Bouquin : Le sang et la poussière

Portrait de ville en noir et blanc.

On avait connu Malla Nunn grâce à son premier roman, Justice dans un paysage de rêve, que nous avaient proposé Babelio et les éditions des Deux terres.
Comme on avait bien aimé ce premier épisode, nous voici avec la seconde enquête de l’inspecteur Cooper en Afrique du Sud : Le sang et la poussière.
Avec une ambiance bien différente du précédent voyage (ou bien nos yeux ont changé) : fini le veldt, on quitte la brousse pour la jungle des villes et nous voici à Durban.
Et comme dans tout bon polar, c’est encore la découverte d’un cadavre qui lance le récit : celui d’un jeune garçon. Un blanc. Trucidé dans les bas-fonds de Durban.
Et Cooper aura de nouveau la redoutée Security Branch aux trousses puisque … c’est carrément lui qui est rapidement accusé du meurtre.
Un polar très américain de par son intrigue qui nous plonge dans le ‘milieu’ de Durban : club de boxe, blonde fatale, parrains noir ou blanc, tout y est, jusque même des espions russes.
Mais comme avec le précédent bouquin, ce qui retient l’attention c’est bien la description de cette Afrique du Sud des année cinquante, une nation qui ne connaissait pas encore l’arc-en-ciel et qui avait pris le relais des théories raciales nazies.
Avec ce deuxième tome, Malla Nunn explore à nouveau la condition des métis (l’inspecteur Cooper en fait partie, tout comme l’auteure elle-même) et l’on est surpris, par exemple, par un Durban peuplé de mauriciens.
On peut d’ailleurs tout à fait reprendre une citation du précédent bouquin :

[...] D'après les nouvelles lois raciales, tout était blanc ou noir. Le gris avait cessé d'exister.
Et les métis n’ont qu’une alternative : tomber d’un côté ou de l’autre, noir ou blanc, tout dépend de ce que vous arrivez à faire inscrire sur vos papiers d’identité. Certains sont donc prêts à tout, y compris à risquer leur peau, au sens littéral, quitte à se brûler le visage à force de crèmes éclaircissantes.
Le pays et l'époque sont tels qu'en Afrique du Sud, dans les années cinquante, même les blancs se déchiraient entre eux (on parle ci-après du commandant Van Niekerk dont Cooper est le protégé)(1) :
[…] Il était nouveau en ville et hollandais - un mélange potentiellement fatal. Des décennies de guerre pour contrôler les diamants et la terre avaient entretenu la méfiance entre les deux communautés blanches. Les Afrikaners croyaient être la tribu blanche d’Afrique, née, nourrie et élevée sur le veldt. Pour eux, les Britanniques étaient des intrus récemment arrivés, intéressés avant tout par le profit et le pouvoir. Et les Britanniques étaient convaincus que les Boers n’avaient ni l’intelligence ni le dynamisme nécessaires pour diriger l’Afrique du Sud.
Van Niekerk étaient le fils d’un riche hollandais et d’une anglaise avec plus de sang noble dans les veines que la police de Durban tout entière. Cela ne faisait aucune différence. Son nom afrikaner le classait comme inférieur.
Il y a donc pas mal de choses de pourries au royaume de Durban.
Pour être franc, on aura quand même préféré le souffle sauvage du premier volume à cette plongée trouble dans les bas-fonds de Durban.
Les deux bouquins sont désormais disponibles en poche.

(1) - un commandant Van Niekerk qui au fil des enquêtes de Malla Nunn, apparait un peu comme le reflet africain du colonel thaïlandais Vikorn mis en scène par John Burdett à Bangkok : mystérieux, omnipotent, trouble, … et qui souffle tantôt l’espoir tantôt la crainte sur son protégé (Cooper ici, Sonchaï à Bangkok)


Pour celles et ceux qui aiment les portraits en noir et blanc.
D’autres avis sur Babelio. Pat en parle également.

Miousik : Woodkid

Yoann the kid.

