Cinoche : Duplicity

Jeu de dupes.

Poker menteur, jeux de dupes, je t'aime moi non plus, ... Duplicity est un peu tout cela à la fois.
Deux anciens agents rivaux (l'une de la CIA, l'autre du MI6) se mettent en tête d'intégrer le privé et l'espionnage industriel pour réaliser le coup du siècle et escroquer deux gros patrons de l'industrie cosmétique.
C'est une "charmante" comédie qui, outre le scénario tordu à souhait, ne vaut que par les deux acteurs qui font l'affiche. Clive Owen joue très second degré un play-boy qui use de ses charmes pour séduire et duper son monde, Julia Roberts est, bien évidemment, toute en charme.
Et ils savent profiter tous les deux des dialogues vifs et intelligents qui semblent avoir été taillés pour eux.
Tout au long du film on se demande quel est le plus parano des deux, qui va arnaquer l'autre, qui est le plus retors, qui trompe qui, etc ... jusqu'au retournement final qui fait que le dindon de la farce est ... le spectateur, pour son plus grand plaisir.
On se laisse manipuler avec jubilation, la tête suffisamment stimulée pour ne pas s'ennuyer : il faut en effet suivre les péripéties d'un scénario très habile qu'on découvre grâce à des flash-backs successifs ... montés à l'envers !
Un bien aimable divertissement qui ne se prend pas au sérieux.
À l'heure où EDF se fait épingler pour espionnage de GreenPeace ... c'est savoureux !


Pour celles et ceux qui aiment les gentils espions.
D'autres avis sur Critico-Blog.

Cinoche : Les 3 royaumes

Grandes manœuvres.

Lointaine est l'époque où furent fondés Les Trois Royaumes de la dynastie Han puisqu'il s'agissait de l'an 208 de notre ère.
Lointain est le lieu où fut engagée la bataille décisive qui leur donna naissance puisqu'il s'agissait de la Falaise Rouge sur les rives du mythique fleuve bleu, le Yangzi.
Magnifique est le film de John Woo qui veut bien nous emporter là-bas en ce temps-là et dérouler devant nos yeux écarquillés un magnifique livre d'images (accompagnées d'une superbe musique également).
Tout commence dans la bataille et tout finit en batailles : les vilains du nord veulent asservir les gentils du sud, contraints de s'allier face à un ennemi si nombreux que ses armées noircissent les routes et ses flottes les fleuves.
C'est épique, c'est grandiose, c'est superbe.
Moins shakespearien que La cité interdite mais tout aussi magique, ce film nous fait découvrir tout l'art chinois de la stratégie militaire que Sun Zi immortalisera dans son traité au V° siècle.
Et tout cela dans des paysages superbes, là où la lueur de l'incendie des bateaux de la flotte donnera son nom à la Falaise Rouge : 壁 « mur » et 赤 chì « rouge » en VO.
C'est aussi plus subtil qu'on ne pourrait le penser : la guerre est un fléau et l'on ne s'y réjouit pas des massacres, même des massacres des ennemis.
On y prépare le thé avec autant de soin que les armes car, comme on le verra, la cérémonie du thé a autant d'importance stratégique que l'ordre de bataille.
Les femmes y tiennent leur rang que ce soit dans les batailles, les ruses ou l'espionnage ... et puis bien sûr, les yeux d'une belle ne sont pas étrangers à ce conflit !
La bataille a eu lieu à l'aube du III° siècle, le livre fut écrit en Chine au XIII° siècle et des jeux vidéos ont vu le jour au XX° siècle. Au début du XXI°, le film de John Woo marque une étape de plus dans la construction du mythe de cette bataille, aussi célèbre dans l'Empire du Milieu que nos Thermopyles et qui marqua la naissance de l'équilibre entre ces 3 Royaumes.


Pour celles et ceux qui aiment l'art de la guerre tout autant que l'art du thé.
D'autres avis sur Critico-Blog. Le site officiel.
Sur Wiki, une photo des lieux, même si l'emplacement du site est sujet à controverse.

Miousik : Red Hot

Journée mondiale du Sida.

À l'occasion de la Journée mondiale du SIDA, l'association Red Hot sort une compile fort réussie d'artistes plus ou moins en marge des grands circuits commerciaux : Dark was the night.Sidaction
Sur ce double CD on retrouve quelques grandes figures comme Feist, Cat Power, Antony, mais aussi beaucoup d'inconnus (pour nos oreilles en tout cas) ce qui permet de découvrir de nouvelles voix (Conor Oberst, Andrew Bird, ...).
On vous propose deux extraits :
- le duo de Feist et Benjamin Gibbard : Train Song
- la balade de Stuart Murdoch : Another Saturday
Pour financer la bonne cause en dépit des propos infâmants du rat Tzinger, on achète le CD et on fait don de ses stock-options en ligne sur Sidaction jusqu'au 11 avril.


