Bouquin : Un été avec Montaigne

Montaigne, compagnon de plage ?

C'était assurément "LE" livre qu'il fallait avoir (j'ai pas dis : lire ...) sur les plages cet été et MAM ne l'a pas manqué.
Ce qui est fort heureux pour la réputation inégalée de ce blog !
Un été avec Montaigne, ça vous pose quand même son baigneur sur la serviette de bain, autrement que Dan Brown, Maxime Chattam ou d'autres nuances de diverses couleurs.
Ce petit bouquin fait recette, certainement au-delà de toutes les espérances de son auteur : Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, histoire et littérature. Oui, quand même.
Mais en plus de disposer ostensiblement le petit bouquin jaune sur sa serviette de plage, on pouvait cet été également lire les textes réunis ici, qui sont les transcriptions d'une émission de radio méridienne, diffusée à l'été 2012 (l’été précédent) sur France Inter (chaque court chapitre aborde un thème différent).
Antoine Compagnon lisait ses textes.
Daniel Mesguich prêtait sa voix à Montaigne lorsqu'il était cité.
[...] Les gens seraient étendus sur la plage ou bien, sirotant un apéritif, ils s’apprêteraient à déjeuner, et ils entendraient causer de Montaigne sur le poste. Quand Philippe Val m’a demandé de parler des Essais sur France Inter durant l’été, quelques minutes chaque jour de la semaine, l’idée m’a semblé très bizarre, et le défi si risqué que je n’ai pas osé m’y soustraire. [...] Fallait-il choisir les pages au hasard, comme saint Augustin ouvrant la Bible ? Prier une main innocente de les désigner ? Ou bien traverser au galop les grands thèmes de l’œuvre ? Donner un aperçu de sa richesse et de sa diversité ? Ou encore me contenter de retenir certains de mes fragments préférés, sans souci d’unité ni d’exhaustivité ? J’ai fait tout cela à la fois, sans ordre ni préméditation. Enfin, occuper l’antenne à l’heure de Lucien Jeunesse, auquel je dois la meilleure part de ma culture adolescente, c’était une offre qui ne se refuse pas.
Alors Montaigne pour l'été ?
Oui, tout à fait. Les textes du professeur Compagnon respirent l'intelligence et savent remettre au goût du jour les pensées de ce cher Montaigne. On l'imaginait peut-être reclus dans sa bibliothèque périgourdine et l'on se trompait : Montaigne était un esprit engagé dans son temps, conseiller des puissants de l'époque, en prise avec les questions du moment dont beaucoup sont restées actuelles.
Ce qui donne l'occasion à Antoine Compagnon, ses auditeurs de 2012 et maintenant ses lecteurs de 2013, de revisiter les thèmes indémodables : la lecture bien sûr, la découverte du Nouveau Monde, l'enseignement et la philosophie, la religion et ses guerres, la maladie, la médecine et la mort, le pouvoir, le voyage, l'amitié ou l'amour, et même la sexualité ou les femmes.
Je doute donc je suis, telle aurait pu être la devise du cher Montaigne dont le scepticisme confinait au conservatisme (et en cela, il était bien différent des philosophes des Lumières à venir).
Curieusement, Montaigne avait rédigé ses Essais en français, vieux français, chose inhabituelle à l'époque où l'on parlait latin à la maison (enfin, dans certaines maisons !). Il s’en excusait presque, ayant choisi la langue de ses lecteurs (et de ses lectrices, mais oui, il le dit !) tout en sachant cette langue vouée à ne pas durer :
[…] J’écris mon livre à peu d’hommes, et à peu d’années. Si c’eût été une matière de durée, il l’eût fallu commettre à un langage plus ferme.
À peu d’hommes et à peu d’années ! Et le voici diffusé à la radio, et le voici publié à des milliers d’exemplaires, près de cinq siècles plus tard !
Mais il nous faut bien la lecture exégétique du professeur pour nous rendre accessibles les tournures vieillies et alambiquées du philosophe : ce n'est pas tout à fait Montaigne que nous lisons aujourd'hui, mais plutôt un lecteur de Montaigne.
Pour notre part, on retiendra bien sûr son éloge du voyage :
[…] Le voyage me semble un exercice profitable. L’âme y a une continuelle exercitation, à remarquer les choses inconnues et nouvelles. Et je ne sache point meilleur école, comme j’ai dit souvent, à façonner la vie, que de lui proposer incessamment la diversité de tant d’autres vies.
Sans doute pas de quoi nous donner le courage d'ouvrir les Essais en intégral et en VO, mais certainement de quoi nous instiller l'envie de faire un détour en Dordogne par la maison de Michel Eyquem.
[…] La tour de Montaigne est l’une des plus émouvantes maisons d’écrivain à visiter en France,
nous dit Antoine Compagon. L'été prochain ?



Pour (ré-)écouter l'émission : clic.
Le Figaro en parle bien. D'autres avis sur Babelio.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.