Cinoche : Hannah Arendt

Éloge de la pensée.

Le film de Margarethe von Trotta offre un beau portrait de femme.
Le portrait de Hannah Arendt, philosophe allemande d’origine juive, réfugiée aux États-Unis pendant la guerre et qui “couvrit” le procès d’Adolf Eichmann pour le compte du New-Yorker en 1961.
Le livre qu’elle tira de ce procès fit polémique(1).
Parce que son reportage refusait de diaboliser le bourreau nazi : ce n’était qu’un homme ordinaire qui obéissait aux ordres. Ce n’en était que plus terrible mais les propos de Hannah Arendt furent mal compris et surtout, ne correspondaient pas à l’idéologie sioniste de l’état israélien qui voulait faire de ce procès une tribune à grand spectacle.
Les écrits de Hannah Arendt transcrivaient également des propos tenus lors du procès, propos qui mettaient en cause l’attitude des “conseils juifs” pendant la guerre et leur coopération avec les nazis.
Quand on sait de plus que Hannah Arendt fut la maitresse de Heidegger (avant guerre) et que le bonhomme se montra ensuite moins fin politique que grand philosophe, allant jusqu’à s’inscrire au parti national socialiste, on comprend que la dame fut l’objet d’une vive polémique.
Mais le film est loin de se réduire à cette controverse historico-philosophique, bien au contraire.
L’histoire qui nous est contée est plutôt celle de la naissance d’une pensée, la pensée de Hannah Arendt qui, à l’occasion du procès Eichmann, mit la touche finale à sa philosophie du totalitarisme. Décrivant le processus par lequel ce totalitarisme déshumanise totalement les bourreaux (et les victimes) et au nom duquel les actes les plus horribles  sont commis sans remord, sans morale, sans humanité … La banalité du mal ordinaire. Rien de diabolique là-dedans, malheureusement.
Le film montre (et fort bien) la naissance de cette pensée, le cheminement intellectuel de la dame et bien sûr son opposition à ses détracteurs. Avec ce qu’il faut de suffisance et d’arrogance pour que la pensée d’un individu parvienne à se dresser contre vents et marées. C’est tout simplement passionnant.
Le film, qui reste très classique et presque académique, fait la part belle à Barbara Sukowa qui incarne là une belle figure, féminine et intellectuelle.
On apprécie également l’habile montage avec les images d’archive du procès : le mélange rappelle un peu ce qu’on avait déjà goûté dans le film chilien No.
La seconde partie du film se laisse tirer un peu trop sur la pente de la controverse et de la polémique mais cela ne suffit pas à gâcher ce très bel hymne à la pensée libre et indépendante, seul rempart contre le totalitarisme.

(1) - il est conseillé de (ré)viser un peu avant d’aller voir le film : Wikipédia et Rue89 sont deux saines lectures



Pour celles et ceux qui aiment réfléchir.