Pour celles et ceux qui aiment les bonnes causes, même en Afrique.
RBO en parle, eux aussi.

Miousik : Alela Diane

La squaw de Nevada City.

On avait déjà craqué l'an passé pour la voix claire d'Alela Diane Menig.
Elle était même montée facilement sur notre podium pour le best-of 2008.
Mais voilà que la squaw de l'ouest américain récidive avec un nouvel album To be still.

On y a pêché encore plusieurs excellentes balades dont le très beau Tatted Lace  avec une belle et douce guitare.
So far away, so far away ...
Et sur la vidéo ci-contre, la version intégrale de White as diamonds .
Dans ce nouvel album, on retrouve avec toujours autant de plaisir cette voix pure et entêtante, claire et ensorcelante, une voix qui semble envahir ses chansons et nos oreilles.
Quand cette voix-là vous a accroché ... impossible de s'en défaire.
À écouter aussi : Mariee Sioux, la copine d'Alela.


Pour celles et ceux qui aiment les voix de fées.
Benzine en parle.

Bouquin : Hiver arctique

Mal des banlieues islandaises.

Raisonnable, on avait longtemps attendu avant d'acheter le précédent Arnaldur Indridason : L'homme du lac s'était avéré excellentissime et on avait donc bien regretté notre hésitation.
Cette fois, aussitôt sorti, aussitôt dans la PAL : l'Hiver arctique n'aura guère attendu.
Malheureusement, Indridason semble un peu fatigué de ce long hiver et sa dernière livraison n'est pas à la hauteur (certes, très élevée) des précédents romans et donc de notre attente.
Dans ce nouvel épisode, Arnaldur fils d'Indrid s'attaque au racisme qui semble ronger la vie sociale islandaise (tiens donc ...).

[...] - Ce n'était qu'une question de temps, commença Kjartan, d'un ton qui laissait transparaître de l'agacement. On ne devrait pas laisser ces gens-là entrer dans notre pays, continua-t-il. Ils ne font qu'engendrer de la violence. Il fallait que ce genre de choses arrive tôt ou tard.. Qu'il s'agisse de ce garçon-là dans cette école-là, dans ce quartier-là, à ce moment-là, ou d'un autre garçon à un autre moment ... ne change rien à l'affaire. Cela serait arrivé et arrivera à nouveau. Soyez-en sûr.

Et encore :

[...] - Il y en a trois comme lui dans sa classe, continua Kjartan. Et plus de trente dans l'ensemble de l'école. On ne le remarque même plus quand il y en a de nouveaux qui arrivent. Et c'est partout comme ça. Vous êtes allé au marché aux puces de Kolaport ? On se croirait à Hong-Kong ! Et personne ne s'en inquiète. Personne ne s'inquiète de ce qui est en train d'arriver à notre pays.

Heureusement qu'Elinborg, la collègue de l'inspecteur Erlendur, est là pour tempérer les propos de ce sinistre Kjartan !

[...] - Nous sommes d'accord pour que les étrangers viennent chez nous se coltiner le sale boulot sur les chantiers des barrages et dans les usines de poisson; ça ne nous gêne pas qu'ils fassent le ménage pendant qu'on a besoin d'eux pourvu qu'ensuite, ils repartent !

Bref, la lointaine Islande ne semble pas épargnée par les maux du siècle.
Apparemment nombre de Thaïlandais ont immigré là-bas : mais que diable vont faire les thaïs en Islande ?!!!
Mais bon, l'inspecteur Erlendur semble comme dépassé par les évènements : il se promène presque à côté de l'enquête, laissant le boulot à ses deux collègues (Elinborg et Sigurdur).
Il ne nous reste qu'à attendre la traduction du prochain épisode (écrit en 2007), en espérant que la crise dans laquelle se débat aujourd'hui l'Islande n'aura pas eu raison du sombre inspecteur ... 


Pour celles et ceux qui aiment les îles lointaines, même froides et pluvieuses.
Métailié édite ces 335 pages traduites de l'islandais par Éric Boury et qui datent de 2005 en VO.
Cottet, Essel et Clarabel en parlent.

Bouquin : Seul demeure son parfum

Le parfum de la fleur de prunier.

Voilà un polar bien curieux : Seul demeure son parfum, du chinois Feng Hua.
Un vrai chinois de Chine, un chinois contemporain de la Chine d'aujourd'hui.
Le résultat est étrange : on est bien loin du style américain de Qiu Xialong par exemple.
Une écriture un peu décalée à nos yeux d'occidentaux.
Avec une sorte de naïveté explicative :

[...] - Demain je vais faire un tour à la mairie, mais je vais y aller doucement parce que l'affaire est classée, et la brigade criminelle veut terminer rapidement le travail d'archivage commencé sur Internet. Je ne crois pas qu'ils seraient d'accord pour que je reprenne cette affaire. Je vais être obligé de le faire discrètement.