Assurément le bonhomme sait gérer buzz et médias.
Faut dire qu’en tant que réalisateur de clips vidéos pour les plus grands (Lana del Rey pour n’en citer qu’une) il aura été à bonne école.
Il ne lui aura fallu que quelques semaines en ce début d’année 2013, pour devenir la coqueluche de la plupart des médias(1) après avoir savamment orchestré la sortie de son album.
Voilà presque de quoi nous faire fuir …
Mais cela aurait été une erreur que de passer à côté des quelques belles chansons de Yoann Lemoine, alias Woodkid, lyonnais de naissance.
On aime bien la douceur nonchalante de ses précédentes petites ballades folk, au ton et au phrasé très anglo-saxons, comme Woodkid Brooklyn (notre préférée) ou encore Wasteland ou Baltimore’s Fireflies, titres qu’il faut aller chercher loin sur le ouèbe … alors on vous les livre ici (cliquez sur les titres).
De son dernier album, moins intimiste, un peu trop ample et symphonique à notre goût (prétentieux ?), on retiendra plutôt I love you que vous retrouverez ici sur notre playliste.

(1) - la plupart l’encensent, les autres le traitent d’imposteur : mais tous en parlent, alors nous aussi !


Pour celles et ceux qui aiment les success stories.
Hop-blog en parle, les médias vous trouverez tout seuls !

Miousik : Bic Runga


D’un port à l’autre …

Spécial exotisme lointain.
Voici une reprise de Ne me quitte pas, oui, la chanson de Brel, celui du port d’Amsterdam, reprise à l’autre bout du monde, littéralement, par Briolette Kah Bic Runga, une néo-zed de Christchurch.
Ce lointain et délicieux accent est tout plein de charme …
Le charme né d’une maman chinoise de Malaisie, et d’un papa maori de NZ.
Le charme d’un prénom chinois, Bic , qui évoque la couleur du jade (sans doute une pierre taillée en briolette pour qu'ainsi la dame scintille de mille feux) …
Voici notre playliste.
Les autres chansons de Bic Runga sont un peu trop formatées ‘variété’ à notre goût mais s’écoutent quand même sans déplaisir.
On vous en a sélectionné quelques unes sur la playliste dont une autre reprise : Belle, la chanson de Cécile Aubry (oui, la chanson du feuilleton  !) qui décidément nous poursuit de cd en cd [rappel] …

Pour celles et ceux qui aiment les reprises et les voix venues de très loin.

Bouquin : La tristesse du samouraï

La tristesse du samouraï ?
Non, il ne s’agit pas d’un énième polar japonais puisque l’auteur Victor del Arbol est espagnol !
Et qu’il est réputé comme l’un des grands auteurs du genre en Ibérie.
Son roman déroule près de cinquante ans de l’Histoire espagnole (si mouvementée) de ces dernières années.
Depuis le franquisme des années 40 jusqu’à la tentative de coup d’état du début des années 80.
Un titre japonisant, une belle renommée, un polar étranger, une histoire avec de l’Histoire dedans, … il n’en fallait pas plus pour nous décider, on le sait bien !
Alors, après Domingo Villar et sa Plage des noyés, c’est parti pour un autre polar espagnol,  c’est parti pour près de cinquante ans et cinq cent pages. Une histoire où souffle donc le vent de l’Histoire et où les personnages sont emportés par ce tourbillon.
Trois générations ballotées par des évènements qui les dépassent et les amènent à commettre des actes irréparables. Des actes qui appellent la vengeance, même si ce sont les enfants ou les petits-enfants qui devront s’en charger.
Car c’est pas une histoire bien gaie (pas plus que l’Histoire espagnole de cette époque) : couples infidèles, enfants abandonnés, séquestrations et tortures, maladies incurables, et autres joyeusetés.
[…] Elle eut du mal à se rappeler l’emplacement de la pierre tombale de sa mère. Si étrange que cela puisse paraître, Maria n’avait jamais cherché à savoir pourquoi un beau matin sa mère avait décidé de se pendre à une poutre, alors qu’elle, sa fille, avait à peine six ans.
C’est à force d’aller-retour entre les époques que l’on devine peu à peu qui sont les vraies victimes et les vrais bourreaux et qui le passé va finalement rattraper.
[…] Un beau jour, cette bulle avait crevé. Sa femme avait trouvé la valise caché dans le bûcher, les lettres et les coupures de journaux. Et le passé, ce passé qu’il croyait oublié à jamais, était brutalement revenu, assoiffé, et il s’était vengé.
Tout cela se lit avec intérêt, principalement pour le décor historique.
Mais l’intrigue elle-même est un peu too much et Victor del Arbol est victime de son ambition : à trop vouloir se faire entrecroiser les destins tourmentés de ses nombreux personnages, il finit par nous lasser en chemin à force de trop d’artifices, comme par exemple cette rencontre des deux phalangistes envoyés en pénitence sur le front russe.
MAM a trouvé tout cela vraiment un peu trop.
BMR a eu un peu plus de patience pour venir à bout du pavé et un peu plus d’indulgence pour ce roman où il faut être curieux de l’Histoire pour apprécier l’histoire.

