Bouquin : Je m’en vais

L’art de l’esquimautage.

Ah, prendre un bouquin d'Échenoz ! Ah, quelle annonce de plaisir. C'est comme décapsuler une bouteille de sa meilleure bière(1). C'est comme mettre un bon CD dans la boîte à zik.
Il faut dire que Jean Échenoz joue de la musique des mots comme d'autres de celle du piano.
Quel virtuose. Quelle mélodie que ces phrases qui tournent et qui roulent, l'humour discret, sans jamais se prendre trop au sérieux, sans effet d'orchestration trop appuyé.
Cette chanson-ci commence et finit par les mêmes mots, le même refrain : Je m'en vais.
On commence comme ceci :

Je m’en vais, dit Ferrer, je te quitte. Je te laisse tout mais je pars. Et comme les yeux de Suzanne, s’égarant vers le sol, s’arrêtaient sans raison sur une prise électrique, Félix Ferrer abandonna ses clefs sur la console de l’entrée. Puis il boutonna son manteau avant de sortir en refermant doucement la porte du pavillon.

Pour finir comme cela :

[...] Je suis désolé, dit Ferrer en s’approchant avec prudence, je n’avais pas du tout prévu ça. C’est un peu compliqué à expliquer. Pas grave, dit la fille, je suis moi-même là par hasard. Vous allez voir, il y a des gens assez marrants. Allez, venez. Bon, dit Ferrer, mais je ne reste qu’un instant, vraiment. Je prends juste un verre et je m’en vais.

Entre ces deux Je m'en vais, deux cent pages où il ne se passe pas grand chose, comme d'habitude chez Échenoz, juste l'errance de ce Ferrer, marchand d'art qui se prête quand même à un voyage au fin fond du Canada pour récupérer quelques babioles d'esquimaux, une fortune d'art ethnique qui ... bon, on ne va quand même pas vous raconter le fil ténu de l'intrigue presque policière qui agrémente le récit.
Mais comme d'usage chez cet auteur, ce n'est pas l'important : l'essentiel est ailleurs, dans les petits riens sans importance justement, les petits riens qui font le récit du réel, de la vraie vie des personnages dont Échenoz tire le portrait.
Car Jean Échenoz est grand portraitiste.
Jean ÉchenozLe sieur Ferrer connaîtra quelques déboires avec sa galerie d'art mais aura surtout du mal à se fixer auprès de la gente féminine, entre deux Je m'en vais :

[...] Cette moitié féminine peut aussi, a-t-il remarqué, se diviser en deux populations : celles qui, juste après qu’on les quitte, et pas forcément pour toujours, se retournent quand on les regarde descendre l’escalier d’une bouche de métro, et celles qui, pour toujours ou pas, ne se retournent pas. En ce qui concerne Ferrer, il se retourne toujours les premières fois pour estimer à quelle catégorie, retournante ou non retournante, appartient cette nouvelle connaissance. Ensuite il procède comme elle, se plie à ses manières, calque son comportement sur le sien vu qu’il ne sert vraiment à rien de se retourner si l’autre pas.

Ah, quelle musique. Échenoz est incontestablement notre auteur français préféré, inégalé sans doute parmi ses contemporains.
Ce bouquin n'est peut-être pas le meilleur de la série mais ressemble un peu, avec ses faux airs de polar, au Lac déjà commenté ici.

(1) : oui, plutôt une cannette de bière qu'une bonne bouteille de vin : les bouquins d'Echenoz sont généralement courts et plutôt du format 33cl que 75cl, c'est comme ça.


Pour celles et ceux qui aiment les esquimaux.
Les éditions de minuit éditent ces 199 pages qui ont obtenu le Goncourt de 1999.
Une bio d'Échenoz et d'autres avis chez Babelio.

Miousik : MONSIEUR Cohen

Hallelujah, le rasta blanc.

