Cinoche : Un homme très recherché

To make the world a safer place.

On n’est pas loin du coup de cœur pour cette adaptation par Anton Corbijn d’un roman de John Le Carré : Un homme très recherché.
Ne serait-ce que pour l’une des toutes dernières apparitions de Philip Seymour Hoffman.
Dans un rôle qui semble faire écho à ses derniers jours parmi nous puisqu’il incarne dans ce film un vieil espion à la carrière finissante, essoufflé et gras, alcoolique et solitaire.
On a aussi le grand plaisir de retrouver Nina Hoss (ici l’assistante de Hoffman) que l’on avait déjà admirée dans Barbara.
À Hambourg, P. S. Hoffman dirige une officine privée qui se charge des basses besognes que les services allemands ne s’autorisent pas à exécuter. Il est obsédé par l’idée d’attraper dans ses filets un gros poisson qu’il soupçonne de financer le terrorisme et il monte avec son équipe toute une machination(1) pour appâter sa proie avec du plus menu fretin : l’une des dernières scènes où l’ordre de virement fatidique est signé est digne des meilleurs suspenses du cinéma !
Mais comme dans toute bonne histoire d’espionnage, bien malin celui qui sait qui manipule qui …
Si l’intrigue prend place à Hambourg(2), ce n’est par hasard puisque c’est depuis cette ville que fut organisée une partie des attentats du 11 septembre : le cafouillage de l’époque, dont sont coutumiers les services presque secrets, n’aura pas permis d’enrayer le drame et depuis lors, les services allemands se sentent redevables envers leurs homologues US qui les surveillent de très très près. Et c’est donc sous haute tension qu’opèrent Hoffman et son équipe border-line. Sous haute tension mais sans violence physique : c’est un roman de Le Carré et l’espionnage ici n’est pas celui de 007 mais celui d’une machine qui broie les hommes, quelque soit leur camp.
Et dans ce film encore, la machine à broyer va lentement et inexorablement, sans état d’âme, remplir son office …

(1) - une machination claire et lisible à l’écran, Anton Corbijn sait filmer et n’a pas besoin d’obscurcir l’intrigue pour nous impressionner
(2) - le moins que l’on puisse dire c’est que, histoire oblige, le film ne donne pas une image très touristique de cette ville pourtant bien agréable !


Pour celles et ceux qui aiment les espions.
D’autres avis sur SensCritique.





Miousik : Jake Bugg

English pop

Très écoutable découverte que ce Jake Bugg, insecte volant comme un Beatle sous les feux de la rampe de la pop anglaise (il vient de Nottingham, la ville du shérif).
Une gueule d’ange à la moue dédaigneuse soigneusement composée et régulièrement entretenue (essayez donc de trouver chez gougoule une photo avec le sourire !), une voix nasillarde doucement perchée, une pop swinguant entre balades et mélodies entraîneuses, un succès qui tourne la tête de cet enfant gâté et de ses groupies, …
Le premier album de cet arrogant et très jeune prodige à la réputation déjà insupportable s’intitulait modestement Jake Bugg, excusez du peu, mais c’est celui qu’on préfère.
Le suivant (Shangri La, du nom du studio californien mythique où il a été enregistré en 2013) nous convient beaucoup moins en dépit de la présence de Rick Rubin aux manettes de la prod (on parlait de ce monsieur il y a peu, c’est lui qui vient de réveiller le duo australien des Stone).
Yakakliker pour écouter notre playliste avec du doux et avec du swing.


Pour celles et ceux qui aiment les jeunes anglais.



BD : Blast


Flash-black.

