Cinoche : Margin call

Les jeux sont faits, rien ne va plus.

Évidemment la crise (pardon : LA Crise) nous devait bien quelques films, après tout c'est la moindre des choses.
Alors voici le premier, le premier film de JC. Chandor.
Et Margin Call est une réussite.
Évidemment on est ravi, ravi, ravi de retrouver ici Keyser Söze.
Jeremy Irons est également parfait, parfait, parfait en presque homonyme du patron de feu Lehman Brothers.
En fait tout le film tient à cette pléiade d'acteurs. C'est plus ces gens-là qui intéressent JC. Chandor que les mécanismes abscons du monopoly. Et nous aussi.
D'ailleurs il semble que rares sont les cadres de la Company qui comprennent quelque chose à ces savantes mécaniques : mais s'il permet d'acheter à bas prix et de revendre plus cher, c'est que le modèle mathématique est certainement très bon.
Au bas de l'organigramme, quelques hommes brillants, habitués à jongler avec les chiffres, qui auraient pu construire des fusées ou des ponts mais qui attirés par l'argent, ont utilisé leurs cerveaux pour bâtir des algorithmes financiers et des châteaux en Grèce et en Espagne.
Économies réelle et virtuelle, on a compris. Dans le film de JC. Chandor ce clivage affecte même les gens : d'un côté il y a les personnages de son film, les employés de la Company. De l'autre les gens réels. Chacun se croise sans se voir, littéralement, comme la femme de ménage dans l'ascenseur.
À la sortie de la séance, on n'a pas compris beaucoup plus de choses à la crise qui n'a pas fini de ravager notre siècle, pas plus que nos grands parents n'avaient compris grand chose aux guerres qui ont ravagé le leur. Margin call est un film, pas un documentaire. Mais une chose est sûre : si le XX° siècle fut un siècle de chaos guerriers, le XXI° sera celui des chaos financiers.
Le film commence un peu comme Company Men : on prend son carton, les photos de son bureau et bye, bye la Compagnie. Mais Margin call est un film astucieux qui prend le contre-pied de ce à quoi on pouvait s'attendre : un thriller touffu, dense, survolté où les ordinateurs surchauffent, où les traders s'affolent et où les salles de marché s'agitent ... http://carnot69.free.fr/images/margin call 2.jpg
Non : ici tout se passe la nuit, une longue nuit calme et silencieuse, avec quelques personnages hagards et fatigués, des bureaux déserts, des toilettes, des couloirs et des ascenseurs, quelques ordinateurs aux écrans bleutés et figés, ... la douce musique de la croissance et du crédit s'est arrêtée et chacun comprend que la fête est finie.
Un autre aspect intéressant de cette petite tranche de vie au bureau est la place accordée à la hiérarchie : lorsque l'alerte est donnée (le modèle mathématique s'effondre, des fissures sont apparues depuis une semaine, le pont en Grèce et le château en Espagne vont s'écrouler), il faut peu à peu remonter l'organigramme, d'échelon en échelon, escalader comme on dit. À chaque étage, un petit patron, mieux payé que vous en dessous, et qui va vous virer le moment venu, faire tomber votre tête pour sauver la sienne, mais vous l'admirez et le suivez  aveuglément parce qu'il brille plus que vous. À chaque étage, le patron est de moins en moins petit et de plus en plus mieux payé, mais il y a toujours un étage au-dessus. Même au-delà du dernier étage de la tour il y a toujours quelque chose qui plane au-dessus des têtes.
En fonction de l'intensité de la crise, il faut simplement trouver le bon ampérage du fusible à remplacer en espérant faire repartir la petite musique. Vous êtes très bon, vraiment, nous vous remercions pour vos bons et loyaux services, honnêtement, rien de personnel là-dedans, sincèrement, mais vous comprenez bien n'est-ce pas, et nous vous remercions, simplement. Rien à voir avec la vraie vie des bureaux, non bien sûr, c'est du cinéma.
Un cinéma où chacun est seul, absolument et inéluctablement seul : pas d'amis, pas d'épouses, ...
Un cinéma où chacun est accro au fric et aux bonus, ne sachant même pas trop ce qu'il en fait mais ne pouvant évidemment plus s'en passer.
Dans cette affaire, Kevin Spacey aura perdu ses dernières illusions et son chien : quand il enterre tout cela dans son jardin, les bruits de sa pelle résonnent longtemps pendant que défile le générique de fin et que les spectateurs quittent  lentement leur siège et la salle. Tant que c'était du cinéma, ça allait hein ? mais bon, en plus c'est pour de vrai ...
Ce soir, ne manquez pas ce film salutaire et demain au bureau, n'oubliez pas de dire bonjour à la femme de ménage dans l'ascenseur.


Pour celles et ceux qui aiment les jeux d'argent.

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