Cinoche : L’enquête

Le journaliste et la blanchisseuse.

On se souvient tous de la fameuse Affaire Clearstream, de la guerre Villepin/Sarko qui s’ensuivit, de ces listings plus ou moins falsifiés sortis des ordinateurs de la firme, comme une sorte de bande-annonce des affaires-leaks qui sortent du bois depuis quelques années.
Mais si comme nous, vos souvenirs de cette affaire sont un peu flous, comme une succession de flashes du JT, il vous faut de toute évidence aller voir L’enquête de Vincent Garenq qui relate l’enquête du journaliste Denis Robert (le vrai, incarné ici par le désormais incontournable Gilles Lellouche).
Paradoxalement, le côté le moins réussi du film est le portrait du journaliste et de son enquête : Lellouche est désormais un peu trop vu à l’écran, son personnage d’obstiné paranoïaque n’est pas très sympa (mais sans doute proche de celui de la vraie vie …), le travail d’enquête se résume à faire parler quelques témoins coûte que coûte, … le seul intérêt est de nous rappeler que Denis Robert fut d’abord lâché par ses pairs avant d’être poursuivi par les méchants.
Non, le volet le plus intéressant de ce film, c’est le décor de la politique et des affaires.
Des affaires dont finalement Clearstream n’était qu’un instrument financier, un bel outil mais juste un outil.
Ce film nous en apprend finalement plus sur les frégates de Taïwan que sur Clearstream.
On y voit Fabius porter les valises, Villepin se faire manipuler par un drôle de bonhomme.
On y voit l’un des dirigeants de EADS, Jean-Louis Gergorin, tenter de déstabiliser son rival chez Thomson qui avait vendu les frégates aux taïwanais avec au passage de substantielles rétro-commissions pour les un et pour les autres.
Mais surtout, au-delà du scandale financier, on (re-)découvre que ces frégates (avant même d’être armées) avaient déjà causé plusieurs morts jusque dans les rangs de la direction de Thomson. Incroyable.
Tout cela est filmé comme un thriller, presque à la Largo Winch, en arrière-plan de l’enquête Clearstream.
Juste un petit regret concernant la mise en perspective du terrorisme (histoire de nous rappeler qu’on était en 2001) qui semble un peu racoleuse et qui est sans doute hors de propos (dans cette affaire-ci tout du moins).
Le personnage le plus intéressant du film, celui sur lequel on aurait envie de s’attarder, c’est finalement le juge Renaud Van Ruymbeke (auquel Charles Berling prête son visage, pardon : à qui le juge a prêté ses traits).
Avec ce film, Vincent Garenq entrouvre une porte qui devrait peut-être rester fermée : on entrevoit nos politiciens corrompus, les dirigeants de nos entreprises prêts à tout, de l’argent sale avec beaucoup de zéros et même quelques cadavres. Tout cela donne envie de (re-)fermer les yeux ou de fuir, mais certainement pas de travailler pour ces grands groupes du CAC40 ni de voter pour ces politiques corrompus : ainsi va notre monde où l’on ne fait pas d’omelettes sans casser quelques œufs, tel est le prix de notre mode de vie, de nos emplois, de notre croissance ?
Au final, un film bien maladroit qui manque de peu ce qu’aurait pu être un polar journalistique, qui laisse juste espérer ce qu’aurait pu être un thriller politique mais qu’il faut aller voir pour réveiller sa conscience trop facilement endormie.


Pour celles et ceux qui aiment savoir ce qu’il y a derrière la façade de la blanchisserie.
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