Après de longues années vouées aux couleurs acryliques et rutilantes, la BD européenne, bousculée par l’irruption des mangas,  n'en finit plus de redécouvrir les plaisirs du noir & blanc.
Les exemples ne manquent pas :
- les polars comme Le casse ou Trouble is my business
- l'excellent et effrayant Boucher de Hanovre (coup de cœur pour ces allemands)
- l'espagnol et franquiste Piège
- le cultissime Maus (autre coup de cœur incontournable pour l’américain né à Stockholm)
bref, les exemples ne manquent pas (et encore, ce ne sont que ceux que l'on a pris le temps de lire ici !).
À classer sur ce même rayon, depuis un premier volume paru en 2009, Manu Larcenet (un ancien de Fluide Glacial) vient de terminer cette année, une série de poids avec Blast.
Ça commence façon polar et directement en garde à vue : Polza (on vous laisse le plaisir de découvrir la genèse du prénom !) est interrogé par la PJ. Visiblement, Polza est un clochard à la dérive, un marginal en perdition, interrogé pour ce qu'on devine de quelques horreurs sur une douce jeune femme, par des flics impatients de le déférer au parquet.
D'ailleurs Polza a tout d’un affreux jojo : obèse, colérique, énorme, gavé aux barres chocolatées et imbibé d'alcool.
Sauf que ...
Sauf que Polza se dit écrivain, sauf que Polza semble se contrefiche d'être inculpé et sauf que Polza entend d'abord raconter toute son histoire aux flicaillons impatients.
[...] Si vous voulez comprendre, il faut que vous passiez par où je suis passé.
Chouette, c'est parti pour quatre gros volumes.
On s'attache très vite à ce personnage d'apparence pourtant odieuse et hideuse. Quelques pages seulement et nous voici accros au récit de son aventure humaine (car l'apparence de Polza est trompeuse et c'est bien d'humanité qu'il s'agira). L'impatience des flics finit par nous gagner (heureusement, les 4 tomes de la série sont désormais publiés !).
Et contrairement aux apparences encore (il faut quelques pages pour dépasser la surprise de ce noir & blanc envahissant, avare de textes et chiche en dialogues), le dessin (où l’on croit apercevoir parfois le fantôme de Fred)  finit de nous accrocher définitivement : pour dépeindre les noirceurs de l'âme, Manu Larcenet a opté pour une gamme étonnamment variée de beaucoup de noirs et d'un peu de blancs. Des pages d'une profonde noirceur mais des planches d'une luminosité surprenante, tout à fait en accord avec le propos et une histoire où justement tout n’est pas noir ou blanc, chapeau l'artiste.
Des planches comme celle-ci valent le déplacement !
Un dessin qui se révèle étrangement physique et qui tente de nous faire ressentir la pesanteur des corps malades, blessés ou maladroits, l'humidité et la vitalité des forêts grouillantes, l'errance des regards éperdus, ... Étonnant.
Dans ce registre de couleurs on se doute que l’histoire n’est pas bien gaie et elle se termine très habilement sur un dernier chapitre qui s’intitule : Pourvu que les bouddhistes se trompent … Tout un programme dont on vous laisse découvrir le sens exact.
Tout tout petit bémol : on comprend que Larcenet se soit laissé emporté par son talent, on apprécie le rythme lent qui nous laisse nous imprégner des ambiances mais l’histoire aurait gagné à être plus ramassée et on aurait sans doute pu gagner l’un de ces quatre gros volumes.
Quelques pages du dernier volume à feuilleter ici (attention, c'est le début du tome 4 qui dévoile donc [mais à peine] quelques pistes).
D'autres images encore : [1] [2] [3] [4] [5] [6]

Pour celles et ceux qui aiment quand tout n’est pas noir ou blanc.
L'avis de Télérama, d'autres sur SensCritique.







Bouquin : Trois mille chevaux vapeur


De bruit et de fureur.

