Cinoche : Sils Maria

Ô miroir, miroir, dis-moi si le temps a passé ...

Bonne surprise que ce Sils Maria qui nous a fait longtemps hésiter : les critiques sur le dernier film d’Olivier Assayas laissaient deviner une élucubration absconse, un peu trop lente et trop longue, farcie de références artistiques difficiles.
Évidemment c’est quand même une séance où l’on utilise un peu plus de cervelle que pour Lucy ! Mais aucun obscurantisme intello de la part du cinéaste et malgré les nuages qui approchent de Sils Maria, le propos riche et complexe est clair, expliqué, détaillé : on participe sans difficultés et donc avec beaucoup de plaisir.
Même le curieux Serpent de Maloja(1) est expliqué et il est inutile de fureter sur le ouèbe pour devenir expert en météo.
Sils Maria est donc un village suisse près de Saint-Moritz et des lacs italiens.
Juliette Binoche est ici une actrice au sommet de son art, venue répéter son rôle où elle reprend la pièce de théâtre qui l'a rendu célèbre quand elle avait 18 ans, une pièce qui parlait de séduction entre deux femmes ... mais en prenant cette fois le rôle de la femme plus âgée. À l’époque de ses débuts, elle jouait évidemment la jeune fille. La jeune Kirsten Stewart, tout droit sortie de Twilight, est son assistante et répétitrice.
Plus tard dans le film, Chloë Grace Moretz, une starlette du cinéma, sera l’autre actrice de la pièce, la plus jeune.
Le film d'Olivier Assayas est fait de jeux de miroirs et de rôles interchangés, d’interpénétrations et d’imbrications croisées : entre la pièce de théâtre et le film, entre la vraie vie des personnages et leurs rôles dans la pièce, le film dans le film(1), la pièce dans le film qui porte le même titre que l’autre film, Le serpent de Maloja, … et même la vraie vie et le film puisque Olivier Assayas était scénariste sur les films de Téchiné qui ont rendu célèbre la jeune Juliette Binoche ... et il passe ici derrière la caméra. Le film de Téchiné, c'était Rendez-vous qui parlait déjà de comédiens ...
C’est riche, dense, complexe, mais on l’a dit cela reste très lisible.
Le propos central (mais ce n’est pas le seul, la séduction entre ces trois femmes et entre leurs personnages est également au centre de la pièce de théâtre dont il est question), le propos central est celui du temps qui passe : Juliette Binoche voudrait rester sur ses souvenirs de son rôle de jeune fille, elle n’arrive pas à se projeter dans le rôle de la femme mûre, elle n’accepte pas le temps qui a passé … Elle guette les nuages du Serpent de Maloja qui annoncent le mauvais temps, qui annonceraient que son temps a passé. Quand elle verra enfin les nuages, il sera peut-être trop tard.
On l’a dit c’est beaucoup plus riche et complexe que cela et il est bien difficile de résumer l’étrange relation qui unit Juliette Binoche et son assistante Kirsten Stewart : quand elles répètent dans les montagnes, les dialogues de la pièce de théâtre, le texte de la pièce se mêle étrangement aux non-dits de la vraie vie, le jeu de séduction semble inversé. Miroirs.
Un film intelligent (plutôt qu’intello).
C’est aussi un presque documentaire sur la vie des actrices (rendez-vous, interviews, hôtels, voyages, …), la relation avec leur ‘assistante’ et bien sûr leur travail : s’approprier un rôle, un texte, … Passionnant.
Même s’il y a bien quelques scènes un peu longues où la tension retombe, on ne voit presque pas passer ces deux heures que l’on prend grand plaisir à partager avec ces trois femmes et ces trois actrices.

(1) - le Serpent de Maloja : dans la vallée de l’Engadine, on peut parfois observer ce phénomène qui se crée lorsque les nuages venus des lacs italiens passent le col de Maloja. Ils semblent alors s’écouler comme une baignoire qui déborde dans la vallée et l’étrange "vouivre de Maloja” progresse entre les montagnes. Ce phénomène, annonce la venue du mauvais temps …
Ce phénomène a été filmé par Arnold Franck, passionné de photo alpine, dans les années 20, à l'aube du cinéma. Et l’on voit son film dans le film.