C’est Actes sud qui publient ces 475 pages qui datent de 2011 en VO et qui sont traduites de l’espagnol par Claude Bleton.
D’autres avis plus positifs sur Babelio.

Bouquin : Le meilleur des jours

Photo de famille iranienne.

Sympathique portrait que celui de Behrouz (Le meilleur des jours en VO) signé par sa fille Yassaman Montazami.
Portrait d’une famille iranienne. Des intellectuels iraniens venus en France dans les années 60 et qui verront donc depuis leur appartement parisien, défiler l’histoire récente de leur pays … ce qui n’est pas sans intérêt pour nous.

L’hospitalité n’était pas la moindre manifestation de la générosité de mon père. Aussi, avant comme après la Révolution islamique, notre appartement resta-t-il longtemps un point de passage pour des dizaines d’exilés politiques.
Si certains avaient quitté l’Iran légalement, la grande majorité d’entre eux avaient enduré la rudesse et bravé les dangers d’un voyage clandestin à dos de mulet à travers les montagnes  du Kurdistan et de la Turquie. Une fois requinqués par la cuisine de ma mère et les rasades de vodka  que leur servait mon père,  ils se mettaient à nous narrer toutes les péripéties de leur terrible odyssée.
J’adorais les écouter. Il m’arrivait de veiller  auprès d’eux jusqu’au milieu de la nuit […]
À force d’entendre  toutes ces histoires,  il m’était apparu qu’un  vrai Iranien  était nécessairement un fugitif. Aussi m’arrivait-il quelquefois de regretter que nous nous soyons installés en France avant la révolution.

La recette est un peu facile certes : un peu d’humour, une pincée d’amour filial, un zeste de contexte historico-culturel, remuez avec une écriture simple mais fluide (la dame écrit en français) et laissez vos lecteurs déguster.
Certains trouveront peut-être que ce n’est pas assez épicé.
Mais le plat est vite fini (à peine plus de cent pages) et l’on est ravi de cette petite balade en compagnie de ces iraniens que l’on connait si mal, alors qu’on a longtemps hébergé Khomeiny, que c’est en France que le chah rencontra la chahbanou et que les enfants des quartiers chics de Téhéran étaient jadis élevés en français.
Et puis ce sympathique bouquin est plus subtil qu’il ne le parait de prime abord : au-delà du portrait un peu distant de ces père et mère (mais peut-être ces intellectuels étaient-ils eux-mêmes un peu distants ?) et des savoureux personnages qui gravitent autour, c’est finalement, comme en ombre portée, le portrait de l’auteure elle-même que l’on devine.
Une petit livre pour prolonger le film d’Asghar Farhadi par exemple.


Pour celles et ceux qui aiment les portraits de famille.
D’autres avis sur Babelio.

Cinoche : Song for Marion

Sortez vos mouchoirs.

Ce film a tout, vraiment tout ce qu’il faut pour faire fuir.
Une histoire de vieux.
Une histoire de vieux qui sont malades avec bonnet post-chimio, minerve et déambulateur.
Une histoire de vieux qui chantent et tentent un remake de Full Monty.
Une histoire cousue de fil blanc, un mélo qui fait vibrer toutes les cordes sensibles pour vous tirer une larme.
Bref, le type même du film à fuir.
Sauf que Song for Marion est sans doute le mélo de l’année et qu’il ne faut pas le manquer !
D’abord parce qu’il n’y a que les cinéastes anglais (ici : P.A. Williams), tous fils spirituels de papy Ken Loach, pour arriver à dresser de tels portraits de gens ordinaires. ORDINAIRES.
Ensuite, parce qu’il y est question de chant, de chansons, de chorale, et que ça c’est toujours très beau.
Enfin, parce qu’il y a ces acteurs.
Il y a Vanessa Redgrave qui est excellente dans un personnage facile qui suscite d’emblée l’empathie. Mais elle est très fine et arrive à donner une autre dimension à ce rôle convenu.
Et puis il y a Terence Stamp qui est excellemment excellent en vieux bougon, pas facile à dérider, vraiment pas facile à dérider. On pense parfois au Clint Eastwood de Gran torino.
Et oui : c’est bien lui qui chante pour de vrai [lien ici] tout comme Vanessa Redgrave d’ailleurs.
Et puis, cerise sur le gâteau, il y a Gemma Arterton (rappelez-vous Tamara Drewe) qui est excellemment excellente d’excellence. Elle illumine et sa chorale de petits vieux, et le film et les spectateurs. Quelle simplicité (apparente) et quel sourire.
Alors oui, pour ce mélo, pour cette histoire de gens ordinaires, pour cette chorale et pour ces acteurs, ce sera un coup de cœur.
Ne manquez pas ce rayon de soleil en ce printemps pluvieux.