Ou encore :

[...] Bien entendu, Pu Ke avait compris. Un policier ne peut pas suspecter les gens sans preuve, sur une simple intuition, c'est inacceptable, tant du point de vue de la loi que de celui de la déontologie.

C'est amusant. On hésite entre la naïveté de l'auteur, la difficulté de la traduction ou le souci culturel de s'adresser à plusieurs millions de lecteurs ! Un style pédagogique que l'on retrouve parfois dans les articles de journaux.
Ou dans d'aimables dialogues, comme ici entre deux amants :

[...] - Pu Ke, j'ai une idée, mais je ne sais pas si je dois te la dire ou pas.
- Bien sûr que oui, a tout de suite répondu Pu Ke, je sais que tu es intelligente.
- Toi, quand tu veux, tu sais faire mousser les gens !

Ou encore entre deux collègues :

[...] - Ce n'est pas le problème, on fait chacun un travail différent, tu te sers de ta tête et moi de mes jambes, toi tu pourrais faire mon travail, moi je ne pourrais pas faire le tien.

D'autres surprises au fil des pages, comme ici lorsque l'inspecteur Pu Ke découvre le journal intime d'une victime :

[...] Jeudi 28 septembre.
Mon Dieu, je n'aurais jamais pu croire que c'était aussi beau de faire l'amour. (Venait ensuite un passage en anglais qui racontait en détail comment elle avait fait l'amour avec "lui".) Je suis ensorcelée, c'est sûr.

Autocensure ?
Un livre pour les curieux, d'autant que l'intrigue policière est plutôt convenue et que l'on connait l'assassin dès le début ou presque. Non, ce qui intéresse visiblement plus Feng Hua, ce sont les relations complexes et difficiles entre les hommes et les femmes de la Chine d'aujourd'hui.
Hésitant entre l'émancipation de la modernité et la rigueur des traditions.
Une liberté difficile à gagner et à assumer, au risque de lâcheté et de déceptions amoureuses.
Avec en prime une description instructive des relations dans une grande ville chinoise d'aujourd'hui et quelques bribes de poésie orientale.

[...] Au début du printemps, quand la neige et la glace n'ont pas encore fondu, les fleurs de prunier sont magnifiques sous la neige.


Pour celles et ceux qui aiment la Chine.
Picquier Poche édite ces 352 pages qui datent de 2007 en VO et qui sont traduites du chinois par Li Hong et Gilles Moraton.

Cinoche : Welcome

Welcome chez les Ch’tis.

Après la superbe Lili (Je vais bien ne t'en fais pas), on attendait beaucoup de Philippe Lioret.
Trop peut-être.
Son Welcome sonne la charge contre les conditions faites aux immigrés clandestins de la région de Calais (Calais, vous savez, c'est à côté de Sangatte), en attente de leur passage chez les britanniques hospitaliers.
Des anglais qui se révèleront bien moins accueillants à la fin du film.
Entre temps, à Calais on refuse l'entrée des magasins à certaines personnes, on effectue des descentes de police, on tatoue des numéros sur la peau, on rafle, on dénonce et on délationne, ...
Bref, l'idéologie a changé, encore heureux, mais les bonnes vieilles méthodes policières ont fait leurs preuves, pourquoi en changer ?
Alors bien entendu, sur ce registre, Welcome récolte tous les suffrages (sauf celui du ministre de l'immigration Éric Besson).
Vincent Lindon vient d'être largué par sa femme et pour remplir le vide de sa vie se prend à aider un jeune clandestin qui s'est mis en tête de traverser le Channel à la nage pour rejoindre sa belle (Vincent Lindon, lui, n'a pas été foutu de traverser la rue pour récupérer la sienne, de belle).
Mais bon, on s'attendait à quelque chose de plus dans ce film ...
Certes il y a bien ces quelques histoires d'amour en arrière-plan, ces acteurs superbement dirigés (Vincent Lindon on l'a dit, le jeune kurde Firat Ayverdi, le flic Olivier Rabourdin) ... mais il manque comme un souffle filmique à cet excellent reportage. Dommage.
À voir quand même, pour la vérité sociale et politique.


Pour celles et ceux qui aiment le film social à la Ken Loach.
D'autres avis sur Critico Blog, dont celui de Cluny.

Bouquin : Les tambours de la pluie

En attendant la pluie.

