Cinoche : Sicario


Lorsque l'Amérique repousse les limites.


Le Sicario de Denis Villeneuve était fort attendu, trop peut-être.
Depuis Incendies (magistral), Prisoners (inquiétant), et Enemy (kafkaïen), force est de reconnaître que l'intérêt baisse lentement mais sûrement.
Comme on est parti du sommet avec Incendies, le résultat à l'arrivée reste très honorable mais ce Sicario est loin d'être à la hauteur des attentes laissées par les premiers.
Sicario : les États-Unis sont en guerre. En guerre avec une part d'eux-mêmes, avec l'arrière-cour de leur pays-continent, avec les cartels du Mexique. La gangrène a déjà bouffé les trois quarts de la jambe et ce n'est pas le pansement d'une clôture grillagée et électrifiée qui va éviter l'amputation. Alors on envoie  des anti-corps.
Estimant que lorsqu'on reste dans les limites habituelles et légales on n'arrive à plus grand chose, les très hautes autorités ont décidé de repousser les limites.
Deux ou trois GI Joe (Del Toro et Josh Brolin) montent une opération alambiquée ... au Mexique.
La seule 'limite' qui leur est donnée est d'accepter dans l'équipe une 'observatrice' du FBI (Emily Blunt) qui servira de caution plus ou moins morale à tout cela.
On sait que Villeneuve aime bien jouer avec son spectateur et nous voici donc embarqués dans l'aventure avec une Emily Blunt qui, tout comme nous, ne comprend pas grand chose à ce qui se prépare.
Quand elle demande à être briefée :
- Ce serait comme expliquer le mécanisme d'une montre, lui répond Del Toro.
Contentez vous seulement de regardez l'heure.
Et bien oui, comme l'agent Blunt, on regarde les aiguilles s'enclencher car c'est une mécanique de grande précision qui va être montée et qu'on va découvrir peu à peu (et c'est finalement beaucoup moins obscur que ce qu'on avait essayé de nous faire croire).
Après la manipulation du spectateur et ça va un peu avec, le deuxième thème de prédilection de Villeneuve c'est l'invisible frontière entre le bien et le mal, le moral et l'amoral (souvenez-vous des interrogatoires musclés et privés de Prisoners). Avec Sicario, si tout se déroule pourtant à la frontière entre États-Unis et Mexique, la frontière avec le moral et le légal a bel et bien été effacée de la carte.
La fin justifie les moyens. La fin voulue par les Américains, la fin voulue par Del Toro, mais qui utilise l'autre ?
Villeneuve sauve son film d'un propos ambigu avec une dernière scène montrant les enfants mexicains (certains sont devenus orphelins pendant le film) qui jouent au foot au pied de la clôture qui les sépare de l'eldorado américain. L'eldorado des États-Unis dont la richesse alimente ce bordel (le besoin de passer du bon côté) et dont la richesse est alimentée par ce bordel (les trafics de main d’œuvre et de drogues). Pas près de vous en sortir les gars, ni d'un côté ni de l'autre.
Malheureusement, ce scénario a déjà été vu et revu (Traffic, Cartel, ...) et ce film n'apporte pas grand chose de nouveau sous le soleil mexicain.
Il n'en reste pas moins que Villeneuve sait tenir une caméra et nous sert quelques scènes d'action pas piquées des hannetons, notamment une descente musclée dans Ciudad Juárez qui vaut le détour et qui restera dans les annales ! Purée, quelle tension, quelle violence retenue (enfin, pas toujours retenue) ! Dommage que le film n'est pas été de la même veine jusqu'au bout (la séquence dans le tunnel, par exemple, est très en-dessous des premières).
Reste un peu de second degré avec Benicio Del Toro qui après avoir incarné Pablo Escobar débarque ici en provenance de ... Medellín !

Pour celles et ceux qui aiment les films de guerre.
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