On avait déjà croisé Antonin Varenne dans un polar un peu déjanté : Fakirs.
Revoici cet auteur dans un tout autre registre, celui du roman d’aventures, fresque picaresque, voyage en technicolor et odorama.
Le titre, sur la couverture, donne déjà le ton : Trois mille chevaux vapeur, rien que ça. C’est la puissance du bateau transatlantique de la Cunard qui emmènera le sergent Bowman aux Amériques juste avant l’élection d’Abraham Lincoln en 1860. C’est aussi la mesure de la puissance évocatrice de ce roman bouillonnant qui résonne de bruits et de fureur, de guerres et de puanteurs.
Mais avant de partir pour le far-west, le sergent Bowman est d'abord passé par les Indes et la Birmanie : il était soldat pour la Compagnie des Indes Orientales, la britannique, la société privée qui reçut de la Reine Elisabeth les privilèges de frapper sa propre monnaie et recruter sa propre armée et dont les mercenaires terrorisèrent une grande partie de la planète … pour le bien de l'Empire.
C'est à l'embouchure de l'Irrawaddy(1) que commence ce récit en 1852, en pleine guerre navale.  Quelques pages à peine, pleines de bruit et de fureur, et nous voici plongés au cœur des combats aux côtés du sergent Bowman et de ses hommes, envoyés en mission secrète contre les ‘singes’ birmans (on découvrira plus tard les dessous peu chevaleresques de cette affaire qui finira très mal).
Plus tard, en 1858 au cœur de La Grande Puanteur, on retrouve le sergent Bowman à Londres, imbibé d'alcool et d'opium. Quelques années de captivité chez les 'singes' birmans ont laissé des traces profondes dans son cerveau ravagé par les cauchemars et des cicatrices effrayantes et mystérieuses sur son corps amaigri.
Un meurtre puis un autre semblent alors réveiller les fantômes des années terribles.
Le sergent part à la recherche des rares survivants de l'épisode de 1852 et des années de captivité qui suivirent : l'un d'eux est sans doute l'assassin.
[…] – Des meurtres qui se ressemblent… d’un côté du monde à l’autre… Jamais je n’ai entendu une chose pareille. Mais alors, monsieur Bowman, vous êtes une sorte de policier international ?
Arthur avala son whisky de travers et toussa.
– Pas vraiment.
Bowman devra poursuivre l’assassin et ses propres cauchemars jusqu'aux Amériques où il débarque le 8 mars 1857 en pleine manifestation des ouvrières du textile(2).
[…] – Vous ne semblez pas être un homme trop encombré d’illusions, monsieur Bowman. Si vous en aviez au sujet de ce pays, voilà qui règle l’affaire. Les États-Unis ne sont pas une jeune nation, mais un commerce d’êtres humains florissant. Ceux qui débattent aujourd’hui à Washington de l’émancipation des esclaves sont les propriétaires des usines où travaillent ces femmes. Ce sont eux qui font tirer sur les ouvriers.
C'est sur cette trame historique délibérément ‘choisie’ qu'Antonin Varenne s'amuse à déplacer son pion (et nous avec !) d'est en ouest, en voilier, en train, en vapeur, en diligence, à cheval, pour notre plus grand plaisir : le contexte est évoqué avec précision mais sans pédantisme affecté, sans étalage complaisant, juste ‘histoire’ de piquer notre curiosité.
Le fil de l’intrigue ‘policière’ est très ténu et ne sert qu’à nous tenir en haleine tout au long du voyage, dans l’impatience de découvrir quelles sont exactement ces mystérieuses et terribles cicatrices que Bowman et ses anciens compagnons d’armes ont ramené de captivité, et lequel des rares survivants en est devenu fou furieux.
[… ] – Puis-je demander ce qui vous est arrivé ?
– Ça remonte à longtemps.
– Vous ne voulez pas en parler ?
– Depuis quelque temps, j’ai l’impression que je rencontre que des pasteurs qui veulent me faire parler et des fous qui voudraient que je me taise.
Le vieux baissa les yeux et fit tourner son verre entre ses mains, comme s’il hésitait à s’empoisonner un peu plus le foie.
– Il y a des cas dans lesquels je ne crois pas à la confession, monsieur Bowman. Raconter quelque chose de douloureux, cela ne fait souvent que ranimer la souffrance. Qui que vous soyez, je ne pense pas que vous ayez à vous repentir de ces blessures.
Bowman bourra le foyer de sa pipe et frotta une allumette sur la table.
– C’est pas si sûr que ça.
Le vieux pasteur sourit.
[…]– Monsieur Bowman, puis-je vous demander quelque chose ?
– Quoi ?
– Vos cicatrices, est-ce que c’est cet assassin qui vous les a faites ?
Bowman tira de sa poche le flacon de Brewster et le tendit au Polonais.
– Qu’est-ce que c’est ?
– J’en sais rien. Des plantes, mais ça marche. Comme le laudanum. Plus fort.
Brezisky accepta sans se faire prier. Bowman en but aussi.
– Sinon je pourrai pas raconter encore. Et ça te servira aussi pour dormir après.