Cela fait plus de vingt ans qu'on avait découvert Ismail Kadare, porte-drapeau de la littérature albanaise.
Et cela doit bien faire la quatrième fois qu'on lit et relit Les tambours de la pluie, sans doute son meilleur roman, en tout cas celui qu'on préfère.
C'est peut-être aussi la porte la plus facile d'accès sur l'Albanie de Kadare.
En l'an 1443, alors que l'Empire Ottoman est aux portes de Vienne, les albanais de Georges Kastriote faussent compagnie au Sultan ...
C'est le début d'une longue guerre entre l'immense empire turque et la petite et fière Albanie.
Les invasions s'enchaînent, les sièges s'éternisent mais les sultans se succèdent sans succès et la petite et fière Albanie résiste, du moins pendant plus de trente ans.
Il y a un peu d'Astérix ou du village gaulois (l'humour en moins) dans cette histoire. Ou de Jeanne d'Arc (les voix en moins).
Georges Kastriote, dit Skanderberg, devient le héros national.
Les tambours de la pluie racontent l'un de ces sièges, au début du conflit.
[...] - Tu as la chance de participer à une telle campagne. Ici - et il étendit le bras vers les remparts - va se livrer une des plus terribles batailles de notre temps, et tu pourras écrire à ce sujet une chronique immortelle.
- Je ferai de mon mieux.
- Une véritable histoire de guerre, qui sente la poix et le sang, et non pas des histoires imaginaires, de celles que composent au coin du feu des gens qui n'ont jamais vu de combats.
On assiste en effet à un véritable siège du temps jadis, du temps où l'on coulait encore les canons sur place.
[...] La fumée monte jour et nuit de la fonderie. Dès les premiers jours de leur arrivée, le bruit se répandit qu'ils coulaient une arme nouvelle. On dit que son grondement  secoue le sol comme un tremblement de terre, qu'elle crache une flamme aveuglante, et que le déplacement d'air qu'elle provoque rase une maison en un clin d'œil.
Les albanais de la citadelle de Kruja sont assiégés par les innombrables armées turques.
[...] Ils ont tout tenté contre nous, depuis les canons gigantesques jusqu'aux rats infectés. Nous avons tenu et nous tenons. Nous savons que cette résistance nous coûte cher et qu'il nous faudra la payer plus cher encore. Mais sur le chemin de la horde démente, il faut bien que quelqu'un se dresse et c'est nous que l'Histoire a choisis.
Un siège qui s'éternise au fil des saisons et lorsque les turcs trouvent enfin l'aqueduc enterré et secret, on croit bien que la soif aura raison de la résistance albanaise ... jusqu'à ce qu'on entende les roulements des tambours de la pluie.
[...] Qu'était-ce ? Le roulement persistait. Ce n'était pas le prolongement de son rêve. Loin, quelque part dans les profondeurs du camp, les tambours battaient réellement. Il perçut un doux bruissement contre les parois obliques de la tente, et subitement tout s'éclaircit, irrémédiablement. Il pleuvait.
Les tambours de la pluie qui, dans la tradition militaire turque, annoncent l'arrivée des nuages : la saison des pluies sauvera donc les assiégés. Du moins pour cette fois.
Le bouquin de Kadare nous conte tout cela de manière habile : nous sommes en effet dans le camp des turcs, aux côtés du pacha et de son chroniqueur. Dans le camp des "autres" donc, et comme "eux" désemparés devant la citadelle imprenable.
Entre chaque chapitre, quelques lignes nous éclairent sur la situation des assiégés, le camp de Kadare, le camp du "nous".
Car derrière cette histoire médiévale se cache (à peine) le propos de Kadare, chantre de la fierté nationale albanaise.
Cet ancien combat a en effet, pour les albanais, un écho beaucoup plus récent : lorsqu'en 1960, l'Albanie communiste de Enver Hoxha rompt ses relations avec le grand frère soviétique devenu à ses yeux un peu trop encombrant.
Les armées turques (euh, pardon : les armées soviétiques) envahiront Budapest et Prague mais la petite et fière Albanie ne sera jamais inquiétée !
Bien sûr il faut prendre avec un peu de recul le discours de Kadare : les couleurs du nationalisme sont souvent troubles et Enver Hoxha ressemblait sans doute plus à un dictateur communiste qu'au héros Skanderberg de 1443.
Mais les écrits de Kadare ont gardé leur fraîcheur des années 70, bien avant que n'éclatent les balkans. On peut savourer sans arrière-pensée une très belle plume au service de son pays et de sa culture.



Pour celles et ceux qui aiment les récits guerriers.
Folio édite ces 322 pages qui datent de 1970 en VO.

Cinoche : La journée de la jupe

Contre les murs.

