Cinoche : Valse avec Bachir


Devoir de mémoire.

Quelle heureuse surprise que ce film israëlien oublié des festivaliers de Cannes (mais que faisaient-ils donc sur la Croisette pendant la projection ? est-ce un sujet encore trop brûlant ?).
En tout cas, ne faites pas comme les festivaliers, ne manquez pas ce surprenant dessin animé : Valse avec Bachir.
Un dessin animé strictement réservé aux adultes.
Vous pouvez par contre oublier qu'il s'agit d'un dessin animé : une forme très connotée mais qui, ici, est absolument en accord total avec le fond.
Un documentaire plutôt : l'auteur part à la recherche de sa mémoire, à la pêche aux souvenirs, lorsqu'il était une jeune recrue de Tsahal, il y a vingt-cinq ans, au moment de la guerre du Liban.
Le film est effectivement construit comme un reportage et l'auteur interviewe d'anciens compagnons (les vrais prêtent d'ailleurs leur vraie voix aux personnages du dessin animé). Tous ont oublié ce qui s'était passé. La mémoire est soigneusement occultée : l'un n'a tué que des chiens, l'autre n'a fait que des promenades en bateau, aucun d'eux ne se souvient vraiment des horreurs de la guerre.
Car horreurs il y a : c'était lors du massacre de Sabra et Chatila. Au lendemain de l'assassinat de Bachir Gemayel, les phalanges chrétiennes investissent les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila sous la protection bienveillante de Tsahal qui vient d'envahir Beyrouth.
Tout cela est d'ailleurs fort bien rappelé ou résumé dans le film : nul besoin d'être un expert du Moyen-Orient pour s'y retrouver.
À force d'enquête insistante, de souvenirs recoupés, de devoir de mémoire, peu à peu, les horreurs refont surface.
À l'époque, l'auteur et ses compagnons n'étaient que des gamins, avec à peine du poil au menton, chantant à tue-tête dans leurs blindés, pétant de trouille, tirant sur tout ce qui bouge pour faire du bruit et évacuer le stress.
On retrouve là la version dessin animé d'un autre film récent : Battle for Haditha, c'est en Irak, c'est plus récent mais c'est le même cirque.
Car le propos n'est pas politique. Il ne s'agit pas vraiment (pas seulement) de condamner en tant que tel le massacre ou la coupable complicité de l'armée israëlienne.
Ce qui intéresse Ari Folman c'est ce qui se passe dans la tête de ces trop jeunes soldats qui, postés sur les hauteurs, tirent des fusées éclairantes pour permettre aux phalangistes de mieux terminer leur travail.
Ce qui se passe dans la tête de ces hommes qui pendant 25 ans auront pris soin d'effacer de leur mémoire tous ces souvenirs insoutenables.
Le dessin animé (au passage soulignons les très beaux graphismes, très "BD moderne"), le dessin animé donc est ici une forme idéale pour approcher pas à pas l'indicible.
Ça commence comme un conte japonais : une bande de chiens féroces déboule dans la ville et l'on se croirait dans un dessin de Miyazaki. Ces chiens viennent hanter les rêves d'un éclaireur : celui qui marchait en tête du peloton pour faire taire les chiens des villages où l'on venait pourchasser les rebelles. Si on ne tuait pas les chiens assez vite, ils réveillaient tout le monde et adieu le gibier.
Mais bientôt le conte tourne à l'aigre : que s'est-il donc passé en septembre 82 ? Quels crimes ont donc commis ces jeunes soldats ? Étaient-ils vraiment présents ? Qu'ont-ils vu, fait ?
On ne peut pas décemment vous raconter la fin, mais elle aurait vraiment valu une palme à Ari Folman.

Pour celles et ceux qui n'aiment pas la guerre. 
Cathe a beaucoup aimé aussi, comme Herwann et Lo.

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