Cinoche : Everest


L'histoire de la montagne qui avait toujours le dernier mot.


Dans un autre registre que Marguerite, Everest est encore un film qui cache bien son jeu.
Faut dire qu'avec Baltasar Kormákur aux commandes, on s'en doutait un peu. Voilà un cinéaste qui s'y entend à dépeindre des contrées inhospitalières et à vous donner envie de les fuir à tout jamais : après Jar City et les marécages de son Islande natale, voici le tour des glaciers du Népal.
Expédions tout de suite notre carte postale de Katmandou : on sait notre peu d'enthousiasme pour la 3D (hormis Gravity et quelques dessins animés) mais là encore elle n'apporte pas grand chose à un film dont on aurait beaucoup plus apprécié les superbes images sur une grande toile technicolor sans lunettes colorées. Bien sûr on aura droit à quelques effets de relief, de multi-plans, sur la chaîne himalayenne, mais bof, cela accentuerait plutôt l'aspect carton-pâte du décor (le film est en partie tourné dans les Dolomites).
Et puis que dire de la majeure partie du film qui se concentre sur les personnages ?
Heureusement, cet Everest-là ne se réduit pas à un album photos, fut-il en relief.
Et ce n'est pas non plus le blockbuster à l'américaine façon film catastrophe.
Car dans ce décor en presque noir et blanc, Kormákur donne une image très sombre de la folie des hommes face à la Montagne (au Sommet) à qui appartient toujours le dernier mot. Et ce ne sont pas quelques incantations et psalmodies tibétaines qui pourront changer l'ordre naturel du monde.
En 1953, E. Hillary et son Sherpa Tensing Norgay furent les premiers héros à atteindre le toit du monde. Mais quarante ans plus tard, le 'tourisme' et le fric ont envahi le Sagarmatha et des agences proposent désormais leurs services pour acheminer la folie de quelques hommes (et de rares femmes) jusqu'au Sommet des sommets, pour la modique somme de 65.000 $ environ.
Le 10 mai 1996 marquera un record : 8 personnes ne redescendront jamais. Et d'autres avec quelques nez et doigts en moins.
C'est ce que nous raconte le film avec minutie et précision (même les noms ont été conservés à l'écran) : deux heures de stress et de tension où il est moins question d'ascension et d'alpinisme que de souffrance parce que le corps va mal, privé d'oxygène suffisant.
De tous les personnages, aucun ne suscite vraiment l'empathie : le texan arrogant et le naïf inconscient ne sont pas des alpinistes mais des clients.
On est bien loin de la solidarité entre sportifs, que ce soit entre les cordées concurrentes ou même au sein d'une même équipe : des pieds à la tête, le corps va si mal que c'est plutôt chacun pour soi.
Et les organisateurs se tirent la bourre à celui qui emmènera le plus de clients au Sommet : 1996 connut une affluence record avec au moins quatre cordées pendant les quelques jours de mai où la météo a une chance d'être favorable. Il fallait faire la queue pour avoir une bouteille d'oxygène ou franchir les échelles sur les cascades de glace.
C'est cette folie que Kormákur nous donne à voir : ni polémique, ni pamphlet, son film aligne les faits, un par un. La démonstration est éloquente et le verdict est sans appel.
L'une des sociétés concurrentes ce jour-là (celle de Jake Gyllenhaal/Scott Fisher) s'appelait : Mountain Madness ...
Comme l'histoire date de 1996, Kormákur nous épargne les vues en 3D sur les ordures de ce fameux Camp de Base, devenu aujourd'hui à 5.300 mètres, la plus haute poubelle du monde.
Depuis 2014, les alpinistes sont tenus de redescendre 8 kilos de déchets accumulés là-haut depuis toutes ces années : article et photos.

Pour celles et ceux qui aiment les montagnes.
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