En avant-première, La journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld avec Isabelle Adjani, Denis Poladydès, ...
Encore un film sur la faillite de notre système scolaire et bien sûr après l'excellent (et primé) Entre les murs de Laurent Cantet, la comparaison est difficile. Très difficile.
Dans La journée de la jupe, une prof (Isabelle Adjani) pète les plombs comme on dit et, par un concours de circonstances maladroites, se retrouve avec le flingue d'un élève dans les mains et finit par prendre sa classe en otage ...
Là où Laurent Cantet dosait subtilement ses propos et laissait le spectateur faire son chemin, Jean-Paul Lilienfeld appuie lourdement sa démonstration.
Au point que toute la première partie du film, assez ambigüe, pourrait même avoir de troubles résonances et justifier chez certains spectateurs une reprise en main musclée de l'autorité enseignante (après tout, avec un flingue en main, on arrive au moins à se faire entendre).
Même si l'humour tente de sauver la mise  : Denis Podalydès en négociateur du RAID plus préoccupé de sa femme (elle le quitte !) que des otages, ou encore Jackie Berroyer (avec des mots très justes !) en proviseur dépassé par les évènements.
La fin de la démonstration est plus intéressante et met en avant un aspect qu'Entre les murs n'abordait pas : le fossé d'irrespect qui se creuse entre filles et garçons (et les mots fossé et irrespect sont de doux euphémismes).
D'où l'idée de cette Journée de la jupe ... à l'heure où les filles se fondent dans la masse uniforme des pantalons, que ce soit à l'école ou au bureau.


Pour celles et ceux qui aiment (quand même) l'école.
C'est au cinoche le 25 mars et sur Arte le vendredi 20 à 20h45.
Le site du Printemps de la jupe. Depuis, Lorraine et Pascale l'ont vu.

Cinoche : Watchmen

Apocalypse now.

Bonne surprise que ce Watchmen du réalisateur Zack Snyder (300, ...) adapté d'une BD des années 80.
On n'a pas lu la BD (pas encore) et donc on ne peut jauger ici des qualités de l'adaptation. Mais le film a bien plu à BMR (MAM n'a pas vu, c'est pas trop sa tasse de thé) et lui a justement donné envie ... de lire la BD.
Une BD d'Alan Moore dont on avait déjà énormément apprécié au ciné l'adaptation de V pour Vendetta (déjà très politique aussi : ce doit être la marque de fabrique de l'auteur).
Watchmen est un film très intello, très second degré, très politique, plutôt finaud côté humour et bien évidemment, très graphique.
On pense un peu à un Sin City où le jaune aurait remplacer le rouge.
Dans les années 80, une bande de super-héros costumés (genre batman & co) vieillit plutôt mal, s'aigrissant au rencard de la société, vivant dans leurs souvenirs des années 50 quand papa et maman, eux-mêmes super-héros costumés, défiaient le monde communiste et créaient le mythe américain.
Pendant toute la savoureuse première partie du film, on oscille entre ces deux époques.
On y croise d'ailleurs Henri Kissinger (super !), Fidel Castro et Andy Warhol !
Les super-héros sont même envoyés au Vietnam (apocalypse sur fond d'hélicos et de walkyries !) ce qui permet aux US de gagner cette guerre et à Nixon de se faire ré-élire pour la troisième ou quatrième fois, on ne compte plus !
Mais dans les années 80, la situation se dégrade, le rêve américain prend l'eau (il pleut des cordes : c'est le déluge ?), Nixon (toujours là !) joue les docteurs Folamour le doigt sur la gâchette nucléaire, les Russes envahissent l'Afghanistan et paradent aux frontières, et sur l'horloge apocalyptique, la grande aiguille approche des douze coups de minuit fatidiques qui sonneront l'holocauste atomique. Bref, c'est la crise.
Pendant que nos héros aigris se morfondent, l'un d'eux est assassiné et bientôt un complot est mis à jour.
Bien sûr, nos super-héros vont être obligés de reprendre du service ... pour leur et notre plus grand plaisir.
Le film est malheureusement un peu long (trop fidèle à la BD ?) et la dernière partie part un peu en vrille lorsque l'un des super-héros (le Dr. Manhattan, le gars en bleu, sorte de schtroumpf géant et atomique) prend un peu trop de place.
Mais bon, on est quand même ravi d'avoir fait cette promenade uchronique mais bien ancrée dans la réalité sociale et politique, accompagnée par une bande-son extra (Dylan, Joplin, Simon & Garfunkel, Cohen, Hendrix, ... ça c'était sûrement pas dans la BD originale).
Et puis, quand même, y'a la pulpeuse Laurie/Silk (le Spectre Soyeux, Malin Akerman) bien serrée dans son justaucorps en latex jaune.
MAM n'étant pas là, on a eu d'yeux que pour elle.
Notamment lors d'une scène où elle s'ébat avec un collègue (un autre super-héros) dans leur astronef sur fond de Hallelujah de Léonard Cohen. Le top ! Au choix : la (plutôt sage) page de la BD, et une vidéo piratée sur un site douteux !
Un peu comme la chanson de Cohen, un film riche, kitsch, irrévérencieux et pas correct : voilà un bon et original moment.
Reste plus qu'à lire la BD ...


