Cinoche : Téhéran

Portait de ville. Avec habitants.

Avec Téhéran (Tehroun  en VO), le réalisateur franco-iranien Nader Takmil Homayoun brosse le portrait de sa ville(1) avec des habitants dedans.
Beaucoup d'habitants. Plus de 13 millions. Presque autant de voitures.
Une fourmilière.
Dans son film tourné en numérique et en quelques jours, sans autorisation (ou avec des autorisations obtenues sur la base d'un documentaire bidon), Nader Takmil Homayoun a choisi de suivre les traces de trois potes, mi-losers mi-traficoteurs.
L'un d'eux Ibrahim fait la manche avec un bébé dans les bras, bébé qu'il a loué pour ce "job" : ça rapporte pas grand chose mais évidemment beaucoup plus que sans bébé.
Un beau jour, ils se font piquer le bébé par une prostituée qui joue les étudiantes libérées(2).
Le gars de l'agence de location (si on peut appeler ça ainsi) est furax et réclame le montant de la caution du bébé : et c'est plus cher qu'une voiture. Nos trois pieds-nickelés sont mal barrés ...
Surtout que la femme d'Ibrahim débarque, enceinte jusqu'aux yeux, de sa province natale pour retrouver son chéri qui était supposé travailler dans un magasin ...
On attendait sans doute un peu trop de ce petit film sympa mais présenté comme un polar et qui bénéficie de l'intérêt soudain des européens pour l'actualité iranienne depuis que l'Oncle Sam y prépare sa prochaine guerre.
Le rythme est plutôt contemplatif - Nader T. Homayoun filme "sa" ville(3) - et on est loin des polars trépidants auxquels nous sommes habitués. Les trois potes sont plutôt "gentils" et même l'affreux jojo qui loue le bébé se montre plutôt paternaliste.
Reste une belle histoire (mais forcément ça finit mal, quand même hein ?) joliment filmée dans une ville écrasée de chaleur où le spectateur occidental sans repères (ni socio-culturels, ni topologiques) se perd et s'égare volontiers tout comme Zahra, la femme d'Ibrahim, fraîchement arrivée de sa campagne profonde, qui arpente les rues du nord au sud pour se rendre compte un peu plus loin qu'il fallait remonter du sud au nord.
Une ville bouillonnante qui pourrait bien être le prochain volcan à perturber le trafic aérien ... Est-ce là le message de Nader T. Homayoun ?
Un film où l'on découvre différentes façon de faire la manche, y compris comment se déguiser en Gardiens de la Révolution pour aller le soir racketter les fêtes alcoolisées des bourgeois.

(1) : le père de Nader Takmil Homayoun est historien spécialiste de Téhéran.
(2) : étonnant personnage à nos yeux d'européens : fantasme occidental ou iranien ?
(3) : le président iranien Mahmoud Ahmadinejad fut maire de Téhéran avant de défier l'Oncle Sam à la tête du pays.


Pour celles et ceux qui aiment les villes avec des habitants dedans.
Sandra en parle, Libé aussi.

Bouquin : Le cercle littéraire des amateurs …

84 bis Charing Cross road.