Cinoche : Le temps de l’aventure

Métier : actrice

Week-end cinoche bien décevant : après le soporifique Grandmaster de Wong Kar-Waï dont on ne sait trop quoi dire(1), voici le film de Jérôme Bonnell : Le temps de l'aventure, qui s'avère également bien en-deçà de nos attentes.
Mais comme nous sommes des inconditionnels d'Emmanuelle Devos, on ne pouvait pas le manquer.
Alors oui, cette grande actrice qu'est E. Devos crève l'écran comme à son habitude et son subtil jeu décalé fait à nouveau merveille.
Il n'y en a que pour elle, actrice fétiche de J. Bonnell.
Et ça frise d'ailleurs le fétichisme : on ne compte plus les plans sur la nuque et les cheveux d'Emmanuelle ou sur les pas d'Emmanuelle en sandales.
D'ailleurs, on ne compte plus les plans répétitifs : elle doit tirer de l'argent avec sa carte bancaire au moins 5 ou 6 fois(2), téléphoner au moins 10 ou 12 fois, prendre le métro au moins 5 ou 6 fois, etc...
L'idée de départ était plutôt alléchante, surtout avec E. Devos à l'affiche : entre deux trains, une aventure d'un jour avec un bel inconnu (Gabriel Byrne, séduisant ... mais insipide face à E. Devos).
Mais voilà qu'en chemin, Jérôme Bonnell entreprend de nous expliquer et ré-expliquer les états d'âme de la belle : carrière en panne, jalousie familiale, couple en berne, compte en banque à sec, et d'autres choses encore qu'on ne vous dit pas.
Bref, E. Devos se cherche et veut faire le point sur sa vie. Bof. On aurait préféré rester sur l'idée d'une rencontre hasardeuse entre deux trains, c'était plus poétique et moins trivial. Bref, lourdingue, lent et ennuyeux.
Reste une scène à sauver, magique.
Au début du film, E. Devos (elle est actrice, je veux dire : actrice dans le film) passe une audition pour un casting, genre le film dans le film. Elle doit jouer une scène un peu bébète.
Évidemment, elle s'en tire à merveille et on se dit, purée quel métier ! même avec ce petit texte insignifiant, sorti de tout contexte, on y croit ...
Et puis, allez on refait une autre prise ? avec (je cite) : un peu plus d'émotion ?
Et alors là, on est scotché au fauteuil : le même texte toujours sans intérêt mais complètement transfiguré par une actrice qui le joue dans un registre totalement différent. Chapeau !
Il est rare que nous soit donné à voir le métier d'acteur d'une manière aussi lumineuse.
Bien entendu elle sort du casting catastrophée et jugera sa prestation lamentable !

(1) - BMR s'est même retrouvé à somnoler entre deux combats de kung-fu, certes filmés à la perfection, mais ennuyeux et sans âme - où veut en venir Wong Kar-Waï ? on attendait un "In the mood for kung-fu"  mais on s'est retrouvé avec un catalogue de belles images sans aucun intérêt
(2) - des fois que ceux du fond comprennent pas, la pauvre Emmanuelle va même à sa banque chercher du liquide, sans succès évidemment puisque, on insiste encore, je cite : elle a dépassé son autorisation de découvert. Ah bon ? Manque plus que l'apparition du relevé de compte à l'écran : la dèche expliquée et ré-expliquée pour les nuls.


Pour celles et ceux qui aiment Emmanuelle Devos.
Alain en parle et lui, a bien aimé.

Bouquin : La dette

Nuages sombres sur la nation arc-en-ciel.

http://carnot69.free.fr/images/afric.gifNous revoici partis en Afrique du sud avec un polar de Mike Nicol : La Dette, qui nous a été aimablement proposé par Babelio et les éditions Ombres Noires.
Le tout annoncé par Courrier International et un grand succès chez nos voisins allemands : le vol semblait alléchant.
Mais l'atterrissage est un peu décevant.
Mike Nicol nous conte l'histoire de deux anciens trafiquants d'armes, deux gars pas très reluisants (un blanc et un black, pour équilibrer sans doute) qui depuis les belles années des guerres sud-africaines se sont recyclés dans la sécurité rapprochée, par exemple celle des riches venus au Cap pour un safari-chirurgie (esthétique s'entend, la chirurgie).
Les deux compères mènent la belle vie, avec même quelque magot planqué dans les îles, et tout irait pour le mieux sous le ciel de la nouvelle nation arc-en-ciel.
Sauf qu'on n'échappe pas impunément à son passé. Quand on a fait ce qu'on devine qu'ils ont fait, on a forcément des dettes de ci de là.
À commencer par une dette envers des "potes" encore moins reluisants dont il faut assurer la sécurité : les "potes" en question trafiquent dans la drogue et les soirées hot pour la nouvelle bourgeoisie du Cap. Bon gré mal gré, faut bien les aider, eu égard à ce qu'ils savent du passé.
Et puis peut-être une dette envers d'autres groupuscules activistes avec aux commandes une beauté sombre à la main mystérieusement gantée. La belle Shemina semble en vouloir à nos deux compères, eu égard à ce qui s'est passé dans le passé. Et elle s'oppose tout à fait au trafic de drogue : les ennuis vont commencer.
Il y aura même d'autres équipes dans la danse, toujours reliées au passé. Visiblement le ciel de la nation arc-en-ciel reste obscurci et du passé, il n'est pas possible de faire table rase.
Trafic d'armes, trafic de diamants(1), trafic de drogue, enlèvements, meurtres et assassinats, ... voilà le menu.
Avec en prime quelques balades dans la ville, entre montagne et océan, ça donnerait presque envie.
Sauf que ça ne prend pas tout à fait : l'intrigue est un peu décousue (beaucoup d'acteurs, plusieurs sujets, pas de fil conducteur solide), le style un peu sec, les héros pas très charismatiques, ... on a un peu de mal à rester accroché même si ça se lit sans déplaisir.
Les paysages du Cap ont l'air magnifiques mais le ciel peint par Mike Nicol n'est pas encore suffisamment dégagé pour nous inciter à aller y passer des vacances.
Ce bouquin nous a semblé moins intéressant que ceux de Deon Meyer et moins bien écrit que celui de Malla Nunn.