Pour celles et ceux qui aiment les super-héros, même à la retraite.
D'autres avis sur Critico-Blog. dont la critique de Rob, la mieux fondée selon moi.
Côté BD, c'est ici.

Bouquin : Le cadavre dans la voiture rouge

Sauve qui peut.

Depuis Arnaldur Indridason et ses polars, on sait que l'Islande est une destination plutôt sombre.
Son compatriote, Olafur Haukur Simonarson, confirme avec un autre polar, Le cadavre dans la voiture rouge, que c'est bien un endroit sinistre.
Jugez plutôt (page 21, on arrive à destination avec le héros en voiture) :

[...] - Le brouillard est-il souvent aussi épais sur le plateau ? demandais-je.
- Le brouillard ! s'exclama-t-il. Dans le coin, nous n'appelons pas ça du brouillard. C'est une belle journée d'été, mon garçon. Ce n'est que quand il faut faire marcher deux hommes devant la voiture qu'on peut parler de brouillard. 

Et un peu plus loin, page 33 :

[...] "Bienvenue à Litla-Sand !" Un grand panneau et, à la différence de ce genre d'écriteau, il ne penchait d'aucun côté. Et, au-dessous, avait été inscrit en lettres maladroites : Sauve qui peut !

Voilà, le décor est planté !
Jonas, divorcé et au chômage, accepte bon gré mal gré un poste d'instit dans ce petit village accueillant de Litla-Sand.
Il y découvrira la face obscure de l'Islande des cartes postales : magouilles locales, affaires douteuses, intimidations, menaces à peine voilées, hypocrisie, et finalement meurtre.
L'astuce du bouquin c'est que dès le début, on sait qu'il y a eu meurtre (l'instit que Jonas est venu remplacer).
Et tout au long de l'histoire, sur les traces de Jonas, on découvre tout l'enchainement qui a conduit à ce crime. 
Même si le cadavre ne sera découvert qu'à la fin du bouquin. Presqu'un polar à l'envers.
La vie quotidienne dans un port de pêche islandais ...


Pour celles et ceux qui aiment les îles lointaines, même froides et pluvieuses.
Points édite ces 285 pages traduites de l'islandais par Frédéric Durand.

Miousik : Mélanie Pain & Julien Doré

Le vent d’Helsinki.

Ouh la la !
C'est trop beau ça !
Un duo de Julien Doré avec Mélanie Pain qu'on avait déjà appréciée avec Nouvelle Vague.
Cette fois ce n'est plus la vague mais le vent.
Le vent d'Helsinki qui emporte les lettres d'amour de ces deux-là, un amour qui n'aura pas été :
Ami, c'est bon de te lire, crois-moi,
Car depuis ton départ il fait toujours plus froid
Comme si le vent d'Helsinki ...
Soufflait jusque dans mes draps
Dans mes rues de Paris
Ne résonnent plus tes pas
Oserais-je un jour t'avouer
Que j'en veux à Hanna, d'avoir su te garder ...
Que j'en veux à Hanna, d'avoir, elle, su t'aimer.
On vous a même trouvé la version intégrale ici, et ici une vidéo mais le son est un peu crade.
On aime : Helsinki .
Comme si le vent d'Helsinki ...
Nos photos d'Helsinki sont ici, les polars finlandais sont .
Comme si le vent d'Helsinki ...


Pour celles et ceux qui aiment les peines de cœur.

Bouquin : Tout ce que j’aimais

Le mal du siècle

Après l'Élégie pour un américain, nous nous sommes de nouveau invités chez Siri Hustvedt, l'épouse de Paul Auster, celle qu'on surnommait dans notre précédent billet, la voisine de Woody Allen (l'humour en moins).
Dans cet autre ouvrage (antérieur), Tout ce que j'aimais, il était d'ailleurs déjà question d'élégie :

[...] Il avait besoin de ces enfants pour sa propre santé mentale et, grâce à eux, il allait composer une élégie à ce qu'ont perdu tous ceux d'entre nous qui vivent assez longtemps - leur enfance.