Beaucoup de points communs entre Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates et 84 Charing Cross Road.
Deux romans épistolaires anglo-saxons. Deux histoires au cœur de l'après-guerre. Deux amours ouvertement déclarés pour les livres et la littérature. Deux incontournables de la blogoboule.
Le premier était une correspondance incroyable mais vraie, celui-ci a été très récemment écrit par deux américaines : Mary Ann Shaffer(1) et Annie Barrows.
Dans les deux cas, le plaisir de la lecture est total et garanti.
En 1946, l'Angleterre qui se remet difficilement des années de Blitz et du chuintement des V2, court encore après les tickets de rationnement.
Au même moment, Guernesey s'ouvre à nouveau sur le monde, après cinq années noires d'occupation, d'embargo et de famine : les îliens n'avaient pas connu pire envahisseur depuis Napoléon.
S'ensuit une correspondance littéraire entre une auteure anglaise et les membres de ce fameux Cercle littéraire des amateurs de tourte aux épluchures de patate - en temps de guerre, on fait avec ce qu'on a.
Un club créé à l'origine pour donner le change à l'occupant nazi, dont les participants lisaient ce qui leur tombait sous la main et n'avait pas encore servi à allumer la cuisinière, de Sénèque à Catulle en passant par les Sœurs Brontë ou Shakespeare, et se sont finalement laissés happés par le plaisir de lire et de parler de leurs lectures.
Peu à peu sous les anecdotes frivoles et les souvenirs amusants percent les effroyables horreurs de la guerre.
Mine de rien et l'air de ne pas y toucher, les deux américaines nous plongent au cœur de ses années noires.
Dès que l'on a lu les deux ou trois premières lettres, impossible de lâcher le bouquin qui se dévore en quelques heures.
Dans la seconde partie du livre, toujours sous formes d'échanges de lettres, l'auteure anglaise débarque à Guernesey et découvre les membres du cercle avec lesquels elle correspond depuis plusieurs mois : c'est un véritable moment de bonheur, lorsque la dame descend du bateau vêtue de sa cape rouge prévue en signe de reconnaissance :
[...] Mon cœur tambourinait dans ma poitrine. J'ai essayé de me persuader que c'était à cause de la splendeur de la scène, en vain. Toutes ces personnes que j'en étais venue à connaître, et même à aimer, étaient là. Elles m'attendaient. Je ne pouvais plus me retrancher derrière une feuille de papier. Tu sais, Sydney, au cours de ces deux ou trois dernières années, je suis devenue plus douée pour écrire que pour vivre [...]. Sur le papier, je suis absolument charmante, mais c'est juste une astuce que j'ai trouvée pour me protéger. Ce n'est pas moi. Ça n'a rien à voir avec moi. Du moins, c'est ce que je pensais où la navette postale est arrivée à quai. Dans un accès de lâcheté, j'ai failli jeter ma cape rouge par-dessus bord pour passer inaperçue.
Quand nous nous sommes rangés le long de l'embarcadère, j'ai regardé les visages des personnes qui attendaient. Il était trop tard pour revenir en arrière. Je les ai reconnus d'après leurs lettres. J'ai d'abord vu Isola, avec son chapeau indescriptible et son châle violet épinglé d'une broche clinquante, regardant dans la mauvaise direction, un sourire figé sur les lèvres. Elle se tenait à côté d'un homme au visage ridé et d'un garçon long et anguleux. Eben et son petit-fils. J'ai fait signe à Eli [...].
http://carnot69.free.fr/images/MAM Jersey St Ouen Bay.JPGOn en vient presque à regretter parfois le format épistolaire tant on aimerait que cette formidable histoire prenne de l'ampleur. Et puis on se dit un peu plus loin que le changement de ton d'une lettre à l'autre permet justement au lecteur de respirer : il est quand même pas mal question des séquelles de la guerre.
L'ironie profondément humaine de ce livre nous permet de ricaner et de glousser entre deux souvenirs d'horreurs.
On avait été enchanté par quelques jours de rando le long des chemins côtiers de Jersey il y a quelques temps [photo de MAM ci-contre] ... nul doute que nous irons prochainement sur l'île voisine marcher dans les traces de Juliet !
Quelques perles pêchées dans la baie de Guernesey :
[...] Ma voisine, Evangeline Smith, va accoucher de jumeaux en juin. Comme elle ne semble pas transportée de joie à cette idée, je vais lui demander de m'en donner un.
[...] Suis-je trop difficile ? Je n'ai aucune envie de me marier pour me marier. Passer le restant de mes jours avec un être à qui je n'aurais rien à dire, ou pire, avec qui je ne pourrais pas partager de silences ?
[...] Je me demande comment cet ouvrage est arrivé à Guernesey. Peut-être les livres possèdent-ils un instinct de préservation secret qui les guide jusqu'à leur lecteur idéal. Comme il serait délicieux que ce soit le cas.
[...] C'est ce que j'aime dans la lecture. Un détail minuscule attire votre attention et vous mène à un autre livre, dans lequel vous trouverez un petit passage qui vous pousse vers un troisième livre. Cela fonctionne de http://carnot69.free.fr/images/mary ann shaffer.jpgmanière géométrique, à l'infini, et c'est du plaisir pur.
[...] La tache rouge qui ressemble à du sang sur la couverture est bien du sang. Une maladresse avec mon coupe-papier.
[...] Je fréquente cette librairie depuis des années et j'y ai toujours trouvé le livre que je cherchais - et trois autres dont j'avais envie à mon insu.
[...] Lire de bons livres vous empêche d'apprécier les mauvais.





Un livre où l'on découvre quelques recettes originales ...
(1) : la santé déclinante de la vieille dame l'amènera à se faire aider par Annie Barrows pour terminer le livre avant sa mort.