(1) - ça va ensemble, rappelez vous le film Blood Diamond

Pour celles et ceux qui aiment les trafiquants.Ces 560 pages parues chez Ombres Noires datent de 2009 en VO et sont traduites de l'anglais par Estelle Roudet.
D'autres avis sur Babelio. On peut feuilleter quelques pages chez Ombres Noires.


Cinoche : Perfect mothers

Cougar : animal australien qui couche avec ses petits.

Anne Fontaine nous emmène en Australie aux côtés de ses deux Perfect Mothers.
Elles sont belles et même très belles, riches et même oisives et elles habitent une maison au bord de la falaise avec vue sur le Pacifique(1), une maison qui relègue celles de Marie-Claire au rang de cabanes de jardin.
Elles sirotent du chardonnay le soir, en tenue légère et pieds nus sur la terrasse en bois, après avoir bronzé sur la plage toute la journée (j'invente rien : la vie n'est pas facile pour tout le monde).
D'emblée, la cinéaste Anne Fontaine assume son propos : vaut mieux être beau et riche dans une superbe baraque en Australie que pauvre et moche dans une cité du 9-3.
Alors c'est l'histoire de Roz (Robin Wright) et de Lil (Naomi Watts). Elles ont grandi ensemble. Elles vivent en proches voisines dans leurs super baraques (voir plus haut, je recommence pas, trop les boules même si on n'habite pas une cité du 9-3).
Elles sont proches depuis toujours, très proches depuis longtemps. Trop proches même puisque le mari de Roz (celui de Lil n'est plus), le mari de Roz donc se sent presque exclu. Et puis voilà que le mari de Roz se voit proposer un job à Sydney, à la grande ville donc. Et lorsqu'il suggère à Roz de quitter ce joli coin ... c'est non.
Pour Lil ? pour la baraque ? les deux ?
Faut dire qu'il faut être vraiment très con pour, avec une femme comme ça (mazette !) et une baraque comme ça (voir plus haut, je recommence pas, trop les boules), donc faut être vraiment très très con pour avoir ne serait-ce que le début de l'idée de quitter une femme comme ça et une baraque comme ça. Mais donc il est très con (et moustachu en plus).
Et voici nos deux riches et belles oisives qui se retrouvent seules. Ou presque.
Car elles ont chacune un fils. À peine vingt ans, tous deux aussi parfaits que leurs mamans : beaux, jeunes, bronzés et musclés, ils passent leur journée à faire du surf.
Il fait beau, y'a du soleil, des corps bronzés et des maillots de bain ... ce qui devait arriver arrivera : les fils couchent avec leurs mères. Enfin, comprenez bien : le fils de l'un avec la mère de l'autre et lycée de versailles. C'est pas de l'inceste, juste un zeste. Depuis toujours, les deux amies trop proches partagent tout. Alors pourquoi pas se partager les fistons ?
Évidemment, ça ne va pas tout à fait bien se passer : même en Australie on ne couche pas impunément avec le fils de la voisine.
Voilà. MAM s'est arrêtée là et s'est franchement ennuyée (je la sentais rencognée dans son fauteuil, ça présageait rien de bon). Malsain et pas crédible : le jugement est sans appel.
BMR, qui n'avait d'yeux que pour Robin Wright, ses fesses et sa maison, tente une lecture plus approfondie.
Accentué par une belle unité de lieu presque théâtrale, y'a un petit côté tragédie grecque (Phèdre bien sûr) entre ces quatre-là qui sont prêts à tout pour aller au bout de leur destin et de leur passion sans issue (façon : nous ne vieillirons pas ensemble) : l'entourage ne pèse pas lourd en face de ces pulsions, fantasmes, passions, désirs(2) et il va y avoir quelques dommages collatéraux. Le très beau plan final (qu'on ne vous dévoile pas) est bien dans cet esprit.
Y'a aussi le côté chic dessus, dirty dessous : c'est un peu ce que sous-entend le titre avec deux femmes qui tentent de faire bonne figure dans la société bien pensante de ce petit coin perdu d'Australie, qui essaieront d'être des perfect mamans, des perfect belles-mères, des perfect grand-mères, mais qui resteront tourmentées par les passions les plus vives. Sauf que ce thème est à peine effleuré, que notre époque est quand même un brin plus libérale, surtout chez les riches et que franchement, ces tourments-là, dans ce cadre-là, on est tous partants.
Ouais. La conclusion de BMR c'est qu'Anne Fontaine hésite un peu trop entre le film glamour aux belles images et le décorticage bourgeois à la Chabrol. Et que le côté glamour envahit tout autre propos. Incestueux mais trop chic.
Reconnaissons quand même à la cinéaste le mérite de savoir filmer à la perfection les belles femmes parfaites, comme c'était déjà le cas avec Coco avant Chanel.
Mais justement dans Coco, le patchwork rendait plutôt bien entre les belles gravures de mode et la réflexion cinéphilosophique autour de la condition féminine de l'époque et la rébellion de Coco.
En Australie, aujourd'hui ... rébellion vous dites ? Eeeuuuh ...
Ben nous pas de problème, on veut bien même aller jusqu'à être témoins de leurs mariages quasi-incestueux si elles nous prêtent la baraque un mois à Noël ...
L'amie Nadine a été enthousiasmée par ce film ce qui prouve au moins deux choses : d'une part, qu'à chaque spectateur, son film (ça on le savait déjà), d'autre part qu'elle est attirée par les jeunes et beaux garçons (ça c'est peut-être nouveau).
(1) - BMR et MAM tueraient pour une baraque pareille 
(2) - cochez la case vous concernant