En attendant le film, on peut écouter Terence Stamp chanter Lullaby

Goodnight my angel,
now it's time to sleep
And still so many things I want to say
Remember all the songs you sang for me

 

et Vanessa Redgrave chanter True coulours

I see your true colors
And that's why I love you
So don't be afraid to let them show
Your true colors
Your true colors
Are beautiful like a rainbow

deux très beaux textes qui prendront tout leur sens avec le film.


Pour celles et ceux qui aiment les chorales.
Critikat en parle.

Cinoche : Le passé

De l’incommunicabilité entre les êtres.

Nombreux furent les spectateurs qui en 2009 avaient raté le premier film d’Asghar Farhadi : À propos d’Elly, et nous l’avions attrapé de justesse.
En 2011, tout le public s’était retrouvé pour le second : Une séparation, tout le monde sauf Cannes et son festival (le film était sorti en juin).
Alors aujourd’hui la Croisette redouble d’efforts pour se rattraper et encense à l’envi le troisième film de l’iranien Asghar Farhadi : Le passé, promis à un bel avenir de palmipède.
Tant mieux bien sûr pour le film et pour les spectateurs dont cette fois-ci aucun ne pourra rater la projection, mais pour BMR & MAM, les possibles palmes seraient plutôt à décerner à Asghar Farhadi “pour l’ensemble de son œuvre” comme on dit, car son dernier film est certainement le moins bon des trois.
Outre les jeux de portes, vitrées ou pleines, ouvertes ou fermées, on retrouve ici comme dans Une séparation plusieurs thèmes de prédilection de l’iranien, à commencer par celui des enfants écartelés au milieu des déchirements des couples.
Mais cette fois-ci le jeu autour des enfants (il y en a même plusieurs de lits différents) se fait franchement pesant, démonstratif et appuyé, façon : la meilleure façon d’éduquer les gosses de divorcés(1) ...
L’autre thème récurrent d’Asghar Farhadi est celui de l’incommunicabilité. Il est ici dramatisé sans compter, depuis la première scène où le couple tente de se parler à travers les vitres de l’aéroport jusqu’à la scène finale qu’on vous laisse découvrir : une scène finale plutôt bien vue (sans jeu de mots : le spectateur voit ce que l’acteur ne sait pas voir …) où un autre couple n’arrive pas à communiquer, mais malheureusement une scène pesamment alourdie par ce qui précède.
Tout au long de son film Asghar Farhadi en fait trop, à l’image de cette accumulation sordide de désespoirs sur ces iraniens et de cette bicoque bric-à-brac dans la banlieue sous la pluie.
Dans Une séparation c’étaient les mensonges accumulés qui peu à peu, emportaient tout le monde dans une spirale infernale. Avec Le passé ce sont plutôt les vérités qui, péniblement mises à jour une à une, entraînent Marie (Bérénice Bejo(2)) et ses hommes et ses enfants et ses spectateurs dans un puits de misérabilisme sans fond.
Paradoxalement, plus le film avance, plus les révélations renversent les rôles, et plus on ressent la pesanteur de la démonstration.
Alors oui, on est sans doute un peu trop critiques et à coup sûr trop caustiques : Asghar Farhadi est un réalisateur qui sait filmer et tout cela reste du très bon cinéma. Mais on regrette franchement le montage nettement plus subtil de ses premiers scénarios.
Comme l’amie Véro qui a bien aimé, faites-vous donc votre propre idée de cette mise en scène de l’incommunicabilité avec son cortège d’omissions et de mensonges, de vérités ou de demi-vérités pas toujours bonnes à dire, … Un film bien pessimiste, qui finit comme il commence : le message ne passe pas …