Pour celles et ceux qui aiment les livres et les lecteurs.
Les éditions NIL publient ces 391 pages qui datent de 2008 en VO et qui sont traduites de l'américain par Aline Azoulay.
Bien sûr tout le monde en parle : Pisi, Edelwe, Nane, Mizzenmast, ...
D'autres avis sur Critiques Libres.
Le site presqu'officiel : The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society.

Bouquin : Les vies privées de Pippa Lee

Histoire de femme.

On avait été charmés par le film récent que Rebecca Miller (la fille d'Arthur) avait tiré de son propre livre : Les vies privées de Pippa Lee.
Comme il n'est pas si fréquent de voir un auteur adapter au ciné ses propres romans, on avait eu envie de lire le roman original.
Verdict : plaisir redoublé à la relecture de cette histoire, même quelques semaines seulement après le film.
L'histoire d'une femme qui arrive à la cinquantaine, femme au foyer parfaite, mariée avec Herb Lee, un successfull éditeur ... de trente ans de plus qu'elle.
À l'approche des 80 ans de son mari, ils emménagent dans une banlieue pour personnes âgées (on est aux US) qu'elle surnomme Papyland.
Les premières pages pourraient faire penser à un roman américain gnangnan décrivant avec forces détails (et beaucoup d'humour) la vie des riches.
Mais Rebecca Miller ne s'en contente pas.
Car Pippa Lee tourne en rond dans sa belle maison aux côtés de son mari vieillissant, trop vite ou pas assez, c'est selon. Elle se met à faire des crises de somnambulisme.
Et Rebecca Miller nous emmène alors à la recherche de son passé.
La mère possessive constamment speedée aux amphèt's, le père pasteur, la tante Trish lesbienne et son amie Kat fétichiste, ...

[...] Voilà ce à quoi nous n'avions pas pensé : un après-midi, tante Trish rentra du travail avec la fièvre. Elle fit tourner la clé dans la serrure, entendit Gladys Knight à fond dans sa chambre, entra en toute hâte et me trouva menottée au lit avec la jupe d'une robe à crinoline rose sur la tête, fessée par Shelly sous l'objectif de Kat qui criait « Super ! Recommence. On ne bouge plus. Génial ! Magnifique ! » Tante Trish était là, blême, tremblante et horrifiée, lorsque je me retournais et la vis. Je partis l'après-midi même, pendant que Tante Trish soignait sa grippe en dormant après avoir appelé la police et vu la femme qu'elle aimait fuir son appartement.

La rencontre avec Herb Lee (elle avait vingt ans, lui cinquante), le mariage ...

[...] Ma robe de mariée était rose très pâle. [...] J'avais l'impression d'être une novice qui prononçait ses vœux. Épouser Herb, c'était comme changer de peau, ma dernière chance d'être bonne. Je savais que si je foirais ça, je serais perdue à jamais.

La fréquentation des amis artistes de Herb ...

[...] Eh bien, ils m'incorporèrent, comme des raisins secs dans la recette d'un gâteau qui n'en exige pas mais où ils ne gâcheront rien non plus.

Ensuite jusqu'à Papyland, la boucle est bouclée.
L'écriture est fluide et agréable et Rebecca Miller parsème le parcours de Pippa Lee de petits grains de folies, des petits grains de poivre qui lui donnent moult occasions de très belles pages.
Le papillon Pipa des folles années 70 était rentré trop sagement dans son cocon : la très belle fin de l'histoire lui permettra d'éclore à nouveau.
Un très beau portrait de femme, à l'écran comme sur le papier.
Un livre qui devrait plaire au plus grand nombre et tout autant satisfaire les lecteurs exigeants.
Ceux qui étaient restés sous le charme du film peuvent se replonger confiants dans le bouquin : plaisir garanti.
Les autres ont l'occasion de se rattraper !
Quand à nous, nous voici condamnés à revoir le film qui vient de sortir en DVD !
On vous livre ici les deux pages de la rencontre de Pippa Lee avec la première femme de Herb (Pippa sera la troisième) : un court chapitre qui donne une bonne idée de l'ensemble du bouquin.
Un livre où l'on découvre qu'à cinquante ans on peut encore mettre le bazar dans la classe du cours de poterie de Madame Mankevitz.