Pour celles et ceux qui aiment les maisons avec vue.
Le film est fidèlement adapté d'une nouvelle de Doris Lessing : Grands-mères, un livre qui semble d'ailleurs essuyer un peu les mêmes critiques.
Pour une fois Critikat est plus enthousiaste que nous.

Cinoche : Effets secondaires

Bien lire la notice.

Le mari sort de taule.
Mais sa petite dame déprime quand même : ils n'ont plus le train de vie qu'ils avaient avant. Et pour cause c'est pour ça qu'il était en taule.
Ils vivaient au-dessus de leurs moyens, ou plus exactement avec les moyens des autres, les moyens de la bourse. Monsieur a spéculé un peu trop et s'est brûlé les ailes à la lumière trop forte du Dow Jones.
Du coup, maintenant après la taule, c'est la mouise et la petite dame déprime.
Forcément elle voit un psy. Qui lui prescrit quelques pilules.
Parce que forcément, quand on est toubib, les labos font le siège de votre cabinet pour réaliser des "études" avec vos patients.
Avec forcément quelques Effets secondaires : c'est marqué sur la notice ...
Alors forcément, ça va mal finir et la petite dame va forcément péter un câble.
Ouais ... c'est bien l'engrenage que laissait entrevoir la bande annonce.
Sauf que c'est pas du tout ça ! Steven Soderbergh nous a manipulés toute la première moitié du film et nous a fait avaler quelques pilules. Les effets secondaires se développent dans la seconde moitié.
Tel est pris qui croyait prendre. Et même tel est pris qui croyait prendre celui qui est pris qui croyait prendre.
Retournements de situations et de personnalités s'enchaînent ...
On goûte d'ailleurs quelques savoureux retours sur la première partie du film avec de tout autres cadrages sur les "mêmes" scènes : les images nous ont bien fait voir ce qu'on voulait bien nous laisser voir(1) !
MAM a beaucoup aimé ce médico-psycho-thriller et partage l'avis positif de Cluny .
BMR a été (presque) un peu déçu (qui attendait peut-être trop de ce film après moult critiques élogieuses) et pour une fois partage l'avis de Critikat . Il faut dire que ces histoires de pilules viennent quelques années un peu tard (même s'il n'est jamais inutile de rabâcher) et puis aussi que, une fois les multiples masques tombés, aucun des personnages du film n'est finalement vraiment sympathique ...
Reste une actrice qui, depuis Facebook et Millenium-2, confirme qu'elle est la nouvelle femme fatale du cinoche : Rooney Mara.
Quelques belles photos de la petite dame (en dehors du film)  ici.

