Cinoche : Le temps des aveux

La seule liberté véritable, c'est uniquement ce que l'Angkar dit, écrit et organise.

Après avoir grandi dans l’ombre des Khmers rouges, après avoir visité tout récemment le Cambodge et le fameux camp S21 de Phnom Penh [nos photos], on ne pouvait évidemment pas laisser passer le film de Régis Wargnier : Le temps des aveux.
Un film qui retrace un épisode de la vie de François Bizot, ethnologue français au Cambodge, qui avait lui-même écrit un roman autobiographique : Le Portail, dont est tiré le scénario(1).
On est encore au tout début de l’aventure des khmers rouges, au tout début des années 70, au tout début d’une aventure qui n’a pas encore viré au cauchemar.
Douch n’est pas encore au sommet de son art, jusqu’en 1975 Phnom Penh est encore aux mains de l’armée fantoche armée par les américains et le camp S21 est toujours un lycée français.
En 1971, Bizot est donc parmi les rares prisonniers étrangers des khmers qui ne savent pas trop quoi faire de lui : un intellectuel qui intrigue et intéresse tellement Douch qu’il le protège et le fait même libérer au bout de quelques mois. Une chance inouïe et inespérée que Bizot doit à son fascinant geôlier et à cette année de grâce 1971.
Malheureusement Wargnier filme tout cela assez platement, comme une pièce de théâtre sans mise en scène et ne fait guère honneur à ce passionnant contexte historique et géopolitique.
Raphaël Personnaz et Phoeung Kompheak(2) essaient péniblement d’incarner le duel entre ces deux intellectuels qu’étaient Bizot et Douch mais ils s’en sortent bien maladroitement, complètement écrasés par des dialogues pesants et ampoulés.
Tout cela tente de retracer la fascination/répulsion que ces deux personnages éprouvaient l’un pour l’autre et qui fait écho à la complaisance bienveillante dont les français de l’époque (on s’en souvient) faisaient preuve pour ces révolutionnaires rouges et purs qui étaient en train de foutre les américains dehors(3).
Il fallut plusieurs années, interminables pour la population locale dont une génération entière fut décimée, avant que l’occident en général et les français en particulier ouvrent les yeux. Les grands procès qui seront organisés plus tard, bien plus tard, seront le prix de notre propre culpabilité.
Des procès où Bizot aura à nouveau l’occasion de rencontrer Douch en 2009.
Voici du cinéma plutôt insipide et plat qui ne vaut donc que par son contexte historique.
Au-delà des ouvrages de Bizot lui-même et de ce film maladroit, on peut prolonger la leçon d’histoire par la lecture du passionnant bouquin de Patrick Deville : Kampuchea, qui retrace fidèlement cette même trouble période qui vit une armée de chauve-souris à vélo prendre possession du Cambodge.

(1) -  de François Bizot on avait déjà lu Le Saut du Varan mais pas ce Portail.
(2) - Phoeung Kompheak, qui incarne Douch dans le film, avait servi d’interprète lors du procès de ce dernier et a donc pu le fréquenter de près.
(3) - voir l’épisode du couple maoiste soixante-huitard ridicule, déguisé en khmer, qui se fait foutre dehors par ces mêmes rouges adorés lors de l’évacuation de l’ambassade française !


Pour celles et ceux qui aiment le Cambodge.
D’autres avis sur Sens Critique. L’article de Télérama.



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