Cinoche : L’homme de chevet

Parfum de femme.

Le producteur Alain Monne passe derrière la caméra et adapte au cinoche un bouquin d'Éric Holder  : L'homme de chevet.
L'histoire d'une paraplégique qui embauche à son service un ancien boxeur déchu devenu alcoolique.
Un scénario qui risque de faire fuir bon nombre de spectateurs comme il a fait fuir bon nombre de producteurs (Alain Monne aura eu 13 ans pour "mûrir" son projet !).
Pourtant ce serait dommage de passer à côté de cette belle histoire pleine de tendresse.
D'abord, parce que Sophie Marceau et Christophe Lambert sont impeccables.
Ensuite, parce que le film, tout en pudeur, évite rigoureusement mélo et pathos.
Enfin, parce que c'est une très belle histoire des corps vivants : celui, brisé et inerte, de Sophie Marceau, clouée dans son lit mais qui ne demande qu'à profiter d'un rayon de soleil, d'une brise de vent ou d'un parfum. Celui, brisé et imbibé, de Christophe Lambert meurtri par la vie lui-aussi et qui ne demande qu'à redonner un sens à la sienne.
Tous deux avaient jadis un corps plein et vivant qui n'est plus.
Pour faire bonne mesure, un troisième personnage (1) donne tout son sens à ce poème : Carthagène, puisque c'est en Colombie qu'Alain Monne a choisi de planter sa caméra.
La chaleur et la moiteur tropicales, les parfums et les senteurs, la mer et le vent, la vie bouillonnante (drogue, prostitution, boxe, ...) des colombiens et la sensualité des colombiennes, ... tout cela fait écho à ce qui se passe (à ce qui passe) entre Mr. et Mme.
Une histoire d'amour sans sexe mais pleine de sensualité.
Il est également question de littérature dans ce film (forcément Madame passe son temps dans les livres) puisqu'on commence avec Bukowski et qu'on termine sur cet extrait d'un poème de Francis Ponge sur l'eau :

C’est toujours les yeux baissés que je la regarde. Comme le sol, comme une partie du sol, comme une modification du sol.
Elle est blanche et brillante, informe et fraîche, passive et obstinée dans son seul vice : la pesanteur ; disposant de moyens exceptionnels pour satisfaire ce vice : contournant, transperçant, érodant, filtrant.
A l’intérieur d’elle-même ce vice aussi joue : elle s’effondre sans cesse, renonce à chaque instant à toute forme, ne tend qu’à s’humilier, se couche à plat ventre sur le sol, quasi cadavre, comme les moines de certains ordres. Toujours plus bas, telle semble être sa devise : le contraire d’excelsior.

Étrange de constater que l'on ne retrace du film, ici, que cette puissance poétique des corps et de la vie. Alors qu'une bonne partie de l'histoire est en réalité consacrée à leurs déchéances : celle d'une belle femme riche, libre et intelligente devenue infirme et haineuse, celle d'un champion du ring déchu devenu un ivrogne des bas quartiers, sans compter le refus de Mme de se livrer en confiance à Mr.
C'est sans doute que le message du film d'Alain Monne est bien celui de la vie : sachons profiter de cet héritage et le partager.

(1) un personnage introduit par Alain Monne : l'histoire du livre se situait en France.


Pour celles et ceux qui aiment la tendresse des belles histoires.
Un film accompagné par la Fondation Groupama-Gan pour le cinéma.

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