Pour celles et ceux qui aiment les actrices.
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BD : Mabui, l’âme d’Okinawa

Élévation d'âme.

Okinawa.
Tout le monde connait cette île rendue tristement célèbre par la bataille qui s'y déroula en 1945 peu avant les bombes atomiques et la reddition du Japon.
Peut-être sait-on également qu'elle sert toujours de base avancée aux américains : entre le Japon et Taiwan, face à la Chine et la Corée, ce porte-avions naturel est évidemment d'une importance stratégique pour l'Oncle Sam.
Le manga de Susuma Higa nous raconte justement la vie quotidienne des habitants d'Okinawa (plus d'un million d'habitants quand même !) forcés de cohabiter avec la présence américaine. Une présence envahissante : exercices et manœuvres, passages d'avions et décollages d'hélicos, et surtout un système de 'compensations' qui gangrène l'économie naturelle de l'île (qui malgré ces subventions reste l'une des régions les plus pauvres du Japon).
Susuma Higa prend prétexte de différents faits divers récents et se plait à imaginer et dessiner de petites histoires autour de ces événements : peu à peu il nous fait pénètrer au cœur de la vie quotidienne et ordinaire des habitants (on songe parfois aux BD d'Étienne Davodeau).
Et peu à peu on s'approche de l'âme d'Okinawa : Mabui en VO, c'est un peu le côté spirituel, celui qui s'en est allé avec ces perturbations étrangères.
L'archipel des îles Ryūkyū est en effet réputé pour la longévité de ses habitants ainsi que (est-ce lié ? !) la spiritualité dont est imprégnée leur culture : culte des ancêtres et nécessaire harmonie des relations entre les vivants, les dieux, la nature et les morts. Dans cet écosystème, les femmes occupent une place prépondérante et celles qui développent des qualités de medium (noros et yutas) jouent les chamanes et les intermédiaires [lien].
Ainsi, on mesure d'autant plus le bouleversement apporté par les bulldozeurs et les hélicos de l'US Army.
On retrouve (et découvre !) tout cela dans cette BD à multiples facettes : une plongée passionnante et instructive dans un Japon original, loin des clichés habituels.
Le propos de Susuma Higa, intelligent et sensible, est loin d'être manichéen et explore avec beaucoup d'humanité toutes les subtiles nuances et toutes les contradictions de la situation.
Un peu d'esprit en ce monde de brutes.

Quelques planches de la BD : [1]  [2]

Nota :
Ce volume (Mabui, les âmes d'Okinawa) est le second album. Il est normalement précédé de Soldats de sable qui décrit l'immédiat après-guerre (mais ce thème nous a moins attirés).


Pour celles et ceux qui aiment l'humain.
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Bouquin : L’échappée

Après Tito Topin, voici un peu dans la même veine, encore un petit polar noir bien agréable à lire et encore un nouvel auteur pour ce qui nous concerne.
Jim Thompson fut un auteur du début du siècle dernier, publié en français dans la fameuse Série Noire (ici, c'est une nouvelle traduction chez Rivages/Noir). Et pour poursuivre le parallèle avec Tito Topin, Jim Thompson travaillera également pour le cinéma (scénariste par exemple des Sentiers de la gloire de Kubrick). Il devrait nous être connu également comme l'auteur du roman 1280 âmes (adapté par Bertrand Tavernier dans Coup de torchon). En attendant de (re-) lire 1280 âmes (ou 1275 dans la première VF !), voici donc une nouvelle traduction de L'échappée (adaptée au cinéma également, ce fut Sam Peckinpah avec Guet-Apens).
Doc McCoy sort de prison et reprend du service comme gentleman-flingueur.

[...] Doc était fait pour le crime, pour les entreprises de grande envergure auxquelles il en arriva rapidement. Personne n'avait la faculté de s'adapter aux particularités d'un coup aussi facilement que lui, personne n'était capable de planifier avec autant de perspicacité, personne n'était aussi impavide et imperturbable.
Il aimait son métier. Abordant à l'âge de vingt-cinq ans une lourde peine de prison, il n'en était pas moins demeuré fidèle à son engagement. Son butin, au cours des cinq dernières années, s'élevait à plus de cent mille dollars par an. Pour une somme pareille, on pouvait se permettre de prendre patience un certain temps. Il pourrait mettre à profit son inactivité forcée pour se défendre, nouer de nouveaux contacts, améliorer sa connaissance du monde criminel et planifier de nouveaux coups.