Pour celles et ceux qui aiment les femmes.
Le Seuil édite ces 290 pages qui datent de 2007 en VO et qui sont traduites de l'anglais par Cécile Deniard.
Antigone, Cuné et Cathulu en parlent. D'autres avis sur Critiques Libres.

Cinoche : Green zone

Bagdad dans la peau.

Depuis le Vietnam on sait que les américains commencent par faire la guerre. D'abord.
Et qu'ensuite, ils se mettent à faire des films et à réfléchir. Après(1).
L'Irak n'échappe donc pas à la règle et le film de Peter Greengrass, Green Zone, va nous apporter la démonstration de ce que l'on sait déjà, à savoir qu'il n'y avait pas d'armes de destruction massive à Bagdad. Seul Tony Blair y avait vraiment cru.
Mais résumer ainsi le film serait faire injure à Paul Greengrass qui nous avait déjà donné - outre quelques Jasonbourneries - l'époustouflant Vol 93(2).
Ça démarre à 100 à l'heure et ça ne faiblira pas de tout le film. 100% stress ! Tout comme dans le film britannique Battle for Haditha(3).
Le commandant Miller (deux indices : il a les yeux bleus et il est sur l'affiche !) conduit une équipe de GI-Joe chargée de démanteler les sites irakiens où sont entreposées les fameuses armes de destruction massives (Weapons of Mass Destruction WMD en VO).
Sauf que les sites visités à grands frais et à grands risques sont vides de chez vides et que s'y accumulent les crottes de pigeon ... Ça sent l'arnaque, se dit Chief Miller ...
Notre chief Miller va donc s'acoquiner avec la CIA (pour une fois elle a le beau rôle, les temps changent !) contre les bureaucrates du Département d'État de Washington, pour démonter, non pas les sites WMD irakiens, mais la machiavélique supercherie qui aura fourni le casus belli à ceux qui l'attendaient (les américains n'en n'avaient pas vraiment besoin, c'était surtout pour Tony Blair ...).
On l'a dit c'est 100% stress : film de guerre haletant avec ces GI's empêtrés dans la foule, guettant les snipers à chaque coin de rue, thriller survolté avec cette course poursuite aux infos et aux indics ...
Et s'il n'y a pas d'armes absolues à Bagdad, le mélange est pourtant explosif : mercenaires des forces spéciales, ex-généraux baassistes en mal de reconversion, journaliste manipulée pour répandre les fausses infos(4), dissensions entre chiites, sunnites et kurdes, machinations, espionnage et désinformation, ... la tension et l'intérêt ne faiblissent pas même si, comme trop souvent, la course-poursuite finale s'étire un peu en longueur.
Matt Damon est (oui, mesdames !) impeccable en bon soldat solide et appliqué, voire buté.
À noter aussi la prestation enfiévrée de l'anglo-égyptien Khalid Abdalla, l'indic-interprète du Chief Miller.
Le film se termine de manière elliptique sur une image des réservoirs de pétrole irakien : le mot-clé n'aura pourtant pas été prononcé de tout le film ! 
Bien sûr on peut lire ici ou qu'Hollywood récupère à bon compte les mauvaises raisons de cette sale guerre mais reconnaissons à Paul Greengrass (outre les indiscutables qualités de son cinéma) le courage de mettre tout cela sur la place publique (et pour le plus grand public qui plus est).
D'ailleurs, la rediffusion au mess des officiels de l'allocution de George W. Bush (The United States and our allies have prevailed !) est, ainsi replacée dans le contexte du film, hallucinante !
De plus, il n'est pas tout à fait innocent de reparler de cela sept ans après les faits, alors que la Green Zone(5) est peut-être toujours la seule zone sécurisée d'un Irak chaotique et que les GI's américains sont en train de se re-déployer ... en Afghanistan.
Je ne sais plus trop quel est le pays qui se situe entre l'Irak et l'Afghanistan, mais je suis sûr qu'on m'a dit que des armes nucléaires étaient cachées en Iran : Peter Greengrass va bientôt pouvoir reprendre sa caméra sur l'épaule.
Un film où l'on découvre qu'il ne faut pas croire tout ce qu'on lit dans les journaux, même si on peut y lire cet instructif et ahurissant article du New-York Times paru la semaine dernière et repris par Courrier International.
(1) : bon d'accord, sont p't-être pas les seuls à procéder dans cet ordre ...
(2) : ce fameux Vol 93 figurait à notre best-of 2006 et Green Zone pourrait bien monter sur le podium 2010 !
(3) : ce n'est peut-être pas un hasard si notre billet de 2008 sur Battle for Haditah, de l'anglais Nick Broomfield, citait déjà Vol 93 !
(4) : le seul élément "histoire vraie" du film : Judith Miller du New-York Times
(5) : la Green Zone était la zone de Bagdad sécurisée par (et pour) les américains avec piscines et hôtels pour bureaucrates, journalistes, et mercenaires en repos.

