Cinoche : Black coal

Patin à glace et feux d’artifice.

On avait manqué A touch of sin de Tian Zhu Ding, alors pas question de louper la séance de rattrapage offerte par Diao Yinan avec Black Coal.
Deuxième épisode donc dans cette vague du ‘polar social’ qui entend nous dépeindre la Chine contemporaine à grands coups de pinceaux surréalistes.
Alors qu'en est-il de ce fameux néoréalisme du ‘polar social’ chinois ?
Côté polar, il faut s'accrocher : ça commence par un flash-back sur des événements de 1999 tandis que l'on découvre dans différentes mines de charbon les membres éparpillés d'un cadavre.
À l'occasion d'une monumentale bavure (et d'un monumental moment de cinéma !) les deux suspects sont zigouillés sans avoir vraiment avoué. La veuve enterre les cendres de son cher époux.
Nous voici maintenant en 2004 : des meurtres analogues sont exécutés et la jolie veuve semble encore bien trop proche de ces nouvelles affaires.
Entre deux cuites et deux chutes de neige (on est en hiver 2004), l'inspecteur Zhang mène l'enquête chevauchant vaillamment sa mobylette (il s'est fait piqué sa moto) et interrogeant la jolie veuve parfois d'un peu trop près. Si vous aimez les polars, ne prenez pas le transsibérien jusqu'à Harbin : Diao Yinan prend un malin plaisir à ne pas tout nous dire (à ce niveau, ce n'est même plus de l'ellipse !), on a bien du mal à repérer qui est qui(1) et on ne comprendra finalement pas tout(2).
Cartésiens occidentaux(3) s'abstenir, mieux vaut rester zen et se laisser porter sans chercher à (tout) comprendre.
Côté social, il faut s'accrocher tout autant  mais c'est plus intéressant : vous connaissiez certainement Harbin pour son charmant concours de sculptures sur glace, très joli.
Mais voici la face sombre, noire comme du charbon, la face cachée de l'une des villes les plus polluées du monde : l'essentiel du film se déroule en plein hiver glacé, dans des quartiers sinistres, dans la neige grisâtre et fondue, sous une lumière blafarde, dans des bâtisses cradingues et délabrées. C'est très beau au cinéma mais définitivement invivable(4).
Dans cet environnement froid et hostile, les relations entres les êtres sont d'une incroyable dureté.
Et à part de belles images un peu zarbies, c'est ce qu'on retiendra de ce film : la violence qui semble être le seul lien social entre des solitudes sans avenir, alors que très peu de mots sont prononcés.
Sûr que le constat social de Diao Yinan n'est pas joli joli et même si on est en plein hiver on n'aura droit à aucune belle image des châteaux de glace.
Pas sûr cependant qu'il soit possible de réduire ce constat sans appel à une charge politique déguisée contre le régime en place et ses politiques(5) : on doit craindre plutôt que le regard désabusé du cinéaste ne soit porté sur notre monde en général plutôt que sur le sien en particulier.
Un film un peu ‘space’ réservé aux amateurs de patin à glace et de feux d'artifice.

(1) - le seul chinois reconnaissable (ni hirsute, ni barbu, ni emmitouflé) se fait zigouiller rapidement, ce qui vaut à BMR une série de questions à peine discrètes de MAM : et c'est qui lui ? c'est le mec du début ? et qui c'était là, avec le flic ? et lui c'est le mari de la fille ? etc ...
(2) - ça c'est un euphémisme
(3) - et ça c'est un pléonasme
(4) - heureusement, ils sont peu nombreux sur place, à peine 10 millions
(5) - même si cette lecture, façon China-bashing, est bien dans l'air de notre temps occidental


D’autres avis sur SensCritique, l’avis de Critikat et celui de Mymp.

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