Le vieux bonhomme (bientôt 78 ans !) vient de sortir un nouvel album : Old ideas, avec quelques pépites comme la ferveur d'Amen ou le swing de The darkness.
L'occasion aussi de (re)passer par deux lives qu'on avait zappés bien à tort : Live in London et Songs from the road, une compile des meilleurs moments de son world-tour des années 2008.
Quelle puissance.
http://carnot69.free.fr/images/coeur.gifJamais Leonard Cohen n'aura été aussi fervent prométhée, qui blasphème, jetant son notre humanité à la face de dieu, incarnant une sorte d'équivalent profane ou judéo-chrétien du reggae.
Jamais la mâle voix gravissime accompagnée de c(h)oeurs féminins, aériens et pluriels, n'aura été aussi sexy.
Mais c'est aussi que la musique de Cohen est avant tout physique : ce ne sont pas des voix qui chantent mais bien des corps qui soufflent.

Tell me again when I'm clean and soberhttp://carnot69.free.fr/images/leonard cohen2.jpg
Tell me again when I've seen through the horror
Tell me again, tell me over and over
Tell me that you love me then
Amen, Amen, Amen... Amen

C'est ben la première fois que BMR entonne ces mots sacrés, Amen ! (MAM a heureusement bénéficié d'une meilleure éducation).

There is a crack in everything, that's how the light gets in ...

http://carnot69.free.fr/images/etoile.gifLes orchestrations sont sublimes. D'habitude on n'est pas trop fan des lives, mais là, chapeau l'artiste, les deux albums Songs from the road et London revisitent et magnifient les vieux standards comme Suzanne ou The partisan. Dans ces derniers albums, les cordes de Javier Mas (ah, quel Partisan !), la guitare de Bob Metzger (ah, ce I tried to leave you !), les cuivres de Dino Soldo (ah, les sanglots longs d'Amen !), l'orgue Hammond de Neil Larsen (Hallelujah !) sont tout simplement de pures merveilles, de petits miracles. Et les Webb sisters autour de Sharon Robinson, les choristes, oh les chœurs !
So, as Mr. Cohen says :

There's nothing left to do
when you've got to go on waiting
waiting for the miracle to come

Nothing left to do ... just listen to this music.


Pour celles et ceux qui aiment les prières profanes.

Cinoche : Contrebande

Si j’avais un bateau.

C'est le nom de l'islandais Baltasar Kormákur qui nous a accroché.
C'est à lui qu'on devait l'excellente adaptation cinéma du polar de Arnaldur Indridason, la Cité des Jarres.
Et sachant que Kormákur avait déjà réalisé une première version islandaise de son histoire, on se disait que ce film-ci devait assurément être de la bonne came et pas de la marchandise frelatée.
Kormákur est un fidèle d'ailleurs puisque l'histoire (inédite en français) est également signée Indridason. Cette fois on a droit à un show à l'américaine et le scénario a été transposé de la Mer du Nord au Canal de Panama.
À la Nouvelle-Orléans, Mark Wahlberg s'est rangé des bateaux et des voitures et il a monté sa petite affaire dans la banlieue, depuis que papa est en prison. Mais le jeune frère de Madame a fait des conneries et Wahlberg est obligé de reprendre du service : on ne renie pas sa famille, surtout quand on est contrebandier de père en fils.
http://carnot69.free.fr/images/contraband.jpgRevoici donc notre héros qui embarque à bord d'un porte-conteneurs pour le Panama tandis que Madame et les enfants sont menacés par les vilains.
La première partie du film est plutôt habile : Kormákur nous y donne sa lecture de la région, industrielle et sombre, inquiétante et oppressante, rien à voir avec les clichés habituels sur le bayou (clichés qui termineront le film d'ailleurs). Le film est mené à vive allure (même un gros cargo ça peut aller trop vite, si, si !) et l'adrénaline fait monter la tension.
L'autre intérêt du film tient dans la description de ce milieu tout à fait méconnu de la MarMar et de ces gros porte-conteneurs (et de la contrebande qui vogue avec) qui sillonnent pour nous les mers du globe. On en vient à se demander comment font les douanes pour trouver des candidats à recruter ! Quel boulot !
Pour le reste, le show à l'américaine est au rendez-vous : affreux vilains, course-poursuite, traitres et rebondissements, fusillades et bastons, tout y est.
La seule surprise vient d'une toile de Pollock qui est hold-upée au Panama : les bandits en ignorent la valeur et ils l'utilisent comme bâche pour recouvrir leur marchandise ! La « bâche » vaut juste dix fois plus cher que la came !
Morale de l'histoire : les contrebandiers américains n'ont aucune culture mais cela ne les empêchera de finir heureux au bord de la mer en regardant les pélicans.
Morale de cette morale : les douaniers US ont encore moins de culture que les bandits et donc bien mal acquis profite parfois un peu quand c'est par des bandits-moins-vilains-que-d'autres-méchants-encore-plus-affreux (là on a le droit, surtout quand c'est le beau, fort et musclé Mark Wahlberg qui tient le rôle du bandit-moins-vilain-que-les-autres-méchants-encore-plus-affreux).