Un extrait d'une interview de l'auteur :
[...] Fan de western depuis longtemps, j'ai décidé de me lancer et de là s'est greffée l'idée de la poursuite d'un tueur qui aurait pu être un tueur du XXe siècle, mais pendant la conquête de l'Ouest. Ensuite il a fallu des personnages, ils ont pris corps au fur et à mesure, selon les besoins de l'histoire...
Pour la première fois je crois que j'ai vraiment forcé le destin d'Arthur Bowman (le personnage principal) à aller exactement là où je voulais. Ce que je n'ai pas maîtrisé, c'est par où il allait passer. [...] Je savais où je voulais faire arriver le héros, mais Bowman est passé par des endroits que je ne m'attendais pas du tout à visiter ...
Au long de ses pérégrinations, l’increvable Sergent Bowman rencontrera toute une galerie de personnages hauts en couleurs, au figuré comme au propre puisque le monde de l’époque se confronte aux jaunes, aux noirs et même aux rouges du far-west. Bowman fera même la connaissance d’un étonnant indien métis qui s’est lui-même baptisé John Doe ! … et d’une belle rousse du far-west (joli portrait de dame).
[…] – Et une dernière chose : quand on sera là-bas, tu me laisseras parler. Tu es peut-être blanc, mais tu ne connais pas ces endroits.
– Je ne dis rien ?
– Tu restes comme tu es, tu fais peur aux gens et moi je parle.
[…] Les Indiens ne se serrent pas la main, peut-être la seule chose que nous aurions dû apprendre de vous. Malheureusement, tellement de mensonges ont été scellés par une poignée de main que nous sommes devenus réticents à cette tradition. Il ne faudrait le faire qu’entre amis. Pierre Noire tendait sa main gauche. Arthur tendit la sienne, enroulant ses trois doigts restants autour des quatre de l’Indien.
Le sergent Bowman réussira-t-il à racheter sa rédemption après les horreurs commises et subies quand il n’était qu’un spadassin au service de Compagnie ?
[…] Bowman réalisait, écoutant les vagues au loin, qu’il n’avait pas impunément traversé tous ces paysages. Chaque fois, il y avait laissé un morceau de lui, de temps passé et de vie disparue. Le sergent Bowman était maintenant éparpillé aux quatre coins du monde. Il ne restait plus grand-chose de lui.
Commencé à grand bruit dans la fureur des guerres coloniales en Asie, le roman s’achèvera au son des canons de la Guerre de Sécession sur laquelle Arthur Bowman et Antonin Varenne jettent un regard désabusé :
[…] Vingt mille soldats furent tués ou blessés pendant une bataille d’une seule journée, dont les deux camps revendiquèrent la victoire. L’industrie et les grandes fermes des États-Unis tournaient à plein régime, le pays était sorti de la crise économique qui durait depuis la grande sècheresse de 1857. Dès la fin de l’hiver, le flot d’immigrants ne cessa de grossir et la piste de la Californie qui passait par Carson City devint une rivière continue de convois en route vers le Pacifique.
En pleine transformation industrielle, le XIX° siècle finissant annonce déjà les terribles fracas des années à venir et la plume d’Antonin Varenne a suffisamment de souffle et d’ampleur pour nous entrainer et nous faire partager ces bouleversements.
Bien sûr on peut se dire que le récit d'Antonin Varenne joue la facilité avec des épisodes assurés d'emporter l'adhésion de ses lecteurs. Mais il faut bien reconnaitre aussi que l'auteur maîtrise et sa plume et ses effets et que sans ces talents il nous aurait perdus en chemin depuis bien longtemps.
Les romans d’aventure modernes sont assez rares pour s’attarder sur celui-ci, inhabituel et intéressant.
(1) - à l'époque, on avait autre chose à y faire qu'admirer les célèbres dauphins
(2) - pour les curieux, il semblerait que l'histoire de cette manif et de la répression sanglante qui suivit (l'armée aurait ouvert le feu sur les ouvrières) ne soit qu'une légende destinée à occidentaliser la commémoration du 8 mars. Mais cela n'enlève rien au récit de Varenne !


Pour celles et ceux qui aiment les aventuriers.
D’autres avis sur Babelio. Le billet de Yan qui fut le premier à nous mettre sur la piste. Celui de Cassiopée.





Bouquin : Le sixième homme

Un polar à Longyearbyen !

