Cinoche : Prisoners

Cauchemars.

Ceux qui avaient eu la chance de voir le précédent film du québécois Denis Villeneuve (c’était début 2011 et c’était : Incendies) en ont sans doute garder un souvenir cuisant : déconseillé aux âmes sensibles, histoire épouvantable, images fortes à la violence contenue, etc.
Denis Villeneuve remet le couvert avec son Prisoners. Dans un registre très différent mais avec le même effet (ou presque) sur le spectateur.
Le Liban de Incendies était écrasé de lumière et de soleil mais les prisoners d’aujourd’hui pataugent dans une brouillasse sombre et humide de neige fondue aux environs de Boston. Et une certaine poisse colle aux basques et au passé des différents personnages dont pas un ne semble vraiment libéré.
La bande annonce a déjà planté le décor : le jour de Thanksgiving, deux fillettes (deux copines de deux familles voisines) sont enlevées. Sur les lieux on arrête rapidement un jeune un peu glauque, un peu simplet(1) qui rodait dans un vieux camping-car.
Faute de preuves et même d’indices, le vrai-faux suspect est relâché.
Le film ne fait que commencer. Joyeux Thanksgiving.
Le flic tenace (Jake Gyllenhaal, remarquable) persévère obstinément dans l’enquête, coûte que coûte et vaille que vaille.
Le père de l’une des gamines (Hugh Jackman) pète les plombs et entreprend lui-même de “faire parler” le simplet un peu glauque qui parait bien innocent. Qui paraissait innocent, car bientôt d’autres indices l’accusent. Le père est-il un cowboy parano qui veut faire justice tout seul ? Oui, mais le simplet semble bien être le seul fil d’Ariane à tirer pour retrouver les gamines …
Les jours passent, l’enquête piétine dans la gadoue et la neige fondue. L’engrenage infernal se met en branle.
Le spectateur, jouet du réalisateur,  assiste inconfortablement (c’est affreux ?) mais passivement (c’est nécessaire ?) aux “interrogatoires” du simplet (plus vraiment humain ?) par le père qui implore le pardon divin (humain, donc ?) avant chacune des séances. Malin et dérangeant.
L’intrigue est en réalité bien plus complexe et beaucoup plus subtile : on ne vous en dira rien bien sûr, mais sachez que sur une trame pourtant rebattue, Denis Villeneuve(2) nous a concocté un sacré polar où chaque petit indice semé en route (vous savez, les trucs qui semblent tout à fait superflus mais dont se dit : ah ça, ça va forcément resservir plus tard …) trouvera finalement sa place.
Un polar ou un thriller plutôt puisque, exactement comme devant Incendies, on reste crispé sur son fauteuil pendant deux heures et demi.
Et tout comme pour Incendies, les deux ou trois malheureuses vannes qui émaillent les dialogues déclenchent de timides rires, un peu jaunes, chez les spectateurs tout heureux de se détendre un instant. La comparaison entre les deux films s’arrête non loin de là : Prisoners est évidemment beaucoup plus hollywoodien même si certains thèmes ‘incendiaires’ restent bien présents (avec un titre pareil, forcément ...).
On ne verra presque pas les gamines, quasiment rien sur leur détention : Denis Villeneuve a la sagesse de ne pas jouer sur cette corde déjà trop effilochée. Toute la violence, toute la tension est ailleurs et dans le duo père-flic où chacun cherche, chacun à sa manière, le fin mot de l’histoire.
Et chacun commettra des erreurs tragiques(3), le flic comme le père.
On sait que la justice divine (explicitement mise en cause par l’un des personnages) est rarement au rendez-vous sur terre : mais de toute évidence la justice des hommes parait ici bien perfectible …
Un film très sombre, déconseillé aux âmes sensibles qui auraient tendance à faire des cauchemars et à ceux qui ont des enfants en bas-âge.

(1) - Paul Dano, qui était beaucoup plus sympa comme frangin (déjà simplet !) de Little Miss Sunshine
(2) - et son scénariste Aaron Guzikowski
(3) - encore un thème qui semble récurrent chez D. Villeneuve


L’avis de Perle ou navet (qui dit ‘perle’ bien sûr !) et celui de Critikat.
Une interview de Denis Villeneuve dans Télérama.



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