Ça commence par les retrouvailles avec des complices et la belle et jeune Carol (il était temps que Doc sorte de taule), son épouse, muse et complice. Le hold-up s'organise.
Mais les grains de sable s'accumulent obligeant chaque fois Doc à revoir et ajuster ses plans.
Et donc les cadavres s'empilent.
Les péripéties seront on ne peut plus classiques (Jim Thompson est l'un des fondateurs du genre) et on ne sait trop ce qui fait le charme indéfinissable de ce roman : une écriture fluide et claire qui a l'air de ne pas y toucher (et qui est sans doute rehaussée par la nouvelle traduction, moderne et bien lisible), une sorte d'humour noir pince sans rire (bien différent de celui de Westlake par exemple), une galerie de personnages piqués des hannetons et sans doute et surtout le couple improbable que forment Doc et Carol, façon je t'aime moi non plus (leurs retrouvailles après quand même plusieurs années de taule pour Doc, sont un véritable régal de sous-entendus et de non-dits !).
Et puis en fin de cavale, on ne manquera pas la découverte du royaume d'El Rey (au Mexique, où viennent se réfugier les truands en fuite) : ça vaut le voyage et ces dernières pages devrait figurer en bonne place dans tous les manuels et annales d'économie (on vous laisse découvrir à votre tour).

[...] En fait, il n'y a pas de meurtres. Officiellement il n'y en a aucun. Le taux de mortalité très élevé découle des nombreux suicides et de la propension qu'ont les immigrants à succomber à des accidents.

Peut-être pas le roman le plus notable de Jim Thompson mais certainement de quoi nous mettre en appétit de cadavres, en soif de nouveaux braquages, en attendant la nouvelle traduction (et donc la réédition par Rivages) des fameuses  1280 âmes ... la rumeur bruisse que ce serait pour très bientôt.


Pour celles et ceux qui aiment les cavales.
D'autres avis sur Babelio. Le billet de Jean-Marc.





Bouquin : Libyan Exodus

Un taxi pour Tripoli.

Tito Topin : certains le connaissent peut-être comme le scénariste de Navarro. On le découvre ici comme auteur de polars.
Dès les premières pages on plonge avec délices dans ce Lybian Exodus, comme dans un bon film de série B, nerveux et musclé. Avec un plaisir un peu coupable, on imagine retrouver les Bob Morane de notre enfance, quand les mercenaires, les belles pépés et les aventuriers se donnaient rendez-vous au café américain de Casablanca.
Certes on est bien en Afrique du Nord mais Tito Topin (qui a vécu au Maroc) est plus malin que cela : son bouquin date de 2012 et prend comme décor les événements de 2011 en Lybie. C'était le fameux Printemps, c'était la chute imminente de Khadafi, c'était le foutoir. Fort sagement, l'auteur restera très light dans les couplets obligés sur l'islam et la révolution démocratique(1), couplets un peu faciles forcément et se gardera bien de donner des leçons de géopolitique.

[...] Sa barbe est récente, couleur goudron, pas un poil blanc.
Il ne la rasera qu'à la mort de la Pourriture(2).
Il en a fait la promesse à Izza.
- Tu vas ressembler à un intégriste, lui avait-elle dit.
- Ils n'ont pas le monopole de la barbe, il avait répondu. Victor Hugo n'était pas un intégriste, Maimonide et Aristote non plus.
- D'où tu m'as sorti ceux-là ? Un chrétien, un juif, un Grec mort depuis des siècles !
Ils avaient ri.

