de l'intrigue.
Juste un casting plutôt bien vu avec deux acteurs suédois, donc inconnus chez nous : Michael Nyqvist qui incarne le journaliste d'enquête et surtout l'étonnante Noomi Rapace qui endosse le rôle difficile de la punkette hackeuse - la jeune femme a une belle carrière devant elle !
Au passage, on ne manquera pas de relever ces rôles de hackeuses qui semblent désormais faire école ici ou là :
- la signora Elettra en talons aiguilles chez Donna Leon,
- la mamy Josette en pantoufles chez Fred Vargas,
- et donc la punkette Lisbeth en bottes de moto chez Stieg Larsson.
Nouvelles héroïnes des temps modernes, Robin des bois au féminin volant les e-mails et les passwords des riches pour rétablir la justice, ou nouvelles guerilleras de la non-violence surfant sur une technologie dont on craint qu'elle nous dépasse ? À suivre ...

Pour celles et ceux qui aiment les thrillers suédois.
Papillon en parle, Philippe également, la Boîte à sorties est moins tendre.
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Cinoche : Coco avant Chanel

MLF.

À l'aube du dernier siècle, Gabrielle Chanel est abandonnée par son père.
C'est l'histoire de cette orpheline que nous conte le film d'Anne Fontaine Coco avant Chanel : l'éclosion d'un papillon, la libération d'une femme.
Une anarchiste de la mode, une effrontée qui bouscula les convenances, osa monter à cheval à califourchon, fumer sa clope, boire sa coupe, s'habiller à la garçonne et finalement ne dépendre d'aucun homme.
Mademoiselle réussira à extirper les femmes des crinolines et des chapeaux en forme de pièce-montée.
Un rôle en or pour Audrey Tautou qui incarne la naissance de la future Coco Chanel.
Le film est une ode à Coco, à Audrey Tautou et à la femme libérée de ses corsets.
La jeune Gabrielle découvre le jersey de son amant anglais, le tweed de son protecteur parisien, les tricots rayés des pêcheurs du Touquet et bien sûr les canotiers ou les pyjamas de ses hommes.
Elle collectionne impressions, couleurs et tissus, tout ce qui alimentera plus tard son inspiration de grande couturière.
Tout cela est admirablement bien rendu (un film "en costumes" d'époque, bien léché et parfois un peu long) jusqu'à la très belle explosion finale : le premier défilé de Mademoiselle Chanel où l'on retrouve toutes ces matières et couleurs qu'on nous a laissés deviner tout au long du film.
Une mention spéciale pour Benoit Poelvoorde (le protecteur, nobliau de province, mais de province proche de Paris, amateurs de chevaux et de jolies femmes) qui semble taillé pour ce rôle et qui charpente le film aux côtés de la fragile Audrey Tautou.


Pour celles et ceux qui aiment les froufrous.
Pascale vient de le voir également.
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