(1) - les jeux de chambres et de literie n’apportent pas grand chose au scénario … ou alors c’est pour varier des jeux de portes ?
(2) - très belle BB qui fait des efforts méritoires pour faire oublier son naturel glamour et chic dans Sevran-la-banlieue-sous-la-pluie mais qui donne une envie furieuse de lui botter le cul pour la sommer, là, maintenant, tout de suite, de choisir enfin et une bonne fois pour toutes entre ses trop nombreux maris


Pour celles et ceux qui aiment les histoires de couple(s) qui finissent mal en général.
Cluny est plus bienveillant. Critikat en parle aussi.

Miousik : Ana Moura

Du nouveau dans le fado …

Le fado c’est beau, mais le fado c’est triste.
Alors on doit remercier Telerama de nous avoir fait écouter la portugaise Ana Moura qui a su marier habilement la pop à son fado natal.
Le doux mélange qui sort du cd s’écoute plus agréablement et plus facilement.
On aime très beaucoup des versions anglophones comme A case of you et surtout Thank you.
Mais les amateurs de fado plus classique ne seront pas déçus par des morceaux comme Desfado.

Playlistes ici ou .

BD : Carthago volume 3

Les dents de la mer.

Le volume 3 (longtemps attendu - voir le billet précédent ici) de Carthago est enfin paru.
Christophe Bec est toujours aux commandes du scénario mais le dessinateur est désormais Milan Jovanovic et il faut dire qu’on regrette un peu le trait plus vif des albums précédents que l’on devait à Eric Henninot.
L’histoire est toujours aussi passionnante avec cette accumulation de phénomènes étranges qui surgissent des fonds marins et ces terribles mégalodons, qui sont un peu aux requins ce que le tyrannosaure est au crocodile.
Entre claustrophobie des profondeurs et peur des dents de la mer …
Au fil des albums (c’est le principe de ces séries) les mystères continuent de surgir des fosses océaniques mais Christophe Bec ratisse quand même un peu large avec son chalut : forages pas écolos, requins et mégalodons, ancienne civilisation façon atlantide et même yéti sont de la partie !
Et Lou, la fille de l’héroïne Kim, qui avec ses branchies nage comme un poisson dans l’eau et murmure à l’oreille des requins, ressemble beaucoup (trop ?) à Lynn, la fille de Kim (tiens ? aussi !) du brésilien Leo et sa série Aldébaran.
On espère que cet épisode 3 un peu décevant est à prendre comme transition et que Carthago rebondira sur la prochaine vague …

Une planche de ce nouvel épisode : ici, et les premières pages à feuilleter ici.


Pour celles et ceux qui aiment les requins.

Bouquin : La couleur de la peau

Direction le Chili en classe polar.

Un polar chilien ! Belle occasion de compléter le tour du monde en classe polar …
D’autant que l’affiche nous promet un détective privé (Heredia) amateur de littérature et un chat nommé Simenon. Un chat qui parle en plus.
Le voyage est effectivement très sympa et l’auteur, Ramón Díaz-Eterovic, sait nous plonger dans l’ambiance des quartiers de Santiago.
L’auteur est annoncé comme le Maigret chilien (d’où le chat Simenon) mais on pense plutôt à Montalban, un autre hispanique.
Un polar bien sympathique dans les pas d’un privé cool et pas prise de tête.

[…] – Les liquides sont mes seuls vices, tu le sais bien.
– Et aussi les courses de chevaux.
– Ça, c’est plutôt du sport.
– Et les femmes.
– Des clins d’œil du destin.
– Sans oublier les citations pêchées dans vos bouquins.
– Un moyen de m’expliquer la vie.
– Si je ne vous connaissais pas aussi bien, je dirais que vous êtes un saint.

Et les dialogues imaginaires avec le chat sont assez savoureux et fournissent un second degré plein d’autodérision.

