Cinoche : À propos d’Elly

L’honneur perdu d’Elly.

Portrait de groupe. Iranien.
Ces trois ou quatre mots pourraient résumer le film du réalisateur iranien Asghar Farhadi qui retrace le week-end de quatre couples d'amis partis, depuis Téhéran, en week-end au bord de la mer.
La première partie de ce À propos d'Elly est absolument fascinante : il faut moins de deux minutes à Asghar Farhadi pour que l'on fasse partie de la bande, que l'on joue avec eux, danse avec eux, cuisine avec eux. En oubliant complètement que l'on est en Iran, tant ce groupe d'amis à l'ambiance bon enfant pourrait être au bord du Pacifique en Californie ou ailleurs encore. Quel talent de cinéaste !
Dès ces premières minutes on est plongé, sans aucune exposition ni explication, au cœur de ce petit week-end entre amis que l'on ne connait pas et la mise en scène très elliptique stimule notre intérêt et nous laisse deviner peu à peu que la belle Sepideh a tout organisé et monté un plan un peu foireux pour qu'une invité surprise, la fameuse Elly, fasse la connaissance de l'un des leurs, célibataire.
Une belle phrase de Farhadi :

[...] J'aime l'idée qu'un film ressemble à des mots croisés dont on demande au public de remplir les cases.

Les décors sont pouraves (une baraque déglinguée au bord de l'eau), les costumes sont iraniens (jeans, survèts, baskets pas lacées et foulards sur la tête), mais les acteurs et actrices rayonnent de justesse.
Golshifteh Farahani (Sepideh, en gros plan sur l'affiche) est magnifique(1).
Et puis rapidement (trop ! on aimerait tant que la fête se prolonge !) la tension monte et l'on sent que le drame viendra de la mer dont la baraque est beaucoup trop proche ...
On ne vous en dit pas plus sur la démonstration de la seconde moitié du film, qu'on a trouvée malheureusement un peu longue et un peu lourde (tant la première partie était subtile !).
Mais visiblement Asghar Farhadi veut nous faire comprendre que sous la surface moderne, enjouée, heureuse, insouciante de ces iraniens de Téhéran, couvent les conflits ancestraux entre hommes et femmes. Le drame qui survient mettra à jour des comportements soumis à une morale qui, pour le coup, est cette fois bien iranienne et l'on comprendra enfin ce qui motivait la mystérieuse Elly à partir en week-end ...
Ce petit film que l'on visionne un peu tard est une belle révélation de cette rentrée.
L'un de ses mérites, et non des moindres, est également de nous faire découvrir un Iran très proche de nous et donc très loin des clichés médiatiques habituels : instructif et passionnant.
Si l'on veut bien nous permettre de remplir quelques lignes de la grille de mots croisés proposée par Asghar Farhadi (mais au crayon ! chacun pourra gommer et voir à sa guise ce film aux multiples facettes !), on devine un pays en plein bouillonnement, en pleine transformation (le voyage en voiture au début du film) où tant les hommes que les femmes ont bien du mal à retrouver un équilibre relationnel et à retomber sur leurs pattes (nos années 70 en quelque sorte !).

(1) : on l'avait déjà aperçue dans Mensonges d'État : c'était l'infirmière dont Leonardo tombait amoureux.


Pour celles et ceux qui aiment les iraniens vus par les iraniens.
Lustucru en parle, Le Monde et Critikat aussi.

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