En pleine guerre civile, dans un pays à feu à et à sang, zigzaguant au milieu du chaos entre bandes rebelles et armées plus ou moins officielles, une land rover roule à toute allure sur les pistes libyennes. À bord, quelques fuyards rassemblés on ne sait trop comment (ou plus exactement : on découvrira comment ...), une petite troupe haute en couleurs et pour le moins hétéroclite : une actrice de théâtre, un escroc, un pilote de chasse, un professeur d'arabe, un médecin alcoolique, une femme enceinte, un faux archéologue, ... certains libyens, d'autres tchadiens ou encore tout à fait étrangers.
Les courts chapitres nous laissent (et leur laissent !) peu de répit : entre les épisodes rocambolesques de la fuite de la land rover, on découvre peu à peu l'histoire de chacun des personnages et ce qui les aura amenés à se retrouver entre ces pages.
Des pages que l'on tourne à vive allure, au rythme de la fuite, pressés que nous sommes de découvrir d'où vient chacun de ces personnages et de deviner où l'auteur compte bien nous emmener (à part rejoindre la frontière au plus vite !).
Peut-être pourra-t-on critiquer des personnages un peu caricaturaux placés dans des situations un peu convenues mais c'est aussi la règle dans ce genre, façon série B revisitée par un intello.
Et l'écriture fluide de Tito Topin (tout à fait en accord avec son histoire) emporte facilement l'adhésion.

[...] - C'est plus facile de chasser un chien qu'un dictateur. Il suffit d'un caillou pour qu'il foute le camp, la queue entre les jambes. Pour un dictateur, il faut l'assentiment de toutes les nations, il faut blablater, attendre qu'il y ait des milliers de morts. Alors, mais seulement alors, on lui balance sur la tronche des milliers de tonnes de bombes qui coûtent de quoi nourrir tout un continent. résultat, il vaut mieux être gouverné par un chien, c'est plus facile de s'en débarrasser dès qu'il commence à se prendre pour Dieu en personne.
- Vous avez raison, dit Henri, aux prochaines élections je dirai à mon chien de se présenter.
- Il est de quel parti?
- Teckel à poil dur.
- Comment il s'appelle ?
- Pirate.
- Assurez-le de mon vote quand vous le verrez.

De quoi nous faire regretter de ne pas avoir connu cet auteur plus tôt et nous donner envie de repartir avec lui en Afrique du Nord pour retrouver son écriture sèche et ironique, érudite mais sans fioritures, un petit peu désuète avec ses savoureuses descriptions de personnages à l'ancienne.

(1) - on se prend presque à regretter de finalement ne pas en apprendre plus sur ces événements, là où un regard un peu décalé nous aurait intéressé
(2) -  ainsi sera désigné le dictateur (celui qui avait planté sa tente en 2007 dans les jardins de Sarko) tout au long du bouquin !


Pour celles et ceux qui aiment les road-tripes.
L'avis de Jean-Marc à qui l'on doit cette découverte.



Cinoche : Lucy

Le sixième élément.