(1) - un peu comme le film de Mathias Gokalp (Rien de personnel) qui nous faisait revivre plusieurs fois les mêmes scènes sous des angles très différents

Pour celles et ceux qui aiment prendre des pilules. 
Cluny en parle, Critikat aussi.

Bouquin : Infiltrée

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200% adrénaline.

Alors c'est qui donc qui nous a parlé d'Infiltrée de John Connor ?
On sait plus, on n'a pas noté, on retrouve plus (un comble avec tous les outils du ouèbe qu'on a) et c'est pas bien.
Alors on peut pas remercier cette bonne âme qui nous aura valu quelques heures stressantes, des moments haletants, quasi une ou deux nuits blanches, et même à MAM de louper sa station de métro (ou presque : heureusement au fil des âges, les parisien(ne)s ont développé quelques réflexes cérébrospinaux).
Car une fois ouvert ce piège, impossible de reposer la liseuse.
C'est du thriller 200% adrénaline. Méchants tueurs, très méchants, gentille dame (mais plus gentille du tout quand elle s'énerve), enlèvements, tortures, meurtres, et j'en passe, y'a même une gamine de onze ou douze ans en prime(1).
Et ça démarre très fort, dès la deuxième page avec un mec ligoté, déjà bien amoché et bien arrosé (d'essence, ça va sans dire), qui se fait défenestré en flammes.
[...] Akhtar n’avait probablement jamais tabassé personne de sa vie. Tout dans ses mouvements transpirait la peur : il cognait n’importe comment, sans viser, impatient d’en finir au plus vite. Stijn lui avait dit qu’il ne fallait pas de sang. Pourtant, il s’était emparé de ce pied de chaise et, avec un haut-le-cœur, avait frappé à la tête.
[...] Stijn fit un pas en arrière, sortit son Zippo et l’alluma. Sans hésiter une seconde, il l’approcha du blouson de l’homme et l’y laissa un instant, le temps que le feu prenne. Le tissu s’embrasa en produisant un bruit semblable à celui d’un feu de cuisinière qu’on allume après avoir laissé le gaz ouvert quelques secondes. Les flammèches bleues qui éclairèrent momentanément son visage se transformèrent très vite en flammes jaune orangé, si chaudes que Stijn sentit ses sourcils chauffer. Il recula et, fasciné, contempla le spectacle.
Le ton est donné. Et le rythme ne baissera pas tout au long du bouquin.
Mais ça encore, c'est rien, rodé, blasé, on a l'habitude, et c'est plus ça qui fait le bon bouquin.
Non l'astuce de Connor qui double la mise et le stress, c'est que le lecteur se retrouve brutalement plongé et sans explication en pleine guerre des gangs et/ou des polices (?) et n'y comprend rien, mais rien du tout ! Aucun des personnages n'est réellement celui qu'on croit ! Les méchants sont peut-être des gentils mais redeviendront sans doute des méchants quand même, va savoir. Et inversement.
Faut dire que l'héroïne (Karen ? Anna ?) est une infiltrée, c'est -à-dire qu'elle fait semblant d'être ce qu'elle n'est pas pour mieux piéger des vilains qui font semblant de ne pas être ce qu'ils sont.
Évidemment elle va déguster parce que quelqu'un a vendu la mèche ... qui c'est donc ?
Alors même si le style simple et efficace ne mérite pas de réveiller Victor Hugo, on dévore ce thriller à toute allure : à la fois bien sûr pour en finir avec les atrocités dont certains font l'objet(2) (100% adrénaline) mais aussi et surtout pour savoir finalement qui est qui (+100% adrénaline) = 200% efficace !
(1) - fort heureusement, l'auteur évite le mélo larmoyant avec la gamine qui s'avère finalement encore plus Lara Croft que sa mère - mais faut dire qu'elle a été à bonne école 
(2) - genre égorgement dans un abattoir à moutons, par exemple, très chic n’est-il pas ?