Une histoire de couples, new-yorkais, en partie juifs, intellectuels ou artistes : nous habitons toujours sur le même palier que Woody Allen et il ne faut pas être allergique !
Ce qui sauve les romans de Siri Hustvedt, c'est sa plume : remarquable d'élégance et de justesse.
Même réticent dans les premiers chapitres, on finit par se laisser doucement bercer par ces lamentations d'intellos.
Au fil de ce bouquin foisonnant, on glanera d'ailleurs quelques belles pages (et passionnantes) sur l'anorexie et l'hystérie, maladies féminines des expériences du professeur Charcot à la Salpêtrière : les expériences de ces médecins du XIX° auraient-elles fini par créer de toutes pièces malades et maladies ?
D'autres pages également sur l'art et la peinture (perso, on a moins aimé).
Mais le véritable sujet de ce roman (presque un essai), c'est la perte de l'enfant et la perte de l'enfance.
La perte de l'innocence en somme.
Deux couples (environ : chez ces gens-là, rien n'est jamais aussi simple bien sûr !), en route pour les sommets de la réussite et de la liberté (artistes à New-York !), mais malmenés par la vie.
C'est la mort qui emportera le fils du premier couple : avec lui, ils perdront cette innocence de l'enfant et leur propre innocence de croire en un monde possible.
L'autre couple ne s'en tirera guère mieux : ce sera le mensonge, l'argent, le sexe, ... qui emporteront également l'innocence de leur enfant et leur croyance en un monde meilleur.
Car Siri Hustvedt revisite ici le mythe d'Icare :

[...] Dédale, le grand architecte et magicien, avait fabriqué ces ailes afin que son fils et lui puissent s'échapper de la tour où ils étaient prisonniers. Il avait averti Icare du danger de voler trop près du soleil, mais le garçon, faute de l'avoir écouté, avait plongé dans la mer. Dédale, n'est pas une figure innocente, néanmoins, dans cette légende. Il a risqué trop gros pour sa liberté et, à cause de cela, il a perdu son fils.

Ceux qui ont ou ont eu des ados y trouveront quelques échos.
La plupart des lecteurs-blogueurs ont préféré Tout ce que j'aimais à l'Élégie pour un américain, mais pour notre part, notre cœur balance ...


Pour celles et ceux qui aiment l'art, les tourments et les ados.
Babel édite en poche ces 453 pages qui datent de 2003 en VO et qui sont traduites de l'américain par Christine Le Boeuf.
MyLou, Anne, Florinette, Camille, en parlent. D'autres avis sur Critiques libres.

Miousik : Kora Jazz Trio

Alchimie subtile.

Tout est dans le titre, Kora Jazz Trio : une subtile alchimie entre la kora (instrument traditionnel à cordes, une sorte de harpe africaine) et le piano jazz.
Au piano, le sénégalais Abdoulaye Diabaté.
À la kora 32 cordes et au chant griot, le guinéen Djeli Moussa Diawara, demi-frère de Mory Kanté.
Et pour clore le trio, le percussionniste sénégalais Moussa Cissoko.
On apprécie particulièrement : Folly  avec une incroyable ligne de basse au piano.


Pour celles et ceux qui aiment revisiter l'Afrique.

Cinoche : Harvey Milk

Gay pride.

Dans les années 70, les homosexuels investissent peu à peu un quartier de San Francisco, le Castro.
Harvey Milk se fait leur porte-parole, revendique leurs droits civiques et finit par se faire élire au conseil municipal en 1978.
Un an après il se fait assassiner.
Une histoire simple mais vraie : celle de la lutte d'une minorité opprimée contre la Proposition 6, celle qui aurait autorisé l'administration à mettre au chômage les enseignants soupçonnés d'homosexualité.
Un film qui résonne aujourd'hui en 2009 d'un écho étrange alors que ce même état de Californie (suivi par d'autres états US) vient d'adopter la Proposition 8, celle qui interdit le mariage gay.
Le combat d'Harvey Milk n'est malheureusement pas terminé : quand on s'attaque aux droits d'une minorité (les gays, les blacks, les juifs, ...), bientôt on s'attaque aux droits des autres, et puis enfin aux droits tout court.
La cause est noble.
Le film est juste.
Sean Penn, très justement dirigé par Gus van Sant, incarne un Harvey Milk charismatique, plus vrai que nature : bête de sexe, bête de scène et animal politique redoutable.
Son charisme attire les amants, les foules et les suffrages.
Ainsi que les spectateurs.
La reconstitution du Frisco des années 70 est savoureuse (MAM et certains d'entre nous y étaient !).
La bataille politique est subtilement expliquée.
On s'y croirait. Ce Harvey Milk, c'est du petit lait ...


Pour celles et ceux qui aiment les minorités.
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Cinoche : Bellamy

Poulet au vinaigre.

