Cinoche : Killing them softly


Fin du rêve américain.

Il y a eu l'assaut terroriste du 11 septembre, il y a eu l'assaut des éléments avec Katrina, mais c'est miné et sapé de l'intérieur, que le rêve américain s'est écroulé avec la faillite des banques et la crise des subprimes. Fin de la récré.
Le film d'Andrew Dominik s'ouvre (et se déroulera) dans des décors désolés et désolants : parkings ventés où volent les ordures, ponts autoroutiers déserts, rues pluvieuses, c'est la fin du monde. La fin du rêve américain.
Dans ce décor flippant, deux ou trois petites frappes, des loosers égarés entre deux séjours en taule, vont rafler la mise dans un tripot clandestin.
Le syndicat du crime n'entend pas laisser l'affaire impunie et Cogan (Brad Pitt) est chargé de remettre un peu d'ordre. À sa manière(1) puisque Cogan n'aime pas mettre du sentiment dans ce genre d'affaires (ça braille, ça supplie, ça se pisse dessus, ...) et préfère les tuer doucement (Killing them softly), de loin.
Le casse du tripot clandestin a mis à mal les affaires de la mafia et même dans le crime c'est la crise : Cogan devra négocier âprement ses tarifs.
Cette crise omniprésente est la toile de fond de cette toile et tout au long du film on écoute (télé, radio) des extraits des discours de la campagne d'Obama. L'Amérique est un seul pays, un seul peuple nous dira Obama quand Brad Pitt reprendra : L'Amérique n'est pas un pays, c'est un business.
Construit autour de dialogues à haute tension(2), où le cinéphile averti pourra redécouvrir toutes les subtiles déclinaisons du mot fuck, le film est noir. Ou plutôt gris foncé, c'est encore pire.
Aucun des personnages ne peut prétendre allumer une lueur d'avenir ou même d'espoir : les loosers à l'initiative du casse se shootent à qui mieux mieux et n'ont rien trouvé d'autre que des chiens à trafiquer, le patron du tripot avait déjà simulé son propre braquage auparavant, l'avocat mafieux qui commandite le règlement de comptes ressemble plus à votre agent d'assurance qu'au parrain, et le collègue de Cogan picole tellement que Brad Pitt doit se taper tout le boulot, ...
À la télé, la campagne électorale bat son plein : c'est la faillite du monde bancaire en particulier, du monde de l'argent et donc du monde américain en général. Et dans la rue tout fout le camp.
Rien de trépidant (à part le passage à tabac très violent de Ray Liotta) dans ce thriller qui n'en n'est pas vraiment un.
Le film souffre de quelques maladresses, quelques effets répétitifs, quelques ralentis un peu appuyés, quelques longueurs (la scène du shoot par exemple), mais globalement on se laisse imprégner par la grisaille ambiante jusqu'à faire sien le regard désabusé (le mot est faible) de Brad Pitt et Andrew Dominik sur les États-Unis des années 2010 : c'est l'Amérique post-subprimes.
(1) - c'est presque le titre du bouquin original qui date de 1974 : L'art et la manière, de George V. Higgins
(2) - dialogues apparemment fidèles au bouquin

Pour celles et ceux qui aiment les tueurs désabusés.

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