[…] Ce sont les miaulements de Simenon qui m’ont réveillé. Allongé sur mon oreiller, tout près de ma tête, le chat attendait que mon corps fatigué par une nuit blanche revienne à la vie par ses propres moyens. Il a gentiment passé sa patte sur mes cheveux. Le soleil maussade de l’après-midi entrait par la fenêtre et j’ai senti dans mon estomac un furieux besoin de café et de tartines.
– Tu as vu l’heure ? La Péruvienne t’a ramolli le cerveau. Qu’est-ce que tu espères ?
– Rien. Je n’espère rien. J’étais seul et elle est arrivée en rêvant d’être ailleurs. C’était juste un petit moment de tendresse, une autre manière de passer le cap de la nuit.
– Ta naïveté est touchante. Hier, deux hommes sont venus pendant ton absence, je les ai entendus marmonner devant l’entrée. Ils ont glissé des lettres sous la porte. Tu as dû perdre deux clients.
– Les notes que j’ai trouvées ce matin le confirment. Il y avait aussi quelques grossièretés mais je ne les répèterai pas pour ne pas blesser tes oreilles, fouille merde de chat.
– Que penses-tu faire ?
– J’ai gagné assez d’argent aux courses pour payer mes vices et les tiens.
– Je faisais allusion au Péruvien et non pas à tes maigres revenus.

Mais le bouquin s’appelle La couleur de la peau et l’histoire est donc bien moins sympathique : une plongée dans un Santiago où les immigrés péruviens n’ont rien à envier à nos africains … et où le racisme des chiliens peut rivaliser avec le notre.

[…] En revenant vers mon bureau je me suis arrêté devant un mur sur lequel quelqu’un avait écrit : “Dehors, les Péruviens.”
J’avais déjà lu ce genre de graffiti, ils accusaient les Péruviens de faire entrer la tuberculose au Chili, d’augmenter la délinquance ou de priver les Chiliens de leur travail.
Certains étaient anonymes, d’autres signés par des groupes néonazis qui exprimaient tous les jours leur nationalisme odieux sur les murs du quartier dans l’indifférence générale.
Rien de nouveau sinon la stupidité vieille comme le monde de croire qu’un nom, la grosseur d’un porte feuille ou la race fait de vous un être supérieur.

C’est Le Monde des livres qui nous avait fait la promo du billet d‘avion pour le Chili et Jean-Marc en parle aussi.
Et il existe d’autres enquêtes du privé Heredia comme Le deuxième vœu.

(1) - lors de notre voyage en Bolivie avec une incursion en territoire chilien on avait pu nous même, constater que les boliviens qui nous accompagnaient n’étaient pas les bienvenus au Chili


Pour celles et ceux qui aiment les chats.
D’autres avis et d‘autres bouquins du même auteur sur Babelio.

Miousik : Basia Bulat

Folk from north america

Un beau folk que celui de Basia Bulat, une canadienne d’origine polonaise.
On craque absolument pour le violon, le banjo et le swing de la mélodie bien balancée de Heart of my own

The light in your verse
And the shadow between
The way that I was when I used to roam

On aime bien aussi la douceur veloutée de la ballade  Sugar and spicy, ou encore le rythme entrainant de la chevauchée Run.
Tout cela laisse la part belle à la voix de la jeune Basia Bulat (qui n’a que 29 ans !).

Playliste ici ou .