Claude Chabrol toujours égal à lui-même nous sert un nouveau polar grinçant, à la sauce aigre-douce et aux parfums de province : Bellamy.
Tour de force, il réussit même à faire que Depardieu joue autre chose que Depardieu !
D'ailleurs, tous les acteurs y sont dirigés de main de maître : Jacques Gamblin double et inquiétant, Clovis Cornillac fougueux et imprévisible, ...
À noter l'agréable surprise de Marie Bunel, actrice trop méconnue, sortie de la Cour des grands, qui joue ici la femme du commissaire Maigret (pardon, du commissaire Bellamy) alias Depardieu, toute en sensualité : elle illumine leur couple.
Puisqu'on a parlé de province, situons le film à Nîmes, près de Sète, là où repose Georges Brassens.
Et puisqu'on a parlé du commissaire Maigret (auquel ressemble beaucoup le commissaire Depardieu-Bellamy), rappelons la dédicace du film : "aux deux Georges", le Simenon et le Brassens.
Une escroquerie à l'assurance, un faux meurtre maquillé en vrai crime (ou bien est-ce l'inverse ?), une maîtresse au sang chaud, quelques ragots de province, ...
Mais les apparences sont trompeuses et une histoire peut en cacher une autre.
Le commissaire Bellamy-Depardieu est en effet affligé d'un frère (d'un demi-frère ? d'un faux-frère ?) un peu encombrant : ivrogne toujours, délinquant peut-être, violent parfois, ...
On ne vous dévoile pas la fin, bien sûr, mais ce commissaire Bellamy de Chabrol semble bien traîner un passé fraternel un peu lourd, tout comme les commissaires Adamsberg de Vargas ou Erlendur d'Indridason. Décidément !
Bien sûr ça reste du Chabrol : l'histoire se la coule douce au rythme de la province, l'humour est grinçant et les duplicités sont troubles, ... pour les connaisseurs donc, c'est ce qu'on disait déjà de la fille coupée en deux.


Pour celles et ceux qui aiment le poulet au vinaigre.
D'autres avis sur Critico-Blog. Lorraine en parle.
Critikat en parle aussi (et en dit même du bien !) mais dévoile le dessous des cartes.

Cinoche : Gran torino

Melting pot.

Après Benjamin Button, voici une autre belle histoire racontée de main de maître au cinéma.
Le maître, c'est LE grand Clint Eastwood.
L'histoire, c'est Gran Torino, non pas celle d'un jeu vidéo, mais celle de la voiture de Clint Eastwood, automobile mythique sortie des usines Ford en 1972.
Clint campe ici Walt Kowalski, un vieux retraité, réac, bougon, aigri, veuf de fraîche date, ronchon, raciste, old school, vétéran de la guerre de Corée, qui entend bien briquer sa bagnole en paix et picoler ses canettes de bières sur sa véranda avec son chien sans qu'on vienne marcher sur ses plates-bandes et sa pelouse.
Malheureusement c'est l'un des rares blancs qui s'incrustent encore dans ce quartier envahi par les immigrés de tout bord, mexicains ou asiatiques.
Les nouveaux voisins de Walt sont justement des Hmongs (de ceux qui ont fuit Laos après la déconfiture US au Vietnam).
Au début du film, l'ami Clint en fait même presqu'un peu trop dans le registre vieux con.
Mais bien vite le film bascule dans une fable sociale aux dialogues qui font mouche : l'indécrottable raciste se pique au jeu avec la fille de ses voisins, une jeune asiatique qui ne manque pas de répartie, et son jeune frère trop timide que les gangs du quartier voudraient bien embrigader.
De cette histoire plutôt facile et convenue, Clint Eastwood tire finalement un film superbe et plein de finesse sur nos sociétés multi-culturelles d'aujourd'hui, dresse quelques savoureux portraits et accumule les scènes qu'on aurait envie de voir et revoir : la communauté Hmong reconnaissante accumule sur le perron de Walt les offrandes dont il ne sait que faire, Walt rend visite à son ami le coiffeur (un sale con de Rital) avec lequel il rivalise de grossièretés viriles pour faire l'éducation du jeune frère, Walt accepte une invitation au "barbecue" de ces voisins Hmongs et y découvre qu'il y a autre chose que le bœuf dans la vie (les vieilles chinoises lui donnent presque la becquée), Walt  se rend au dispensaire et découvre que les musulmans indiens et les chinois ont remplacé les bons vieux docteurs, ...
Si le creuset américain avait réussi à fusionner une première fois (je cite :) ces cons de ritals et ces ivrognes de polacks avec ces pédés d'irlandais, il n'en va plus de même aujourd'hui avec les niaquoués ou les portos.
On s'étonnera juste de l'absence des blacks dans ce kaléidoscope américain.
Mais le propos de Clint Eastwood s'avère plus fin que prévu, plus humain que racial (en clair : il s'entend mieux avec les enfants de ses voisins Hmongs qu'avec ses propres fils, pourtant américains pur sang).
La rivalité entre le vieux Walt et la grand-mère Hmong, chacun campant sur sa véranda, est toute en finesse.
La salle (comble) ne s'y trompe pas qui applaudit pendant le générique de fin.


Pour celles et ceux qui aiment les étrangers et les belles voitures.
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