Évidemment BMR & MAM s'en seraient voulu de passer à côté(1) de ce polar qui sera certainement le plus nordique de la récente déferlante scandinave !
Si par inadvertance (sait-on jamais !) vous ne situez pas tout à fait Longyearbyen, sachez que nous voilà partis pour le Spitzberg (ou le Svalbard en VO norvégienne), un archipel(2) tout là-haut en pleine Mer de Barents, bien au-delà du cercle polaire arctique [clic], quelques îles perdues près du pôle et qui comptent les villes les plus septentrionales de la planète.
Depuis les années vingt, ce territoire qui n'appartient à personne ou à tout le monde (un peu comme l'Antarctique) a été placé sous l'administration de la Norvège qui met un point d'honneur à le protéger scrupuleusement et à respecter les préceptes écologiques les plus stricts.
Même les ours blancs y sont protégés alors qu'ils représentent le principal danger de ces îles où l'on ne sort jamais sans le fusil en bandoulière (on a quand même le droit de tirer pour se défendre ! mais je vous laisse imaginer ensuite l'enquête des flics écolos, d'autant que les ours sont rarement armés, eux).
La civilisation la plus proche (si l'on peut parler de civilisation) est Tromsø, tout en haut en haut de la Norvège et c'est de là que l'avion décolle pour Longyearbyen.
Longyearbyen n'est qu'un hameau où se croisent deux ou trois rues et à peine 2.000 habitants.

[...] Le jardin d'enfants se situait en centre ville de Longyearbyen. Ceux qui vivaient ici disaient cela sans aucune ironie, seuls les touristes trouvaient amusant que l'on emploie les termes de grande place et centre ville pour parler de la grosse poignée de bureaux, magasins, cafés et restaurants regroupés là.

À quelques encâblures, une autre ‘ville’ : c'est Barentsburg, une colonie minière d'origine soviétique. Les Russes sont les seuls à avoir fait valoir leur droit d'exploiter les ressources naturelles du territoire (le charbon) comme le prévoit le traité international du Svalbard. Barentsburg, aujourd'hui à demi abandonnée, fut longtemps une vitrine soviétique(3) mais compte moins de 500 habitants désormais.
Quelques belles images de Longyearbyen(4) ici : [1] [2]


Bon voilà pour la leçon de géo, venons-en enfin à ce polar, norvégien donc, de Monica Kristensen qui a vécu longtemps tout là-bas là-haut comme ... glaciologue, bien sûr !
Grâce à cette ‘fraîche’ expérience, l'auteure sait donner la part belle à tout ce décor exotique, aux us et coutumes de ces colons perdus au bout du monde, à la vie et au métier des mineurs (de charbon) ou des pêcheurs (de crevettes).
Le sixième homme justement, c'est le fantôme dont la légende locale dit qu'il accompagne parfois les équipes de mineurs (composées habituellement de cinq hommes) au fond des galeries.

[…] Un peu plus loin devant lui dans la galerie, Knut pouvait voir le casque blanc dodeliner d’un côté, puis de l’autre, et la distance n’augmentait pas. Knut fut soudain tiré de sa léthargie. Le casque blanc… Les deux mineurs qui l’avaient accompagné portaient des casques jaunes. Mais qui était donc la personne qui marchait devant lui ?

Par une belle et longue nuit d'hiver (-30°, 24h de nuit, je ne recommence pas la leçon de géo), une fillette disparait de la garderie, en plein ‘centre’ du petit village de Longyearbyen. Les parents, le personnel du jardin d'enfants, les autorités, les deux flics du coin, tout le monde s'inquiète, s'affole et s'active. Qu'est-il advenu de la petite Ella, dans ce village perdu sur cette île perdue où l'on craint bien plus le fantôme légendaire de la mine qu'un improbable ravisseur d'enfants ?

[…] Il devait y avoir une explication parfaitement logique à cette disparition, il ne voyait pas comment il pouvait en être autrement. Il n’y avait pas d’enlèvement d’enfants au Svalbard.
[...] Je n’arrive pas à y croire. Que s’est-il passé ? Le Svalbard était une petite communauté paisible. Le tapage domestique, le trafic d’alcool et, dans une moindre mesure, la criminalité environnementale, voilà les pires délits auxquels nous étions confrontés jusqu’ici. Et subitement, il y a tout ça qui nous tombe dessus.

Mais on est bien loin d’une métropole stressante et trépidante comme Los Angeles et l’enquête policière ne trônera évidemment pas au palmarès des thrillers de l’année.
On se doute bien qu’il n’y a pas de serial-killer au Svalbard (il mourrait d’ennui dans les trois jours) et la disparition de la petite Ella ressemble malheureusement à tous les drames de ce genre.
Non, Monica Kristensen préfère prendre son temps pour revenir sur les événements des derniers jours, sur les enchaînements tragiques qui conduiront au drame et elle en profite pour nous faire découvrir la vie de cette petite communauté. C’est tout l’intérêt de ce bouquin, presqu’un documentaire, juste suffisamment romancé et ‘polarisé’(5) pour joindre le plaisir de la découverte à celui de la lecture.

