Cinoche : Bad lieutenant

Bad trip.

Pas trop fan des tics agités de Nicolas Cage mais forcément attiré par la sensualité pulpeuse d'Eva Mendes depuis We own the night, BMR s'est laissé tenter par le remake du film d'Abel Ferrara par Werner Herzog : Bad lieutenant / escale à la Nouvelle-Orléans.
Et même si - avouons-le tout de suite comme ça on n'en parle plus(1) - on n'a pas vu l'original, toutes ces références semblaient prometteuses.
Première entorse à l'original justement, l'action a été transposée de New-York à New-Orleans où, après Tavernier, les brumes électriques laissées par le déluge Katrina n'ont pas encore fini de se dissiper ni d'attirer les cinéastes ...
Il faut dire que la chaleur humide des rues coloniales de la Louisiane va comme un gant en peau de croco à ce polar poisseux.
Il est d'ailleurs beaucoup question de serpents, d'iguanes et d'alligators dans ce film, comme si après l'ouragan, la nature primitive refaisait surface et venait ronger notre civilisation.
Depuis Mickey Rourke et Angel Heart on sait que la sorcellerie irrigue les marais de cette région.
Dans le film de Tavernier, Tommy Lee Jones voyait des fantômes sudistes dans les brumes du bayou.
Ici, le Bad Lieutenant voit batifoler les iguanes et danser les âmes des victimes.
Avec Nicolas Cage, flic ripoux avide de sexe et de drogue aux commandes d'une enquête mal barrée, on pouvait craindre un polar hyper-violent et hyper-tendu.
C'était sans compter sur l'alchimie qui a opéré entre ces deux givrés que sont Herzog et Cage.
Le résultat est un film surprenant qui, une fois ce décor polar planté, prend patiemment son rythme : le Bad Lieutenant traverse ce film comme une âme errant dans les mondes souterrains (l'enfer c'est ici et maintenant).
Perdu entre deux portes ou entre deux rives du Styx(2), il semble porter toute la misère du monde sur ses épaules, au figuré comme au propre puisqu'il se traîne à demi bossu, bourré de substances diverses - certaines licites d'autres beaucoup moins - pour ne pas trop souffrir d'un mal de dos chronique qui le plie en deux.
Accro à toutes sortes de drogues dont sa girl-friend, ce personnage très attachant survole cette enquête déjantée comme légèrement décalé, sachant que quelque part il doit forcément exister une paix inaccessible.
Le film est ainsi parsemé de scènes très poétiques : comme celle dans la remise du jardin à la recherche de la petite cuiller en argent perdue (la madeleine du Bad Lieutenant qui voyait là un trésor de pirates quand il était petit).
Les diverses rencontres, parfois agitées, avec le père alcoolo dans la vieille maison coloniale sont pleines de charme.
Le film se conclura sur une morale ambigüe et finalement une dernière image enfin apaisée devant un aquarium : les poissons rêvent-ils, that is the question !
Un film où l'on découvre comment truquer les matchs de foot et bien sûr comment obtenir de la came sans payer.
Un coup de cœur très personnel pour ce film qui ne plaira peut-être pas à tout le monde mais certainement à ceux qui accepteront, sans a priori, de se laisser porter par les folies douloureuses du tandem Cage-Herzog.
(1) : l'essentiel des débats tournent autour de ce "remake" : fidèle or not fidèle, that is not the question. D'ailleurs Herzog, un brin provoc, clame partout qu'il n'a pas vu le film de ... de qui déjà ? Ferreri ?
(2) : en VO comme en VF, le sous-titre du film rappelle que ce n'est qu'une escale ...

Pour celles et ceux qui aiment les trips planants.
Versatile en parle, Critikat et les Inrocks aussi. Un amusant billet du Monde.

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