Il est généralement de bon ton de vilipender Luc Besson et son cinoche un peu industriel (comme s'il était le seul à en produire !).
Évidemment monsieur Besson n'a pas besoin de notre avis et est bien assez grand et désormais bien assez riche pour se défendre tout seul.
Il nous a donc fallu trouver d'autres motivations pour aller voir sa Lucy :
1 - la météo fâcheuse de cet été pourri est une excuse toute trouvée pour aller s'enfermer dans une salle obscure, c'est notre côté facile,
2 - le Besson-bashing qui déferle sur la toile aura eu comme effet inverse de titiller notre curiosité, histoire de ne pas se laisser dicter sa conduite culturelle par les prescripteurs habituels(1), c'est notre côté rebelle,
3 - ah oui, y'a quand même Scarlett Johansson qui décidément nous fait un sacré cinéma cette année (voir Under the skin, récemment et d'autres encore à venir, comme son futur bébé), c'est notre côté starlette,
4 - un film d'action estival est généralement l'idéal pour mettre ses neurones en repos bien mérité (si, si), c'est notre côté flemmard.
À propos de neurones justement, c'est justement le prétexte science-fictionnesque de ce film qui explore l'hypothèse(2) selon laquelle on n'utiliserait que 10% de notre cervelle et qu'on se demande bien de quels super-pouvoirs on disposerait si on boostait un peu le processeur.
Alors voilà t-y pas de vilains coréens qui veulent forcer la belle Lucy à passer une super-drogue et qui lui fourrent un sachet plein de poudre bleue dans l'estomac. Et voilà-t-y pas que la belle Lucy se fait tabasser et que le sachet lui éclate dans le ventre. Pfffuuitt, c'est parti façon Lucy in the Sky with Diamonds.
Après s'être fait salement esquintée, la belle Lucy entreprend sa reconstruction (un peu façon sixième élément, décidément depuis Nikita, Luc Besson, tel un pygmalion cinématographique, aime (re-)façonner ses personnages féminins à sa guise ...), ce qui lui donne la possibilité d'utiliser bientôt 100% de ses capacités cérébrales(3).
Alors bien sûr avec ça elle devient très très forte, que même elle enverrait Lara Croft au tapis et que les méchants coréens qui lui courent après n'ont qu'à numéroter leurs abattis.
C'est plutôt bien vu et Lucy apprend peu à peu à contrôler les ondes, puis les êtres eux-mêmes, puis la matière (on sait plus trop dans quel ordre) jusqu'au contrôle de la dimension ultime.
En parallèle, Morgan Freeman joue le rôle d'un professeur qui justement piétine dans ses recherches sur le potentiel de notre cervelle : leur rencontre est un joli moment, dans la forme visuelle comme dans le fond pseudo-scientifique. Cela vaudra une belle réplique à Morgan Freeman qui veut présenter Scarlett à quelques confrères universitaires et ça donne à peu près :
- Euh, voilà, je vous présente Lucy, la première femme qui ...
Et il s'embrouille. Oui, Lucy la première femme ... et ce sera l'occasion d'une autre rencontre entre les deux Lucy, celle de +2014 et celle de -3 millions d'années. Bel hommage du cinéaste à la gente féminine.
Voilà, on vous a presque tout dit et de toute évidence, voilà un film d'action estival qui n'est pas fait pour nous pousser dans nos retranchements synaptiques et nous forcer à utiliser plus de 10% de notre cervelle.
Reste un film rapide, plutôt bien fait, et un argument pseudo-scientifique plutôt bien travaillé : MAM qui est toujours allergique à la SF a même bien aimé, c'est dire.
Pour être tout à fait honnête il y a bien quelques scènes superflues mais qui ne suffisent pas à gâcher un moment d'agréable cinéma, bien rythmé et qui ne justifient en rien le Besson-bashing que l'on évoquait.

(1) - bon, y'avait quand même quelques rares sites de confiance avec des avis 'positifs' : [1] [2]
(2) - cette hypothèse n'est pas du tout étayée scientifiquement parlant mais on s'en fout ici, c'est le prétexte du film
(3) -  évidemment BMR ne reprend pas à son compte une autre hypothèse pseudo-scientifique, à savoir que pour une femme, 100% d'un seul neurone, ça fera toujours qu'un seul neurone.


Pour celles et ceux qui aiment Scarlett.
D'autres avis sur SensCritique où, comme ailleurs, le Besson-bashing déferle (et la mauvaise foi est parfois très drôle).





Bouquin : Les feuilles mortes

Photo de famille.

L'américain Thomas H. Cook passe sous les feux de la rampe en ce moment grâce à son dernier roman : Le dernier message de Sandrine Madison.
On avait déjà croisé cet auteur dans Les rues de feu (un roman très différent de ses dernières livraisons), et on a décidé de poursuivre par une ancienne parution, désormais en poche : Les feuilles mortes.
Un peu trop facilement classé dans les polars, ce bouquin est plutôt un roman psychologique.
Eric mène une vie de famille paisible et typique dans une petite ville américaine paisible et typique. Il tient un magasin de photo où il développe des photos de mariages, de naissances, bref de familles. Une belle et aimable épouse, Meredith. Keith, le fils (un ado quoi).
Tout va pour le mieux et tout le monde sourit sur la photo de famille ...

[...] Les photos de famille mentent. Je compris ça en partant pour toujours de chez moi cet après-midi là, si bien que je n'emportai que deux clichés.