Pour celles et ceux qui aiment les montées d'adrénaline.
Pascale en parle, Le Monde, Theatrum Belli et Critikat aussi.

Miousik : Joshua Radin et Joshua James

Deux Joshua pour le prix d’un.

Il y a quelque temps on mettait en ligne deux américaines qui partageaient la même origine coréenne.Notre playlist sur Deezer
On récidive avec cette fois deux autres garçons qui, outre le même style de musique, partagent cette fois le même prénom : Joshua James et Joshua Radin.
Joshua James nous vient du fin fond de l'Utah et Joshua Radin de l'Ohio, et tous deux chantent un doux folk qui repose presqu'entièrement sur leurs très belles voix.
http://carnot69.free.fr/images/coeur.gifJoshua James est un de nos coups de cœur de ce début d'année, qui nous rappelle un peu Ray LaMontagne.
Joshua Radin propose un folk plus "lisse", façon Simon & Garfunkel et il a chanté à plusieurs reprises avec ... la coréenne Priscilla Ahn, la boucle est bouclée !
http://carnot69.free.fr/images/deezer.pngVous pouvez écouter ces messieurs en version intégrale
depuis notre playliste Deezer.


Pour celles et ceux qui aiment les voix de l'ouest.

Miousik : Sophie Zelmani

Swedish whispers.

Il y a peu, nous avions regroupé plusieurs suédoises sur un petit billet hivernal.
Bien sûr, Sophie Edkvist Zelmani, que l'on avait découverte il y a presque deux ans, y figurait en bonne place.
Mais voilà-t-y pas que cette douce voix au patronyme chaleureux, vient tout juste de nous livrer un nouvel album : I'm the rain.
Vous pouvez l'écouter depuis notre playliste Deezer, en version intégrale.
Certes Sophie Zelmani se renouvèle peu et à la longue les doux chuchotements de la belle suédoise deviennent un peu répétitifs mais le piano vient rafraîchir tout cela et on aime bien If I could, You can always long for May, et d'autres qu'on vous a mis en tête de la playliste.


Pour celles et ceux qui aiment les voix chaudes venues du froid.

Bouquin : Hypothermie

Comment franchir le pas de vie à trépas.

On avait été un peu déçus par L'hiver arctique, le précédent polar de notre islandais préféré, Arnaldur Indridason, qui s'aventurait avec plus ou moins de bonheur dans l'analyse socio-politique de l'immigration en Islande(1).
Fort heureusement, avec Hypothermie, Indridason renoue avec les fondamentaux !
C'est sans doute le roman où l'on se sent au plus près et au plus intime de son fameux commissaire Erlendur.
Ses habituels acolytes (Sigurdur Oli et Elinborg) ne font d'ailleurs que passer et il n'y a, officiellement, ni enquête policière, ni même de meurtre (il s'agit d'un suicide).
C'est dire si dans ce nouveau roman, Indridason laisse libre cours à ses obsessions erlenduriennes les plus divagantes.
Depuis la désormais bien connue disparition de son frère, le commissaire Erlendur est toujours taraudé par ces coutumières et toujours inexplicables disparitions sur cette petite île islandaise.
Et le voici de plus confronté à un suicide étrange.
On peut s'évanouir dans la nature ou ... pour de bon, et dans les deux cas : disparition, hypothermie et lacs gelés ...

[...] - Je suppose que c'est un peu comme si on se retrouvait pris dans le blizzard. Le froid ralentit graduellement le métabolisme, on commence par s'endormir, puis on tombe dans le coma, le cœur s'arrête et on meurt.
- N'est-ce pas exactement ce qui se produit quand les gens se perdent dans la nature ? demanda Erlendur.
- Oui, effectivement.

