Cinoche : La comtesse

La fiancée de Dracula.

La Comtesse a l'annonce d'un film de vampires, la couleur rouge sang d'un film de vampires, mais ce n'est pas un film de vampires.
Julie Delpy (scénariste, réalisatrice et actrice) tire profit d'une matière riche, à mi-chemin entre vérité historique et légende.         
Pointer vers le haut[Attention, on dévoile ici beaucoup de choses]
Voici l'histoire de la Comtesse Erzébet Báthory(1), noble de grande lignée hongroise, qui, après avoir perdu son mari à la guerre contre les turcs, se retrouve à la tête d'une grande fortune, d'une grande armée et d'un grand château, le château de Čachtice, aux confins de l'actuelle Slovaquie.
Une dame puissante qui était même devenue la créancière du roi ...
Mais si Nefertiti prisait gentiment les bains de lait d'ânesse, la Comtesse était malheureusement connue pour être friande de bains de sang. Le sang de jeunes vierges de préférence, c'est mieux pour rajeunir la peau et garder un teint frais, tous les magazines féminins vous le diront. Mais c'est moins drôle pour les habitant(e)s de la région.
Les plus vieux sages d'entre nous se souviennent peut-être de l'un des contes immoraux que Walerian Borowczyk avait tiré de cette histoire et dont on garde encore les images en tête.
Pour ce qui est du bain de sang, les hommes ne sont pas en reste : mais c'est officiellement organisé et ça s'appelle la guerre contre les turcs (à l'époque).
La Comtesse finira mal, emmurée vivante dans une chambre de son château, après un simulacre de procès où, sous prétexte de lui éviter le déshonneur lié à l'accusation de sorcellerie, on marchandera ses biens, sa fortune et son héritage ...
Au passage, les dettes du roi seront apurées : officiellement Erzébet Báthory aura perdu la raison ... au profit de celle de l'état.
Voilà pour le fond historique auquel Julie Delpy reste très très fidèle : le comte Thurzó, le pasteur dénonciateur, les domestiques, ... la plupart des personnages du film étaient bien là dans les années 1600.
Mais Julie Delpy ne s'est pas laissée vampirisée par le fonds documentaire même si elle se permet quelques clins d'œil à l'imagerie du genre (miroirs, lumière du jour, ...)(2).
http://carnot69.free.fr/images/coeur.gifCe qui l'intéresse (et qui nous rend le film passionnant) c'est le portrait(3) de cette femme, noble, riche, puissante, intelligente, beaucoup trop à l'époque pour ce monde d'hommes et de guerriers. Une femme qui aurait tant voulu naître homme, donc à l'image de Dieu.
Alors elle domine son entourage, ses amants(4), ses maîtresses(5), le clergé et même les finances du roi, ce qui causera certainement sa perte.
Il n'y a qu'une chose que la belle Comtesse ne maîtrise pas : le Temps et ses effets ravageurs sur la beauté.
La Comtesse Delpy refuse de vieillir. Et la voici donc à la recherche du sang de jeunes vierges.http://carnot69.free.fr/images/lacomtesse2.jpg
Erzébet Báthory était en avance sur son temps mais refusait de le voir passer sur elle ...
Un portrait étonnant et original où peaux et visages livides sont filmés au plus près, comme si leur transparence permettait de voir au-dedans des âmes.
Un portrait où le personnage de la Comtesse nous est montré dans toute sa riche complexité : amoureuse et violente, aimable et colérique, persiffleuse et angoissée, fragile et sadique, ...
On regrettera juste une mise en scène un peu académique et explicative, là où le propos eut demandé plus de fureur baroque.
Un film où l'on découvre les mille et une manières de saigner les jeunes filles.
(1) : rien que le nom hongrois de cette Élizabeth a déjà un petit air de famille avec Belzébuth !
(2): intéressant d'assister à la naissance d'une légende encore étonnament vivace aujoud'hui : quelques faits sanglants et la manipulation d'état fera le reste ...
(3) : avec force référence au Portrait de Dorian Gray
(4) : lorsque le comte Dominic, adepte des relations SM, lui rend visite, c'est elle qui est du côté du manche du fouet
(5) : troublante relation saphique et diabolique avec une apprentie sorcière

Pour celles et ceux qui aiment les femmes en avance sur leur temps.
Télérama en parle (et bien pour une fois).

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