Cinoche : Une vie simple


Quand le chef en cuisine pose ses baguettes …

Gros coup de cœur pour ce petit film tout simple : Une vie simple, de Ann Hui, une cinéaste de Hong Kong.
Un film tout public, sans chinoiseries, donc facilement accessible, même à ceux qui ne sont pas férus de cinéma asiatique.
Même si ça se passe à Hong-Kong et que l’on peut y découvrir la vie quotidienne de cette lointaine cité.
Une histoire toute simple et universelle :  la vieille Ah Tao est au service de la famille Lee depuis 60 ans. Elle a vue vieillir ou grandir quatre générations et espère bien voir naître la cinquième. Au fil des ans, elle a nourri tout son petit monde.
Et puis au fil des ans, tout ce petit monde est parti émigrer aux US (ils ont tous des prénoms occidentaux : Roger, Sharon, … !) et il ne reste plus que Roger à Hong-Kong.
Puis soudain tout bascule : la vieille Ah Tao est malade (infarctus, …). Elle doit rejoindre une maison de retraite médicalisée.
Roger se retrouve seul et doit apprendre le mode d’emploi de la machine à laver.
Pendant quelques minutes on croit sombrer dans le misérabilisme social(2) mais c’est sans compter sur le talent de la cinéaste.
Car Roger est à la fois seul et reconnaissant envers sa Mamie Ah Tao qui l’a quasiment élevé : il va donc régulièrement lui rendre visite.
Une histoire vraiment toute simple.
Mais vraiment un très très beau film, plein d’émotion et de tendresse où l’on attend avec impatience les scènes où l’on retrouve ces deux beaux personnages (et ces deux excellents acteurs, apparemment célèbres à Hong Kong). Leur duo est tout simplement magnifique. On les voit s’éloigner sur le trottoir, quasiment bras dessus bras dessous, tel un joli couple(1).
Beaucoup de non-dits entre eux deux mais des sentiments qui crèvent l’écran au détour d’un regard sous la très belle caméra d’Ann Hui.
Comme il se doit en Chine, beaucoup de choses tournent autour de la nourriture : la vieille Ah Tao faisait la cuisine pour toute la famille et ces dernières années pour le seul Roger. De toute évidence, quand on parle cuisine et nourriture en Chine, on offre quelque chose, quelque chose de soi.
Le plan fixe sur la poêlée de langue de bœuf restera dans nos annales : comment dire autant de choses en fixant ainsi sa caméra sur une casserole !
Ann Hui est une grande artiste et son histoire simple est servie par deux excellents acteurs : saluons au passage la prestation de Andy Lau(3) qui donne véritablement corps à cette histoire en “réponse” ou en miroir à sa mamie Ah Tao(4).
Vraiment, essayez de trouver un ciné ouvert avec Une vie simple encore au menu, pour savourer la cuisine pleine d’émotion d’Ann Hui.
(1) - évidemment aucun sous-entendu dans le film même si le jeune Roger ne semble avoir ni épouse ni même petite amie
(2) -  on vous laisse imaginer l’ambiance d’une maison de retraite surpeuplée de Hong-Kong pour vieilles gens peu valides et peu fortunées (mais on a la même chose ici évidemment)
(3) - le rôle de Ah Tao incarné par Deanie Ip est plus évident, plus facile et bénéficie d’emblée de notre empathie, mais bien sûr cela n’enlève rien au mérite de la dame d’ailleurs couronnée de lauriers
(4) - Deanie Ip serait (dans la vraie vie) la marraine de Andy Lau ! Andy Lau qui endosse le rôle de Roger Lee qui n’est autre que le producteur du film et dont l’histoire a inspiré le scénario !

Pour celles et ceux qui aiment les gens simples.
C’est Le Monde qui en parle le mieux avec Filmosphère.

Bouquin : Les talons hauts rapprochent les filles du ciel

Tout est dans le titre …

Oui tout est dans le titre : Les talons hauts rapprochent les filles du ciel.
Y’a des titres comme ça, tout plein de poésie, des titres qui font rêver.
D’autant que les blogs de ci de là promettaient un petit polar enlevé et plein d’humour.
Oui tout est dans le titre.
C’est à dire aussi que après le titre, ben y’a rien d’autre.(1)
Pouce baissé  Quel livre décevant ! Quelle écriture bâclée !
Un soi-disant polar dans le milieu branché (pardon : hype) des soirées parisiennes.
Le jeune homme deale de la coke pour se payer ses soirées hype et les jeunes filles hype qui vont avec, y’a pas de sot métier.
[…] Pour moi, c’était plutôt Carpe Noctem – profite de la nuit.
Justement, des jeunes femmes sont découvertes, plus trop vivantes, un peu charcutées(2).
Alors (là, tenez vous bien) le jeune dealer est sollicité par son ex, qui est fliquette, pour mener l’enquête. Ben voyons.
Fastoche, il drague la fille du suspect dans les soirées (hype, vous vous rappelez hein ?).
Bon, ben voilà, on a tout dit. Y’avait bien que le titre : tout est dans le titre.
Intrigue nullissime, ambiance hype mais sans aucun intérêt.
Quel dommage de voir ainsi gâché un aussi joli titre …
Et de plus, c’est plutôt mal écrit et l’humour promis n’est que trop rarement au rendez-vous.
[…] Bon, tu m’as dit que tu avais des ennuis, et c’est vrai que tu n’as pas l’air dans ton assiette. Qu’est-ce qu’il se passe ?
— C’est une histoire de drogue ? T’as les flics aux trousses ? Des trafiquants ? T’as pas honoré un deal ? renchérit Moussah avec sa belle voix de basse.
— T’as baisé la mauvaise fille ? T’es tombé sur une femme mariée ? Tu t’es embrouillé avec un videur ?
— Tu t’es chopé une MST ? Le virus maudit ?
Je secouai la tête devant toutes leurs hypothèses. À les entendre, c’était un miracle que je sois encore en vie avec tous les risques qui me pendaient au nez.
[…] Les videurs ici semblaient sortis d’une publicité Benetton : un asiatique, un black, un blanc, un beur.
Avec même de temps à autre un second degré qui confond autodérision et  autosatisfaction :
[…] Un dernier regard au Masque de l’année – qui lisait une littérature aussi facile, franchement ?
Nombreuses et nombreux furent celles et ceux qui s’étaient enthousiasmé(e)s sur ce premier roman. Hélas ce n’était pas le dernier et Olivier Gay a déjà commis une suite (au titre moins bien venu, fort heureusement). Mais maintenant on est prévenus.
(1) - bon d’habitude, on préfère donner envie et on n’aime pas trop dénigrer sur ce blog : quand on n’aime pas, on n’en parle pas : à chacun de se faire sa propre idée, souvent différente. Mais de temps en temps ça fait quand même du bien de dire du mal ! Et puis comme ça, allez, les coups de cœur prennent un peu plus de relief !
(2) - mais aucun effet gore dans le bouquin, Olivier Gay sait qu’il ne sait pas faire, et c’est heureux