Pour celles et ceux qui aiment les histoires de gros bateaux.

Cinoche : Barbara

Le médecin malgré elle.

Il est des pays où l'on ne peut être heureux : dans les années 80 (c'était hier à peine), la RDA était de ces pays-là et s'enfonçait inexorablement dans une obscurité moyen-âgeuse, on se souvient bien entendu de la Vie des autres.
La vie des autres, il en est encore beaucoup question ici avec cette très belle histoire qui se passe dans une petite bourgade de province, bien loin de la capitale berlinoise.
Barbara, médecin d'un hôpital prestigieux de Berlin, mais soupçonnée de fricoter avec l'ouest pour quitter son beau pays, se retrouve exilée et surveillée dans ce bled paumé au bord de la Baltique.
Elle y rencontre André, autre toubib également relégué dans ce village perdu pour y tenir une petite clinique. D'André on ne sait trop s'il a fauté lui aussi et se retrouve politiquement incorrect ou s'il est là pour mieux surveiller la belle berlinoise. Car Barbara est attendue à l'ouest et son amant l'aide à préparer en secret son exfiltration.
Mais il serait dommage de résumer le film à cela car au-delà du contexte socio-politique de l'époque, ce film est avant tout une histoire d'amour, l'histoire d'une femme. Et une histoire de médecin(s).
Dans cette RDA des années 80 on est prêt à tout pour échapper à son destin : on s'évade des camps d'éducation socialiste, toutes les semaines s'il le faut, on se jette par les fenêtres au besoin.
Et même la Stasi y est gagnée par le cancer, c'est dire s'il fait bon y vivre !
Alors vaille que vaille, avec les moyens du bord, les médecins essaient de panser les âmes ...
Il n'y a pas vraiment de suspense et on comprend vite ce qui attend notre belle Barbara (Nina Hoss, superbe) : ses rêves de l'ouest où l'attend un bel, libre et riche amant resteront des rêves, au-delà des mers.
http://carnot69.free.fr/images/nina hoss.jpgOn regrette un peu les escapades avec l'amant de l'ouest qui aurait gagné à rester au loin, simplement évoqué par quelques paquets de cigarettes : Christian Petzold, le réalisateur, se montre parfois trop explicite.
On regrette un peu que les patients soignés par Barbara et André soient triés dans le catalogue au point de presque caricaturer la juste cause médicale : les bons sentiments de Christian Petzold, sont parfois un peu maladroits.
Mais on aime bien le rythme lent du film, linéaire, qui nous laisse nous imprégner de cette vie d'exil en province battue par les vents de la Baltique, si proche et si inaccessible, et on aime bien les regards échangés qui en disent beaucoup plus que les dialogues : Christian Petzold sait filmer les lieux et les gens.
Il est des pays où l'on ne peut être heureux, mais comme dans tous les pays, il est des vraies gens qui y vivent. Barbara et André étaient en RDA en 1980.