(1) - il y a déjà quelques années BMR et MAM sont allés passer une semaine tout là-haut (en été !), engoncés au fond du kayak dans les combinaisons en caoutchouc glacé, pagayer entre les icebergs et les phoques, sacrés souvenirs, toujours très ‘frais’  dans nos mémoires !
(2) - pour être géographiquement exact, le Spitzberg est l'île principale du Svalbard
(3) - étant donné la latitude on n'ose pas dire une vitrine soviétique ... à l'ouest !
(4) - la ville ('-by' en norvégien est l'équivalent de -ville ou -city) tire son nom de Mr. Longyear, un américain qui créa tout là-bas là-haut les premières exploitations minières au début du siècle dernier
(5) - de polar, puisque le polaire va de soi !


Pour celles et ceux qui aiment les longues, très longues nuits d’hiver.
D'autres avis sur Babelio.





Cinoche : Les combattants

No future …

On a bien failli passer à côté de ce ‘premier film’ de Thomas Cailley pourtant remarqué à Cannes.
Il aura fallu l’insistance de MAM pour convaincre BMR qui avait gardé le goût amer d’une bande annonce qui (vue sans doute trop rapidement) semblait pencher du côté des survivors aux crânes rasés.
Ce volet pseudo-militaire s’avère bien trop réducteur pour Les combattants, un film attachant, tendre et surprenant qu’il est bien difficile de résumer.
L’histoire de jeunes qui ne sont plus ados et qui hésitent à entrer dans notre monde d’adultes anxiogène.
Deux d’entre eux : la déjà remarquée Adèle Haenel et le remarquable Kévin Azaïs.
Lui, n’est pas très chaud pour reprendre l’affaire familiale de menuiserie, un fardeau qui semble peser bien lourd.
Elle, est diplômée en macro-économie : ça sert à prévoir les mouvements économiques à venir, mais comme il n’y a pas de futur, à quoi bon prédire l’avenir ?
Car elle est convaincue que la fin du monde, c’est pour demain, après-demain au plus tard. Et quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, on se dit qu’elle a pas tout à fait tort de penser ce qu’elle pense.
En prévision de la fin annoncée, il faut donc se préparer à survivre.
Thomas Cailley laisse entendre qu’il ne s’agit pas que d’une lubie personnelle de la jeune Adèle : en chemin, ils rencontreront un autre jeune qui enchainent les PM commandos, les préparations militaires, avide comme elle d’apprendre les ‘trucs’ utiles pour survivre à la fin. Comme cette astuce qui consiste à se pisser dessus quand on est coincé sous une avalanche et deviner ainsi le sens de la pente pour savoir où creuser. Faut avoir été dans les chasseurs alpins pour apprendre ça.
Ou se faire des smoothies de poisson cru (entier, hein, avec les yeux et les arêtes) au blender pour s’habituer au goût quand y’aura plus que ça à bouffer sur la planète.
Kévin va donc suivre Adèle, tombé raide (dans tous les sens de l’expression) de la jeune femme.
Pour ces jeunes, pas d’avenir et un corps dont ils ne savent trop quoi faire : lui, mignon et gringalet, pas combattif pour deux sous, elle qui s’entraîne à nager en apnée avec un sac à dos de quinze kilos de briques.
Mais tout cela ne dit que finalement très peu de choses de ce film surprenant.
Beaucoup d’humour (beaucoup), très fin : on rit franchement et souvent. Personne ne se prend vraiment au sérieux, il y a du second ou du troisième degré, Cailley ne cherche jamais à défendre une quelconque thèse socio-politique.
Un discours très fin, décalé, qui sait éviter sans faillir les (nombreux) pièges casse-gueule, et tailler des dialogues au poignard de ranger.
Beaucoup (beaucoup) de tendresse aussi pour les personnages (tous).
Et enfin, deux acteurs formidables. Bien sûr il y a Adèle Haenel (25 ans), déjà remarquée à plusieurs reprises [clic] et qui trouve là un rôle fait pour elle, taillé tout exprès pour sa carrure. Ses répliques font mouche à chaque coup, qui seraient ridicules dans la bouche d’une autre.
Face à cette future star du ciné français, la surprise vient d’un illustre inconnu : Kévin Azaïs qui réussit, du haut de ses 22 ans, à tenir la dragée haute à sa collègue. Le duo est tout bonnement parfait.
Tous deux doivent assurément une fière chandelle au réalisateur … et réciproquement !
Les jeunes (en général) n’ont sans doute pas d’avenir mais ces deux-là (en particulier) et le cinéma français peut-être …
On est à deux doigts du coup de cœur … et promis, on reste à l’affut, pour survivre, ne pas subir !


