Cinoche : Ilo Ilo

Portrait de famille au bord de la crise.

Avec Ilo Ilo, Anthony Chen dresse le portrait d'une famille moyenne et typique de chinois de Singapour.
Une famille au bord de la crise de nerfs.
Le père "joue" en bourse avec l'argent du ménage et fume en cachette pour déstresser, le gosse est insupportable (du genre tête à claques à qui il faudrait botter le cul), la mère est épuisée, enceinte jusqu'aux yeux, elle bosse dans une grosse boîte et l'école l'appelle sans cesse pour les frasques de son fils.
Histoire de parer au plus pressé, ils décident d'embaucher une bonne à tout faire, moitié bonniche, moitié nounou. Ce sera une immigrée philippine, Terry.
Son arrivée dans le foyer sous tension n'est pas des plus cools : l'insupportable gamin ne veut pas qu'elle dorme dans sa chambre, ne veut pas qu'elle mange à table avec eux et lui en fait voir de toutes les couleurs. La mère est raciste comme la plupart des chinois de là-bas et le père, faible et peu présent, laisse faire. Étrange de voir que à Singapour comme à Dubaï ou Paris, les situations de ce genre (exploitation du personnel domestique immigré) se ressemblent trait pour trait : ce doit être ça la mondialisation ?
Mais la famille en question est également au bord de la crise. Tout court.
Singapour n'est plus le paradis dont on pouvait rêver il y a quelques années.
La mère travaille dans une entreprise de "shipping" et tape des lettres de licenciement à longueur de journée, le père lui, perd son boulot deux ou trois fois dans le film.
Et il n'est pas rare que l'un des voisins se défenestre, carrément. Dure, dure la vie à Singapour.
Faute de religion, chacun se raccroche à un espoir insensé : le gamin joue compulsivement au loto, le père parie en bourse et la mère se laisse attraper par une arnaque à la pensée positive et la confiance en soi.
Au fil des images, on se rend compte finalement que l'insupportable gamin du début ne cherche qu'à fuir et refuser ce qu'on lui "offre" : coincé dans une famille sans amour, un foyer au vide sidéral, une vie déshumanisée et un pays sans avenir ni perspective(1). Dure, dure la vie à Singapour.
L'immigrée Terry semble être la seule personne "normale", la seule personne humaine. Tout se passe à Singapour et le film s’appelle Ilo Ilo(2) : c’est là-bas que sont les vrais gens, sans doute ?
L'ambiance de Singapour est nettement moins sympa que celle de Hong-Kong si l'on veut faire référence au très beau film d'Ann Hui qu'on avait vu en mai dernier et qui parlait lui aussi de famille chinoise “avec domestique” : Une vie simple, où pourtant les conditions n'étaient pas bien drôles non plus mais où justement une humanité profonde transpirait de chaque image.
Ici Anthony Chen dresse un portrait vraiment très amer de son pays. Alors on pourra peut-être éviter Singapour dans nos prochaines escales mais on voudrait juste se rassurer et être certain que le cinéaste ne nous ait pas tendu un miroir ... des fois qu'avec la mondialisation ...
Si ça vous dit, dépêchez-vous, on était à la bourre sur ce coup-là.

(1) - étrangement, aucune image "panoramique" de l'île ou de la ville, on se sent coincé entre les murs des bureaux, des ports ou des barres d'immeubles - un instant seulement, le gamin justement emmène sa nounou sur le toit de l'immeuble pour voir un peu au loin .. avec la tentation de se jeter en bas.
(2) - Ilo Ilo est une région des Philippines dont est originaire Terry


Pour celles et ceux qui aiment les familles en crise.
L'avis de Cluny.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.