Pour celles et ceux qui aiment thriller.
Et on n'a pas noté ceux qui en parlaient aussi, c'est pas bien.

Cinoche : The queen of Montreuil

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Rêverie banlieusarde.

Montreuil c'est quand même de l'autre côté du périph. Alors il aura fallu de bonnes critiques [1] [2] pour nous y emmener (non, pas à Montreuil, faut pas déconner, mais dans un cinoche intra-muros pour voir le film) et puis la réalisatrice Sólveig Anspach qui est islandaise et puis y'a même des acteurs islandais qui causent islandais et puis y'a un phoque. Allez on va voir : The queen of Montreuil.
Et on a bien fait.
Un gentil petit film, bien sympathique et bien loufoque.
Avec en prime, l'excellente actrice qu'est Florence Loiret-Caille (déjà vue dans Je l'aimais et J'attends quelqu'un par exemple).
Cette fois Florence Loiret-Caille tient le premier rôle et joue Agathe qui revient de vacances en Asie (on l'apprend peu à peu) avec l'urne contenant les cendres de son époux décédé dans un accident de tak-tak. À l'aéroport, elle rencontre deux islandais (mère et fils) désemparés par la crise qui secoue leur ile. Elles les héberge chez elle, à Montreuil donc.
Une maison baba-cool, façon cour des miracles, avec plein de voisins sympas qui ne demandent qu'à (trop) aider Agathe à faire son deuil. Voilà. Tranche de vie avec plein de personnages sympas(1) qui gravitent autour de notre Agathe qui peine à quitter l'urne de son mari, de ses nouveaux amis islandais et de son phoque.
Il manque un petit quelque chose pour atteindre le coup de cœur : un peu plus de rythme, un peu moins de dispersion peut-être(2). Mais on ne s'ennuie pas une minute à suivre les péripéties loufoques de cette bande un peu déjantée jusqu'au bord de mer (bien loin de Montreuil donc !) dans une scène qui rappelle (trop ?) une autre belle histoire, celle de Jacques Gamblin et Sara Forestier dans Le nom des gens, une scène où les phoques auraient remplacé les crabes !
Une gentille rêverie fantaisiste, bien plus réussie que le Conte d'Agnès Jaoui dont on n'avait même rien trouvé à dire ici.
Juste on comprend pas pourquoi Sòlveig Anspach est allé situé son film si loin à Montreuil : y'a tout plein de quartiers sympas dans Paris. Pfff (3)
(1) - comme le type de la laverie et surtout le grutier impayable(2) - les scènes sur la grue sont superbes, certes, mais n'apportent pas grand chose au fil de l'histoire
(3) - bon d'accord, elle vit à Montreuil, ça peut se comprendre

Pour celles et ceux qui aiment Montreuil.
Critikat et Cluny en parlent.

Cinoche : Les amants passagers

Vol plané.