Pour celles et ceux qui aiment les médecins de campagne.
Le Monde en parle très bien.

Cinoche : Margin call

Les jeux sont faits, rien ne va plus.

Évidemment la crise (pardon : LA Crise) nous devait bien quelques films, après tout c'est la moindre des choses.
Alors voici le premier, le premier film de JC. Chandor.
Et Margin Call est une réussite.
Évidemment on est ravi, ravi, ravi de retrouver ici Keyser Söze.
Jeremy Irons est également parfait, parfait, parfait en presque homonyme du patron de feu Lehman Brothers.
En fait tout le film tient à cette pléiade d'acteurs. C'est plus ces gens-là qui intéressent JC. Chandor que les mécanismes abscons du monopoly. Et nous aussi.
D'ailleurs il semble que rares sont les cadres de la Company qui comprennent quelque chose à ces savantes mécaniques : mais s'il permet d'acheter à bas prix et de revendre plus cher, c'est que le modèle mathématique est certainement très bon.
Au bas de l'organigramme, quelques hommes brillants, habitués à jongler avec les chiffres, qui auraient pu construire des fusées ou des ponts mais qui attirés par l'argent, ont utilisé leurs cerveaux pour bâtir des algorithmes financiers et des châteaux en Grèce et en Espagne.
Économies réelle et virtuelle, on a compris. Dans le film de JC. Chandor ce clivage affecte même les gens : d'un côté il y a les personnages de son film, les employés de la Company. De l'autre les gens réels. Chacun se croise sans se voir, littéralement, comme la femme de ménage dans l'ascenseur.
À la sortie de la séance, on n'a pas compris beaucoup plus de choses à la crise qui n'a pas fini de ravager notre siècle, pas plus que nos grands parents n'avaient compris grand chose aux guerres qui ont ravagé le leur. Margin call est un film, pas un documentaire. Mais une chose est sûre : si le XX° siècle fut un siècle de chaos guerriers, le XXI° sera celui des chaos financiers.
Le film commence un peu comme Company Men : on prend son carton, les photos de son bureau et bye, bye la Compagnie. Mais Margin call est un film astucieux qui prend le contre-pied de ce à quoi on pouvait s'attendre : un thriller touffu, dense, survolté où les ordinateurs surchauffent, où les traders s'affolent et où les salles de marché s'agitent ... http://carnot69.free.fr/images/margin call 2.jpg
Non : ici tout se passe la nuit, une longue nuit calme et silencieuse, avec quelques personnages hagards et fatigués, des bureaux déserts, des toilettes, des couloirs et des ascenseurs, quelques ordinateurs aux écrans bleutés et figés, ... la douce musique de la croissance et du crédit s'est arrêtée et chacun comprend que la fête est finie.
Un autre aspect intéressant de cette petite tranche de vie au bureau est la place accordée à la hiérarchie : lorsque l'alerte est donnée (le modèle mathématique s'effondre, des fissures sont apparues depuis une semaine, le pont en Grèce et le château en Espagne vont s'écrouler), il faut peu à peu remonter l'organigramme, d'échelon en échelon, escalader comme on dit. À chaque étage, un petit patron, mieux payé que vous en dessous, et qui va vous virer le moment venu, faire tomber votre tête pour sauver la sienne, mais vous l'admirez et le suivez  aveuglément parce qu'il brille plus que vous. À chaque étage, le patron est de moins en moins petit et de plus en plus mieux payé, mais il y a toujours un étage au-dessus. Même au-delà du dernier étage de la tour il y a toujours quelque chose qui plane au-dessus des têtes.
En fonction de l'intensité de la crise, il faut simplement trouver le bon ampérage du fusible à remplacer en espérant faire repartir la petite musique. Vous êtes très bon, vraiment, nous vous remercions pour vos bons et loyaux services, honnêtement, rien de personnel là-dedans, sincèrement, mais vous comprenez bien n'est-ce pas, et nous vous remercions, simplement. Rien à voir avec la vraie vie des bureaux, non bien sûr, c'est du cinéma.
Un cinéma où chacun est seul, absolument et inéluctablement seul : pas d'amis, pas d'épouses, ...
Un cinéma où chacun est accro au fric et aux bonus, ne sachant même pas trop ce qu'il en fait mais ne pouvant évidemment plus s'en passer.
Dans cette affaire, Kevin Spacey aura perdu ses dernières illusions et son chien : quand il enterre tout cela dans son jardin, les bruits de sa pelle résonnent longtemps pendant que défile le générique de fin et que les spectateurs quittent  lentement leur siège et la salle. Tant que c'était du cinéma, ça allait hein ? mais bon, en plus c'est pour de vrai ...
Ce soir, ne manquez pas ce film salutaire et demain au bureau, n'oubliez pas de dire bonjour à la femme de ménage dans l'ascenseur.


