Cinoche : Jamais de la vie

Un homme casse.

Pierre Jolivet est un peu dans le cinéma social d'aujourd'hui ce que furent Tony Lainé ou Daniel Karlin dans les années 70-80.
D'où notre sous-titre en guise et de jeu de mots et d'hommage : un homme casse.
Olivier Gourmet (magistral, tout le monde le dit mais c'est bien vrai, même si on n’est pas très objectif parce qu’on aime bien cet acteur) incarne ici le veilleur de nuit d'un parking de supermarché de grande banlieue parisienne.
Rescapé d'une ancienne lutte syndicale qui lui aura valu quelques années de chômage (et d'alcoolisme), il mène désormais la vie triste et grise des lointains banlieusards écrasés par la Crise.
Bien loin d'un polar ou d’un thriller, Jamais de la vie est un film lent qui s'installe confortablement (si on peut dire) dans la durée : jour après nuit, on partage le quotidien de ces gens-là.
Chacun lutte, seul (évidemment aucun couple ne survit ici), pour se maintenir juste au-dessus du seuil de précarité. Leçons de survie en milieu hostile. C'est dur et pire encore, aucune perspective ne se dégage à l'horizon, ni pour vous, ni pour vos enfants si vous avez le malheur d'en avoir. Il n'y a plus qu'à tourner en rond entre deux parkings et attendre. Le loto, le père noël, ou plus certainement une misérable retraite qui, pour le coup, vous fera basculer en-deçà du seuil de pauvreté.
La description est sombre, noire, désespérante et pourtant on se sent étonnamment bien aux côtés d'Olivier Gourmet. Gros nounours au poil dru, taciturne et renfrogné, le poing mauvais prêt à voler direct mais le cœur tendre sur la main tendue. Le personnage et le film suintent l'humanité par tous les trous de la pellicule.
À ses côtés quelques personnages secondaires dont deux beaux portraits de femmes : Julie Ferrier (la soeur) et Valérie Bonneton (l'assistante sociale), toutes deux remarquables et au diapason d’Olivier Gourmet.
Mais bientôt la tension va aller croissant : notre gardien de nuit est témoin de préparatifs nocturnes mystérieux ... ça pue évidemment le trafic louche. Le gros ours mal rasé va se mettre en branle et l'on a déjà compris depuis longtemps que tout cela ne peut pas bien finir.
Bien sûr, on aura noté quelques lourdeurs un peu maladroites et par trop démonstratives : les échanges avec l'ex-pote syndicaliste, la virée sur les Champs, ...
Mais cela n'enlève pas grand chose aux qualités de ce film soigné, sombre et désespérant.
Une description factuelle de notre société : sans appel et sans espoir.
Presque un film de SF où la banlieue serait une sorte de sous-monde (finalement la virée sur les Champs, si factices, n’est pas si innocente que cela …).
Pour mettre un point final à la démonstration, le générique de ce film quasiment sans musique (c'est sûr, quelques notes auraient été franchement ‘déplacées’) entonne tendrement un What a wonderful world qui arrive comme une ultime claque bien cinglante.
Et, hasard de la blogoboule, notre répertoire alphabétique des films classe celui-ci juste après It’s a free world de Ken Loach
Notre petit bonhomme-patate du blog a la gueule fendue parce que c’est un beau film et qu’il faut aller le voir, mais c’est bien le seul à garder le sourire.


Pour celles et ceux qui aiment (un peu quand même) la banlieue.
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