Ce week-end pascal on pouvait tout à fait éviter le dernier Almodovar et en profiter pour aller chercher des œufs en chocolat ou des poissons d'avril : Les amants passagers n'arrivent pas à nous faire décoller et le film est malheureusement fidèle à sa bande annonce.
Très années 80 (générique vintage, décors et costumes, ...), l'idée du scénario n'était pas si mauvaise : coincés dans un avion qui tourne en rond au-dessus de l'Espagne pour avarie, les passagers se dévoilent peu à peu ...
Le tout sur fond de révolution sexuelle (années vintage ?) où il est beaucoup question d'homo, un peu de sado-maso et un chouïa d'hétéro. À notre époque pas du tout vintage où Frigide Barjot et ses collègues se croient autorisés à manifester pour priver certains de nos compatriotes d'un droit légitime, il n'est jamais inutile de faire un peu de propagande.
L'idée étant qu'avec un peu de champagne et de mescaline, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (années 70, vous dis-je). Mais cela ne suffit pas un faire un bon film.
Comme les passagers du vol Almodovar, on attend dans nos fauteuils : bon, faut mettre tout ça en place, ça va sûrement décoller, attends un peu, tu vas voir, ... Et bien non, atterrissage en douceur, vol sans histoire (oui c'est ça, sans histoire).
Reste qu'on atterrit dans un aéroport aux relents de scandale espagnol, sans doute une sorte de Notre-Dame des Landes ibérique, mais on manque de références locales pour apprécier.

Pour celles et ceux qui aiment (mais alors vraiment beaucoup) les vols un peu gays. 
Cluny en parle.


Cinoche : The place beyond the pines

Destinées

Belle histoire (belles histoires devrais-je dire) que nous raconte Derek Cianfrance (le réalisateur de Blue Valentine).
Belles histoires puisque le film est clairement découpé en trois parties, trois chapitres.
Le premier est celui de Ryan Goslin qui abandonne la voiture de Drive pour la moto.
Plus voyou beau gosse, tu meurs.
Se découvrant soudain père d'un petit garçon auprès d'Eva Mendès qu'il avait abandonnée il y a quelques années (quel con !), il entreprend de laisser tomber la fête foraine (un cirque dans lequel il joue les gladiateurs à moto) pour cambrioler des banques : c'est plus rentable et ça lui permettra de combler son fils de cadeaux.
Enfin, c'est ce qu'il croit. Puisqu'il croisera la route d'un flic.
La seconde histoire est celle du flic, Bradley Cooper. Après avoir joué les héros en stoppant les exploits du bandit à moto, il fricote avec les ripoux de son unité. Mauvais plan pour lui aussi.
Le troisième chapitre enfin, il vous faudra aller au ciné pour le découvrir, on vous le raconte pas.
D'ailleurs on vous a pas dit grand chose car c'est un film à savourer lentement (ça dure quand même près de deux heures et demi, même si on ne s'ennuie pas un instant). Beaucoup de tension(1) mais un rythme qui laisse le temps aux personnages de s'installer et de développer toute leur complexité. Une belle histoire, riche, et très bien racontée : voilà un film original, qui change des montages habituels, et qui s'éloigne de la bande annonce 'polar' qui le précédait.
Chacune des histoires amène une rupture là où on ne l'attendait pas trop(2).
Chacune des histoires parle du père : Ryan Goslin n'a pas connu le sien et voudrait bien rattraper le destin quand il découvre son fils, Bradley Cooper négligera le sien (de fils) et aura bien du mal avec son juge de père (ça aide pas quand on fricote avec les ripoux).
Chacune des histoires parle de destinée et des choix qui nous conduisent sur ce chemin qui est le nôtre, même si parfois c'est pour tenter d'en inverser le cours.
Chacune des histoires pourrait tourner autour de cette photo (ci-contre).
Juste on regrette le rythme un peu lent des deux derniers volets, un peu trop longs : après le premier qui est plutôt 100% adrénaline, le film en parait presque déséquilibré.
Un film à savourer.
Saluons au passage le second rôle de Ben Mendelsohn qu'on avait déjà croisé dans Cogan.
(1) - comme la scène de la perquisition par exemple et bien sûr les cambriolages à moto du début
(2) - à commencer par la surprenante issue des courses à moto !

Pour celles et ceux qui aiment les histoires de pères et fils. Critikat et Cluny en parlent.