Pour celles et ceux qui aiment les jeux d'argent.

Miousik : Michael Kiwanuka

Groove from London.

BMR & MAM, deux baobab-coolAprès Imany, belle surprise 2012 également que ce Michael Kiwanuka, fils de réfugiés ougandais qui vit à Londres.
Sa musique plane quelque part entre soul langoureuse et folk sensuelle. Et sa voix chaleureuse n'oublie pas de se faire accompagner par de très très belles guitares (Michael Kiwanuka fut d'abord musicien et composa pour les autres avant de se lancer sur le devant de la scène).
Les chansons qu'on préfère ici sont celles qui tirent du côté du folk-song mélancolique comme Home again ou Always waiting.
Coqueluche des milieux branchés, le voici promu révélation de l'année et il semble promis à un bel avenir, à l'ombre de ses inspirateurs comme Marvin Gaye, Van Morrison ou Otis Redding.


Pour celles et ceux qui aiment (encore) les voix chaleureuses.

Cinoche : Marigold hotel

Disneyland pour le 3° âge.

Un endroit sympathique que ce Best exotic Marigold Hotel (Indian Palace en VF ?) où partent se réfugier quelques retraités so british.
À l'heure où Paris se couvre d'affiches qui vantent l'immobilier marocain, il ne fait pas bon vieillir en même temps que nos démocraties occidentales et les anglais espèrent quant à eux retrouver une seconde jeunesse en direction de leurs premiers rêves baba-cool : l'Inde.
Ils quittent donc sans regrets un troisième âge guère enthousiasmant dans la banlieue londonienne pour ... déchanter en arrivant au Rajastan : l'hôtel luxueux et bon marché s'avère finalement miteux et bon marché.
Si l'on s'en tenait là, l'article féroce (toujours féroce !) de Critikat aurait tout à fait raison, d'autant que l'Inde qui nous est dépeinte est encore moins réaliste qu'un magazine de tour operator. Plus cliché tu meurs (de faim sur les trottoirs de Delhi). Jusqu'au call center, histoire de faire actuel.
Mais non l'intérêt du film n'est pas dans l'exotisme d'un pays que l'on ne verra guère mais bien dans la petite troupe d'acteurs désabusés qui sont partis là-bas traîner leur troisième âge.
Vieillis et aigris, cyniques et mordants, ils déménagent dans tous les sens du mot même si bien évidemment chacun traîne toujours son passé dans ses bagages : santé, vieux couple finissant, solitude, sexe, vieux rêves de jeunesse, ... tout y est et les valises (sous les yeux) sont bien lourdes.
Mention spéciale à une Maggie Smith impayable en vieille chouette raciste et à un Bill Nighy so british.
Signe des temps modernes, peu à peu les films sur les 'vieux' se font de plus en plus présents et de moins en moins timides ... et c'est pas BMR et MAM qui vont y trouver à redire (je le dis avant que d'autres n'ouvrent la bouche !).


Pour celles et ceux qui aiment les retraités en voyage.

Miousik : Lenka Kripac

Madeleine miousikale.