Il faut donc accepter une fois de plus de se laisser porter par le cours chaotique des pensées et des investigations du sombre et tourmenté commissaire qui lentement mais obstinément, dénouera les liens qui mêlent les intrigues, histoire de retrouver un peu de paix intérieure ... avant le prochain épisode.
Comme on l'a dit, on entre encore un peu plus de la vie privée du commissaire, qu'il s'agisse de sa fille Eva Lind (presque assagie en ce moment !), de son ancienne femme (toujours aussi vindicative) ou de sa récente amie Valgerdur qui, disons-le tout net, doit être une sainte pour arriver à supporter l'irrécupérable bonhomme, jugez-en :

[...] Erlendur se tut.
- Et tous ces jours de congés, tu ne veux pas les prendre ? demanda Valgerdur.
- Je devrais en utiliser quelques uns.
- Et tu penses en faire quoi ?
- Je pourrais essayer de me perdre le temps de quelques jours.
- De te perdre ? s'étonna Valgerdur. Je pensais plutôt aux îles Canaries ou à ce genre de choses.
- Oui, je ne connais pas tout ça.
- Dis-moi, as-tu jamais quitté l'Islande ? Tu n'es jamais parti en voyage à l'étranger ?
- Non.
- Mais tu en as envie ?
- Pas spécialement.(2)
- La Tour Eiffel, Big Ben, le State Building, le Vatican, les pyramides, ... ?
- J'ai parfois eu envie de voir la cathédrale de Cologne.(3)
- Dans ce cas pourquoi tu n'y va pas ?
- Ça ne m'intéresse pas plus que ça.(4)

Mais toutes et tous, même sa bonne et patiente amie Valgerdur, ne font que passer : Erlendur, livré ici à lui-même et à force de fréquenter les fantômes des disparus, semble n'avoir jamais été aussi près de rejoindre son frère disparu quand ils étaient tous deux enfants.
Seule sa fille Eva Lind reste encore le seul fil qui le rattache au monde des présents.
Ce n'est sans doute pas le meilleur roman d'Indridason, ni certainement le plus facile d'accès (MAM a moins aimé d'ailleurs) : pour une première découverte, préférez plutôt L'homme du lac, La femme en vert, La cité des jarres ou La voix.
Mais les accros du système de pensée erlendurien se retrouveront avec plaisir en terrain connu !
Pour ceux qui ne connaissent pas encore, voici quelques pages de la Cité des jarres et un chapitre de L'homme du lac. Et enfin ici, un extrait d'Hypothermie.
Un livre où l'on découvre qu'il n'est pas facile de revenir depuis l'autre côté.

(1) : on se demande d'ailleurs toujours ce que des thaïlandais peuvent bien aller faire en Islande !
(2) : arrête Erlendur, elle va te mettre une claque !
(3) : arrghhh, la réplique qui tue !
(4) : bon allez stop, Erlendur, on jette l'éponge et on se console en se disant que la Tour Eiffel fait partie des merveilles du monde vu d'Islande (elle est même la première sur la liste, ex-aequo avec la cathédrale de Cologne, faut d'ailleurs qu'on aille la voir celle-là, si Erlendur le dit c'est que ça doit valoir le coup !)


Pour celles et ceux qui aimeraient bien savoir ce qu'il y a de l'autre côté.
C'est toujours Métailié qui édite ces 295 pages parues en 2007 en VO et qui sont traduites de l'islandais par le toujours excellent Éric Boury.
Tout le monde en parle bien sûr ; Cuné, l'ombre du polar, Cottet (avec une belle analyse du rôle d'Eva Lind), Jean-Marc, Essel, ...

Cinoche : Les invités de mon père

Tout le monde il est pas beau et pas gentil.