Pour celles et ceux qui aiment les titres poèmes.
D’autres avis sur
Babelio
.

Bouquin : Filles

Les photos sur les briques de lait ...

Polar très noir sur fond blanc.
On avait fait la connaissance de l’américain Frederick Busch avec son deuxième polar traduit en français : Nord.
Aujourd’hui voici le précédent : Filles.
L’air jovial de F. Busch sur sa photo cache des bouquins très noirs. Très très noirs.
Dans l’épisode suivant (Nord, donc), le sombre héros Jack, le flic qui ne retrouve pas les enfants disparus, était tombé très très bas.
Dans l’épisode précédent (Filles, donc), il est à peine plus haut sur l’échelle de la désolation : son couple n’en finit pas de finir, tout comme l’hiver qui sévit cette année-là. Jack est désormais déchu en vigile de campus et seul son chien puant semble pouvoir le supporter (ou est-ce l’inverse ?).
Malgré quelques jeunes filles disparues, il est à peine question d’enquête policière (encore moins que dans Nord). Non.

[…] Je l’avais vu sur une brique de lait. Ils mettent les photos de gosses perdus, ou qui se sont enfuis, sur les cartons de lait et les gens ne les regardent jamais comme des photos de gens qu’ils risquent de voir.

Il s’agit tout simplement d’une descente aux enfers (enfin on est déjà tout en bas : Jack est déjà bien descendu) et F. Busch essaie de nous faire partager une souffrance.
L’indicible douleur de la perte d’une enfant (on peut se rappeler L. Tardieu dans un tout autre registre romanesque mais où l’on retrouve un peu la même destruction du couple).
Les disparitions d’enfant (vous avez compris que le couple Jack-Fanny a perdu sa petite fille également) viennent hanter l’esprit de Jack, un peu comme les disparitions hantent les cauchemars islandais d’Indridason.
Au fin fond de l’enfer et de l’hiver, il y a Jack et son mal de survivre. Entre deux murs de neige.

[…] - Ce serait comme vivre en hiver toute l’année. Je n’y crois pas.
- Alors, qu’est-ce qui va se passer selon toi ?
Mes lèvres endolories ne voulaient pas remuer.
- Ce qui se passe toujours. On a un hiver dur, terrible, et puis il se termine.
Quelqu’un, dans le rêve où Fanny et moi étions tristes, parlait sévèrement du printemps.

L’écriture est sèche et un peu hachée. MAM en fut un peu gênée. Peut-être est-ce un peu la traduction ou bien, qui sait, un autre moyen de nous atteindre et de nous faire partager la douleur.


Pour celles et ceux qui aiment les ambiances tristes et neigeuses.
Shangols, Yan et Le barbu en parlent et d’autres avis sur Babelio.