Elle nous rappelle furieusement Regina Spektor : même son nom, Lenka Kripac pourrait venir de l'est.
Sauf que la demoiselle vient d'Australie.
Son tube The show nous remet à l'oreille celui de l'ukrainienne de New-York, c'était On the radio qu'on écoutait en boucle il y a six ans (et oui, déjà) en lisant la BD des Stryges.
À la limite du remake, les mélodies de Lenka ont la même allure sautillante, même si le pas sonne un peu moins subtil.
Et puisque le prochain album de dame Spektor se fait attendre, alors on se console dans les bras de Lenka à qui l'on pardonne (pour cette fois) de plagier Regina ou Emiliana.


Pour celles et ceux qui aiment les voix d'ailleurs.

Miousik : Imany

La relève de Tracy Chapman.

BMR & MAM, deux baobab-coolAssurément ‘LA’ découverte musikale de l'année.
D'une part parce que c'est excellent bien sûr, et d'autre part parce que de l'album de la dame (The shape of a broken heart), il n'y a pratiquement rien à jeter et on peut tout écouter, c'est assez rare pour être souligné.
Nadia Mladjao, alias Imany, est une française d'origine comorienne. Après avoir été longtemps mannequin aux US, notamment pour Calvin Klein, elle a décidé de marcher sans plus croiser les jambes, et plutôt dans les pas de Tracy Chapman.
Mais avec sa propre griffe, un peu plus jazzy, un peu moins folk, un peu moins triste aussi.
Après quelques années difficiles, ce sera finalement la scène parisienne qui lui offrira le succès que mérite sa très belle voix, chaude et profonde, plus ronde que celle de Tracy Chapman.
On aime beaucoup ses chansons (toutes, on l'a dit) qui renouvèlent un peu le genre qu'avait lancé Miss Chapman, mais on a un petit faible pour la douceur de Slow down et surtout de Seat with me :

And I see you smiling in my dreams
After I cry myself to sleep
And all it's left in memories
Of the your warm
And I miss you and I'm afraid
And all the seasons are the same,
I don't remember what you said
At the last time.

http://carnot69.free.fr/images/coeurbrise.gifEt allez, encore un petit coup de cœur (brisé) pour les paroles de Broken heart :

Africa, has the shape of a broken heart
And the heart of a broken land,
Fell from heaven
Straight to hell,
And now your children are missing
Now I understand
Who I am, who I am, who I am ...
Now tell me how, tell me how,
I can accept the things
The things that I can't change

Et puis aussi (oui, on aime tout, on l'a dit !) ne manquez pas non plus les paroles de la dernière chanson de l'album, Take care, chantées à moitié en anglais et à moitié en swahili comorien avec un joli c(h)oeur :

Take care of the one you love,
Take care of the one you need,
Take care of the one who needs you most,
Take care of the one you love.

À méditer !
Imany cela veut dire espoir ou foi en swahili, alors on y croit et on espère bientôt un nouvel album aussi bien tourné que celui-ci.


Pour celles et ceux qui aiment toujours les voix chaleureuses.

Miousik : Tina Tindle

Que le grand cric me croque tout cru.

Notre musithèque, victime de la pensée de l'oreille unique qui veut trop souvent que la langue de Shakespeare soit la référence miousikale universelle, a toujours fait la part trop belle aux chanteuses anglophones. Alors quand Pauline de Lassus, alias Mina Tindle, sort une petite perle franco-française, on jubile.
Une belle leçon pétillante pour tous ceux qui comme nous, croient encore que depuis après le grand Serge, la langue française rime bien souvent avec gnan gnan ...