Pour celles et ceux qui aiment les bonnes surprises.



Miousik : Angus & Julia Stone


Yes !

Après l’envolée miraculeuse de 2010 [vous vous souvenez forcément du Big Jet Plane], on croyait bien le duo australien des frère et sœur Angus & Julia Stone définitivement perdu down under depuis que ces deux-là travaillaient chacun de son côté.
On craignait le syndrome Cocoon : un duo au succès quasi planétaire et puis … silence.
Ouf !
Merci au producteur Rick Rubin d’avoir remis en selle le duo australien et surtout d’avoir réussi à renouveler leur palette musicale.
Moins de sucre et plus de ‘groove’ dans les arrangements pour des chansons plus électriques et plus musclées.
Plus de place également à la voix de la douce Julia.
Jetez donc une oreille sur ce Grizzly Bear qui rappellera les meilleurs moments des albums précédents …
Can I take you home ?
We can go anywhere you wanna go
Can I take you high
To the mountain sky ?
We can go as far as you wanna go
Pa pa pa pa pa, pa
ou encore le si doux Wherever you are.
Don't take my word for it
Just look at me to know that I love you
Don't take my word for it
Just look at me to know that I do
Look at me to know that it's true
Notre playliste avec d’autres titres encore, yakakliker pour écouter.

Pour celles et ceux qui aiment la rentrée en douceur.


Cinoche : Enemy


Une araignée au plafond.

Après le si remarquable Incendies et le presque aussi remarquable Prisoners, le nouveau film du québécois Denis Villeneuve Enemy nous attirait inexorablement(1) en dépit de sa réputation de film ‘prise de tête’.
Alors tout comme MAM, on peut ne pas aimer. Du tout.
Ne pas entrer dans cette histoire qu'on n'arrive pas à croire, qu'on n'arrive même pas à avoir envie de croire, et être pris d'une forte envie de quitter la salle à mi-chemin de ce film jaunasse, déprimant, lent et ennuyeux.
Ou bien comme BMR, on peut se laisser surprendre et entraîner dès les premières images par le curieux parti pris du cinéaste de filmer tout cela comme un vieux film de SF des années 80, dans un Toronto sans identité, dilué et coloré dans les tons sépia, une ville embrumée et impersonnelle, tentaculaire et inhumaine, pratiquement sans âme qui vive.
Jake Gyllenhaal, l'acteur fétiche de Villeneuve, y traîne sa déprime, seul comme une âme en peine. Dans ce cadre hypnotique, chaque objet, chaque décor est absolument réaliste et si l'on regarde bien, familier ... mais on se croirait sur une autre planète, dans un monde futuriste perdu quelque part entre Orwell et Kafka. Le résultat n'est évidemment pas folichon mais l'ambiance pesante et inquiétante.
Et cette histoire de double alors ? (adaptée du roman du portugais José Saramago).
Il y a effectivement deux Jake : l'un est prof d'histoire à la fac et a une petite amie, l'autre est un acteur de seconde zone, marié avec une femme enceinte. L'un et l'autre semblent aussi maladroits ou mal à l'aise avec leurs compagnes et donc la Femme en général.
Le prof découvre son double exact dans un film vidéo et part à sa recherche. De fil en aiguille, ils vont même jusqu'à échanger leurs places et leurs compagnes ...
Il est aussi question de schémas, de figures et d'événements qui se répètent en boucle comme les appartements dans les cités d'immeubles sans fin de Toronto.
Il y a évidemment plusieurs niveaux de lecture possibles et Denis Villeneuve met un soin méticuleux à laisser les hypothèses ouvertes.
On peut voir cela sous le mode un peu fantastique, un peu SF (ce que peut suggèrer la mise en scène, on l'a vu) : les doubles s'échangent, une vie prend la place de l'autre et s'approprie tout ce qui va avec, femme, voiture, appartement, jusqu'aux clés de l'inconscient.
On peut aussi regarder cela comme la psychose d'un seul homme perdu dans cette ville inhumaine, avec une araignée au plafond. Il mène une double vie et s'invente de quoi se les expliquer.
Deux ou trois belles scènes marquent le film : la rencontre des deux doubles évidemment, pleine de tensions et d'émotions, et les réactions (différentes) des deux compagnes lors de l'échange ou du soi-disant échange.
Une très belle et très courte réplique résume le propos :