La bande annonce pouvait laisser croire à un film de plus surfant sur la vague des immigrés et des sans-papier, mais c'est une histoire de famille que l'on découvre.
On sait depuis le très beau Ceux qui restent (qui figurait à notre best-of 2007) qu'Anne le Ny s'y entend pour filmer les couples.
Dans Les invités de mon père, Fabrice Luchini (pour une fois, maîtrisé) et Karin Viard (à son habitude, excellente) sont frère et sœur et la caméra se fait, par instants, presque incestueuse.
Car Arnaud et Babette pourraient être confondus avec un couple, au point que dans l'une des scènes, c'est Anne le Ny elle-même qui les regarde ainsi.
Un "couple" qui se retrouve et se découvre (très belle scène centrale du film, dans le jardin public où frère et sœur brisent un peu de leur carapace) après avoir appris que leur père (Michel Aumont) entreprend de vivre une nouvelle jeunesse et un mariage blanc avec une réfugiée moldave.
Pour l'avocat Arnaud et et le docteur Babette tout s'écroule.
Leur père emblématique était une "figure" de la gauche-caviar, un militant retraité des grandes causes (avortement, sans-papier,...) et la statue descend de son piédestal. Il recueille une réfugiée de l'Est, se marie avec elle et, comme ses propres enfants n'ont pas besoin d'argent, se met finalement en tête de lui léguer ses quelques sicav.
Il est donc question d'héritage.
Un héritage affectif qui n'a pas été transmis. Un héritage moral trop lourd à porter. Un héritage pécuniaire - le dernier possible ? - qui leur échappe.
Dans ce film que ne renierait peut-être pas Jean Yanne, tout le monde il est pas beau et tout le monde il est pas gentil.
Le père entend bien partager le lit de sa trop jolie moldave, une moldave qui entend bien obtenir un max de fric pour élever sa fille et en accélérant s'il le faut l'AVC du papy, le tout aux dépends d'un frère et d'une sœur qui entendent bien récupérer leur père et leur dû et feront faire le sale boulot par leurs conjoints (excellente Valérie Benguigui).
C'est très politiquement incorrect. Très grinçant. Même si Anne le Ny se garde bien de porter un jugement ou de donner des leçons : elle nous donne juste à voir de l'humain, derrière les apparences et les façades.
Une fin en demi-teinte, douce-amère, laissera chacun, frère, sœur, spectateur, se sortir comme il peut de la tourmente moldave ...


Pour celles et ceux qui aiment les portraits de famille.
Le Monde en parle, Cluny et Pascale également.

Cinoche : White material

Des trucs de blancs.

Il y a bien longtemps qu'on n'avait pas vu un film aussi prétentieux, genre regarde bien comme moi je sais bien filmer de belles images : caméra tressautante, méga-gros plans sur le duvet blond qui orne les lèvres d'Isabelle Huppert, arrière-plans flous à en donner le tournis.
Et, le spectateur étant sûrement sourd et idiot : réparties inaudibles dans des dialogues couverts par le bruit du moteur du tracteur.
Bon avec ce truc de blancs, White Material, Claire Denis se moque du monde.
Dont acte.
Pouce baisséAlors MAM s'est franchement ennuyée et bien sûr on est loin de retrouver dans cette Afrique en proie aux guerres civiles le charme évocateur du Barrage contre le Pacifique ...
Pouce levéMais BMR a cru pouvoir sauver quelques scènes comme celle où, dans la brousse, apparaissent derrière les arbres la petite troupe des enfants soldats ...
Bien sûr Isabelle Huppert est magnifique, aussi sèche que la brousse africaine, accrochée éperdument à sa récolte de café dans une plantation qui n'est même pas à elle.
Brindille blonde soufflée par les vents du sud, elle promène son air hagard de je regarde, je vais voir, faites comme si je n'étais pas là.
La terre poussiéreuse et les baies de café sont de véritables personnages du film.
Mais tout fout le camp : le pays est en proie aux guerres inter-ethniques et la famille d'Isabelle Huppert part à vaut-l'eau.
Une histoire qui met mal à l'aise, sombre et pessimiste, sans issue, ni pour la famille d'Isabelle Huppert, ni pour le pays.
On aurait quand même aimé qu'une caméra moins superficielle (et moins agitée !) soit portée sur les habitants du coin : comme si le regard des blancs ne pouvaient percer au-delà des apparences.
Reconnaissons quand même à Claire Denis le mérite d'avoir su traduire avec force l'immense et insondable gouffre qui nous sépare de ces gens qui n'ont plus rien, vraiment rien, littéralement et viscéralement rien, prêts à grignoter des pilules et des cachets comme des smarties, et pour qui la vie n'est finalement plus grand chose et n'a certainement plus du tout la même valeur qu'à nos yeux d'occidentaux ou de colons nantis. La dernière chose qui reste - et encore, vaut-elle la peine ? - quelque chose qui peut se prendre, se vendre ou s'acheter comme un bidon d'essence ou un sac de café ...


Pour celles et ceux qui aiment l'Afrique.
Clap pense comme nous. Rob Gordon a bien aimé, Critikat aussi.
Bref, les avis sont partagés comme chez Telerama.

Bouquin : Requiem pour une cité de verre

Pâques à Venise.