Jusqu'au soir où tout va basculer : Thomas H. Cook se lance alors dans la démolition de tout cet édifice, pierre par pierre, brique par brique, consciencieusement et sûrement.
Ce soir-là, Keith est allé faire du baby-sitting chez des voisins.
Le lendemain, la petite des voisins a disparu. Évidemment le fiston Keith sera le premier soupçonné.
Et c'est effectivement de soupçon qu'il s'agit : peu à peu, les mensonges et les présomptions s'accumulent sur le dos de cet ado renfrogné. Eric commence lui-même à douter de son propre fils.
Et ce n'est que le début. Petit à petit on découvre que les photos de la propre famille d'Eric (son père, son frère, ...) étaient elles-aussi artificielles et que les sourires étaient crispés.
On ne vous en dit pas plus évidemment mais ces photos de famille vont être rongées par les soupçons, grignotées par les mensonges ...

[...] Le soupçon est un acide. Il ronge tout ce qu'il touche. Il s'attaque à la surface des choses en y laissant une marque indélébile. [...] Il détruit la confiance niveau par niveau. Et creuse toujours plus profond.

Thomas H. Cook en fait même un tout petit peu trop (les soupçons sur Meredith, par exemple) tant il a à cœur de démolir toute la maison du pauvre Eric, sans oublier une pierre ou une brique, et parfois l'accumulation de clichés (normal pour des photos de famille !) est un peu trop prévisible.

[…] Je l’admets, les affaires qui restent sans réponse sont les plus pénibles.
— Elles vous rongent, dis-je tout bas.
— Oui, elles vous rongent. Les dossiers les plus difficiles sont ceux que l’on ne peut refermer.
[…] Je pris tout à coup conscience que le doute pouvait assombrir une vie, empêcher tout répit, vous projeter dans une quête sans fin.
— Et ta vie devient une énigme non résolue, ajoutai-je.
— Oui, c’est le plus terrible, dit Leo. Un dossier qui reste ouvert.

Mais on tient là, un roman assez court qui se lit facilement et agréablement : de quoi nous donner envie de parcourir plus avant la bibliographie de cet auteur.


Pour celles et ceux qui aiment les photos de famille.
D'autres avis sur Babelio.







Cinoche : New-York Melody

Berceuse à New-York.

Ceux qui attendaient avec cette New York Melody la chaleureuse bluette de l'été en seront pour leur ‘frais’.
Les moins indulgents auront peut-être déjà zappé le film à cause de la présence sur l'affiche de Keira Nightley repérée il y a peu comme potiche décorative dans The Ryan initiative. La revoici de nouveau, cette fois aux côtés de Adam Levine (du groupe Maroon 5) dont elle est la muse inspiratrice (dans le film !). Mais le chanteur va vite la larguer pour une saveur plus exotique(1)  et la belle Keira se retrouve donc de nouveau à jouer [décidément !] une potiche décorative (et ici inspiratrice).
Solitaire dans la Grosse Pomme, elle croise Mark Ruffalo, lui-même loser solitaire, ex-producteur de musique et ex-découvreur de talents. Évidemment, il saura détecter le talent de la belle Keira(2).
Mais côté romance donc, c'est l'ennui. Les acteurs ne sont guère convaincants, la mise en scène laborieuse et explicative, l'intrigue poussive et convenue, la fin franchement niaiseuse comme diraient nos cousins d'outre-Atlantique.
Reste le côté magique de la musique pour sauver le film : le réalisateur John Carney ne s'y connait guère en comédie amoureuse mais il se débrouille plutôt bien quand il s'agit de filmer la musique.
Le spectateur persévérant aura donc droit à plusieurs moments superbes, quelques instants magiques où l'on effleure le processus créatif qui fait naître les chansons : paroles, musique, accompagnement, production, ... évidemment le procédé est facile et jouer dans ce registre emporte à coup sûr l'adhésion du public prêt à tout au vu de l’ennuyeuse bluette, mais ne boudons pas ces petits plaisirs.

(1) - dans le film, leur musique un peu comme celle d'Angus et Julia Stone et c'est un peu comme si Angus larguait sa Julia pour suivre une carrière solo à la James Blunt
(2) - continuons dans la méchanceté gratuite et citons Telerama à propos de la jolie potiche : [...] aussi charismatique qu'une plaquette de Temesta, même quand elle chante.