Une vie à deux s’emboitant mieux
Rêver les mots de soi(e), de moi au dessus de ça en nage,
Je frise les fous, j'engage,
Je donne la fièvre au vieux singe en cage qui me suit des yeux
Deux corps en grève oubliant mieux
Tout est à l'eau, à l’envers, l’envie d’eux des bonbons
De grâce timide, oublie passé l’âge
Je donne ma langue au vieux sage en place, fi de mes vœux,
Et toi, tu n’en dors plus, tu t'es battu
Soldat maladroit tu m'en diras tant de trêves, tant de crues, tant de manque de cran,
Reste ou mens ...
Une vie à deux, bien sûr le feu,
Vagabondant à trouver mieux mon cœur autrefois, en fait viens vite avant qu'il ne s'arrête
Je crains d'en faire une affaire de dette,
Je crains d'en faire une affaire, fi de mes vœux,
Et toi, tu n’en dors plus, tu t'es battu
Soldat maladroit tu m'en diras tant de trêves, tant de crues, tant de manque de cran,
Tant de rêves grands où se lève le vent
Reste ou mens, reste et mens, reste aimant, ...

http://carnot69.free.fr/images/coeur.gifQuand la langue se fait aussi instrument de musique ...
À écouter soigneusement, alors même que toute tentative de transcription écrite est ici nécessaire trahison.
Chose curieuse, tout l'album de Mina Tindle est anglophone sauf cette chanson-ci, Pan, celle qui nous a accroché !


Pour celles et ceux qui aiment les textes des chansons.

Bouquin : Tusitala

Les îles aux trésors.

Un bouquin sur R.L. Stevenson, voilà qui avait de quoi nous attirer.
http://carnot69.free.fr/images/chinois.gifUn bouquin écrit par un japonais, Nakajima Atsushi, voilà qui avait de quoi nous appâter. Alors évidemment, si c'est le japonais qui se met à évoquer Stevenson ...
La mort de Tusitala, raconte les dernières années de R.L. Stevenson dans les îles Samoa (façon Brel ou Gauguin), fuyant pour raisons de santé, l'air vicié de sa Grande-Bretagne natale.
Tusitala était le nom local de R.L. Stevenson et à quarante ans, RLS se considérait déjà comme très vieux :

[...] si l'âge, d'une certain façon, se calcule d'après la distance plus ou moins courte qui nous sépare de la mort.

Nakajima Atsushi brosse un très beau portrait (à peine imaginaire) de l'écossais qui avait l'âge d'être son père et qui l'était sans doute au plan littéraire. La prose du japonais est étonnamment moderne (belle traduction sans aucun doute) et l'on se surprend à plusieurs reprises à déchiffrer les dates : oui, Atsushi est né en 1909 et son bouquin date de sa dernière année : 1942. Surprenant.

[...] Cet homme, très malade des poumons, mais d'un tempérament volontaire, insupportablement prétentieux, poseur et vaniteux, qui se faisait passer pour un artiste sans en avoir le talent et abusait de ses faibles forces pour produire à tour de bras des œuvrettes insignifiantes mais joliment faites, essuyait dans la vie réelle de constantes railleries, à cause de cette préciosité puérile, subissait sans cesse chez lui la domination d'une épouse plus âgée et, pour finir, mourait misérablement, au fin fond des mers du Sud, en regrettant jusqu'aux larmes le Nord et son pays natal.

Ce court roman en forme de fausse-vraie biographie alterne les vraies-fausses lettres de RLS et le récit de Atsushi qui partage de nombreux points communs avec son 'modèle' : le japonais vécut lui aussi dans les îles du Pacifique (les îles Palaos, du temps de la conquête nipponne) et lui aussi malade des poumons, se savait condamné (pleurésie, asthme, ... il mourut très jeune d'une pneumonie). Pour ces deux là, l'écriture était la seule façon d'échapper à leur destin et ce petit bouquin est donc un hymne joyeux à l'écriture (et à la lecture) :

[...] Mais d'un autre côté, la joie mystérieuse, devenue comme une seconde nature, d'aligner les lettres sur le papier [...] voilà qui n'est pas près de se laisser oublier.

Dédié aux amoureux des livres.


Pour celles et ceux qui aiment les écrivains.
C'est Anacharsis qui édite ces 170 pages traduites du japonais par Véronique Perrin et qui datent de 1942 en VO.