De Donna Leon qui est un peu à la botte italienne ce que Fred Vargas est à notre hexagone, on a déjà dit et redit tout le bien qu'on pensait , notamment à l'occasion de ses deux derniers polars : Dissimulation de preuves et surtout Sang d'ébène.
Elle figure même au best-of 2009.
Au fil des épisodes, lentement et sûrement, l'américano-vénitienne installe ses décors, ses ambiances, son style et ses personnages autour du commissaire Brunetti.
Au fil du temps, les personnages ont gagné en épaisseur et en profondeur, l'auteure a trouvé maturité et assurance.
Au point que pour ce Requiem pour une cité de verre, Donna Leon se paie le luxe de ne faire survenir le drame qu'à mi-parcours : pendant toute la première partie du bouquin le commissaire Brunetti promène sa classe et sa nonchalance au gré des canaux et des ruelles et il faut attendre la page 170 (sur 340 !) pour qu'un cadavre vienne quand même troubler les eaux tranquilles de La Sérénissime. Et c'est ce qu'on préfère dans les calmes errances de l'enquêteur. 
On prend ainsi le temps de savourer avec lui les plaisirs de Venise et ceux de la cuisine de son épouse Paola (prof de littérature comme Donna Leon) :
[...] Sur la table de la cuisine, il trouva un mot de Paola lui disant qu'elle devait rencontrer un étudiant dont elle dirigeait la thèse, mais qu'il y avait des lasagnes au four. Les enfants ne seraient pas à la maison et il y avait de la salade dans le frigo : ne restait plus qu'à ajouter l'huile et le vinaigre. Alors qu'il se mettait au travail en ronchonnant, furieux d'avoir traversé la ville pour être finalement privé de la compagnie des siens et forcé de faire réchauffer des trucs dans le four - des trucs sans doute préparés industriellement et dégoulinant de ce répugnant fromage américain orange, pour ce qu'il en savait - il s'aperçut que Paola avait ajouté un post-scriptum : Et ne fais pas cette tête, c'est la recette de ta mère.
Une autre femme côtoie (professionnellement s'entend !) notre élégant commissaire : la signorina Elettra, l'assistante du service de police au carnet d'adresses bien garni et reine du piratage informatique :
[...] "Le rapport de la main courante sur la non-arrestation du signor De Cal ; la demande de permis de conduire de Ribetti et les documents afférents - la seule chose que nous ayons sur lui ; le compte-rendu de l'arrestation de Bovo pour agression, mais c'est une histoire qui date de six ans ; et des copies des lettres que Tassini nous envoie depuis plus d'un an, accompagnées des dossiers médicaux de sa femme et de sa fille". Il restait encore un certain nombre de documents sur la table et Brunetti, quand elle se tut, demanda ce que c'était. Elle le regarda avec un petit sourire gêné. "Des copies des déclarations fiscales de De Cal pour les six dernières années. Une fois que je commence à fouiner, une chose mène à une autre et j'ai un peu de mal à m'arrêter".
On savait l'élégante signorina redoutable au clavier : c'est confirmé !
Au fil des enquêtes de Brunetti, sans tapage ni fureur, Donna Leon brosse à petites touches un portrait peu reluisant de la vie sociale et politique de la lagune où trafics, magouilles et malversations sont les couleurs dominantes, comme en écho aux ors des anciens palais.
Cette fois-ci, c'est sur fond d'élection, d'écologie et de pollution industrielle qu'est planté le décor, ce qui donne l'occasion de quelques excursions jusqu'à Murano, l'île des maîtres verriers.
Même si le pamphlet écolo-politique n'est pas du tout le style de Donna Leon, on devine quand même dans ce portrait en demi-teinte que la transparence n'est pas la qualité première de la cité du verre ...


Pour celles et ceux qui aiment les canaux de la Sérénissime au printemps.
Points poche édite ces 340 pages qui datent de 2006 en VO et qui sont traduites de l'anglais (Donna Leon est une américaine qui vit à Venise) par William Olivier Desmond.

Miousik : Korean voices

Melting-pot.

Voici deux chanteuses américaines qui partagent une même origine : la Corée, et un même style de musique.
Entre folk et pop, des chansons qui rappellent un peu Regina Spektor (la new-yorkaise qui est, elle, d'origine russe).
Voici deux extraits de nos coréennes :Notre playlist sur Deezer
- I don't think so  de Priscilla Ahn
- Seasons change  de Susie Suh.
Mais, mieux encore, vous pouvez écouter ces dames en version intégrale
dehttp://carnot69.free.fr/images/deezer.pngpuis notre playliste Deezer.


Pour celles et ceux qui aiment les voix qui voyagent.