L'avis (trop) enthousiaste de AVoirALire. D'autres avis sur SensCritique.



Bouquin : Le royaume des voleurs

La trilogie moscovite ? Pas sûr ...

Moscou. 1936.
L'Union Soviétique est entre deux guerres, se remettant difficilement de l'une, préparant déjà activement la suivante. Staline fait creuser le métro de Moscou, les hommes forts du régime se bousculent à la tête des polices politiques, l'ancienne Tchéka et le nouveau NKVD.
En ville, la dénonciation politique est encore le meilleur moyen de rendre vacant un appartement ou plus exactement une chambre dans un appartement communautaire.
C'est dans ce contexte social et politique que l'écrivain anglo-irlandais William Ryan a choisi de situer une série d'enquêtes policières menées par l'inspecteur Korolev du 38 rue Petrovka (qui - hasard de la numérologie - est à Moscou ce que notre 36 quai des Orfèvres est à Paris).
Premier épisode : Le royaume des voleurs.
Avec quelques cadavres salement amochés qui semblent sortir inexplicablement des caves d'interrogatoires de la Loubianka, habituellement réputée pour sa discrétion et sa propension à l'oubli.

[…] Popov pointa de nouveau le tuyau de sa pipe en direction de l’église.
– C’est une horreur, Korolev. Un type est entré là-dedans cette nuit et… Il fit signe au capitaine de le suivre dans l’église.
– Ce n’est pas beau à voir. Et si on ne l’arrête pas rapidement, il recommencera. Il y a pris goût… je le sens.

Coincé ou manipulé par les différentes polices politiques, l’inspecteur Korolev ne sait pas trop où il met les bottes.

[…] Soyez prudent, capitaine. Vous avez affaire à des individus prêts à tuer pour se protéger, car s’ils se font prendre… Gregorine se leva sans achever sa phrase. Korolev l’imita.
– Expliquez-moi, camarade colonel, une fois encore, pourquoi est-ce que le NKVD n’enquête pas directement ? Gregorine montra la porte.
– Je vous raccompagne. Il ne dit rien de plus.

[…] Quand, cinq minutes plus tard, il découvrit qu’une jeune femme l’observait dans le reflet d’une vitrine du magasin Torgsin, il maudit le jour où Popov lui avait confié cette foutue affaire. L’enquête commençait à suivre son propre chemin et il n’était pas sûr d’apprécier ce qu’elle lui réservait.

En prime, un trafic d'icônes religieuses, trafic peu orthodoxe, encore moins socialiste mais assurément très lucratif.
Et finalement, une intrigue un peu confuse qui s'appesantit un peu trop longuement sur la caste des ‘voleurs’  comme si William Ryan voulait absolument se raccrocher au thème à la mode ces dernières années de la mafia russe et de ses voleurs dans la loi (vori v zakone - Вор в законе).
Bien entendu, le parallèle avec la Trilogie berlinoise est tentant et d'ailleurs mis en avant par plusieurs critiques. Malheureusement, William Ryan n'est pas Philip Kerr et son livre souffre plutôt de la comparaison : le personnage principal manque un peu d'épaisseur, le souffle historique ne décoiffe pas tout à fait autant, l'humour n'est pas vraiment au rendez-vous et l'intrigue est inutilement emberlificotée.
Il n'est donc pas certain que l'on reparte bientôt pour Moscou en 1936 aux côtés de Korolev.
Ce premier épisode nous aura seulement permis de (re)découvrir cette époque et ce pays si particuliers et si attachants, un peu en marge des clichés politico-historiques habituels.
Et de partager un peu la ferveur du peuple russe pour ses icônes et en particulier la Kazanskaya, celle de Notre-Dame de Kazan, réputée protéger le pays des invasions étrangères.
Plutôt qu'avec la Trilogie berlinoise, on fera le parallèle avec le 38 rue Petrovka des frères Vaïner qui décriront le même milieu socio-politique quelques années plus tard, après une nouvelle guerre, encore une.


Pour celles et ceux qui aiment Moscou.
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