- Et comment s'est passée ta journée à la fac ? demande l'une des compagnes, le soir sur l'oreiller.
Le Jake qui est dans le lit, joue la surprise ou l'hésitation, il ne répond pas vraiment et la dame marmonne, euh, non, bon laisse tomber, pas d'importance.

Sauf que celle qui demande ça ... est supposée être l'épouse de l'acteur et pas du prof !
S'est-elle rendu compte de la substitution et l'accepte-t-elle en imaginant gagner au change (comme on l'a dit, Villeneuve a semé plein d'indices propres à accréditer cette version).
Ou bien sait-elle que son prof de mari mène une double-vie, rêve tout éveillé d'être acteur de cinéma et qu'il ne faut pas trop le stresser sur ces questions (avec autant d’indices également) ?
Le film n'est pas si abscons que l'on veut le laisser croire, et Denis Villeneuve est même plutôt explicite, parfois trop, mais le rythme est lent et certaines scènes s'étirent un peu trop en longueur.
Un conseil de MAM (un conseil de femme, habituée à remarquer ces choses-là apparemment !) : soyez attentif à l'alliance du début à la fin du film !

(1) - en réalité, Enemy a été tourné avant Prisoners mais les distributeurs ont sagement attendu le succès du troisième pour diffuser le second




Pour celles et ceux qui aiment les araignées.
D'autres avis sur SensCritique.


Cinoche : The Salvation

La recette des spaghettis à la danoise.

Et dans cette recette scandinave, il y en a pour tous les goûts : la figure hiératique et buriné du danois Mads Mikkelsen ou la belle Eva Green aux yeux de la même couleur(1) !
Et même Cantona, notre corse national, pour les amateurs de foot (c’est pas nous).
Qui donc eut dit qu'un jour le renouveau du western spaghetti passerait par le Danemark !
C'est pourtant ce que nous propose le danois Kristian Levring qui, comme nous autres, a grandi en jouant aux cow-boys et aux indiens et qui rêve depuis tout petit de (re-)vivre l'aventure du far-west : The Salvation.
Nous voici donc partis vers l'ouest où rien ne manque à l'appel : des méchants très méchants, des gentils très gentils (mais faut pas les mettre en colère), une belle qu’est avec les méchants mais qu’elle sera gentille après parce qu'elle a un bon fond et surtout qu'elle est belle, des chevaux, des paysages, des flingues, des révolvers, des bagarres, des duels et des règlements de compte, etc ...
Attention, spoiler : c'est finalement les gentils qui gagnent, même si y'en a qui meurent en route.
Kristian Levring, tout danois qu'il est, a fort bien fait les choses. Sans même se permettre trop d'écarts par rapport au modèle : il s'est juste autorisé à sursaturer ses crayons de couleurs pour un effet bande dessinée des plus réussis (et très tendance).
Ah, il manque quand même les indiens : parce que le cinéaste nous envoie en 1871, les indiens sont tous morts, la conquête de l'ouest se termine. Le chemin de fer transforme l'Amérique, on commence à découvrir l'or noir et l'on exproprie les petits propriétaires qui doivent fuir plus loin encore vers l'ouest. Le monde du plus fort sans foi ni loi du far-west se transforme en un monde où la foi et la loi se mettent désormais au service du plus capitaliste (belle démonstration ici). Quelques années encore et ce sera bientôt There will be blood (rappelez-vous en 2008 le film de Paul Thomas Anderson avec Daniel Day-Lewis).
Un détail amusant, Kristian Levring fut l'un des signataires du fameux manifeste Dogma95 dont le sixième commandement était, accrochez-vous à votre fauteuil : les meurtres et les armes, tu ne feras point apparaître ! Sacré virement de bord !
… qui nous vaut ce sympathique divertissement, idéal pour mettre de la bonne humeur dans la rentrée d'automne et pour réveiller ceux qui, comme nous, s'étaient laissés embobiner par la Palme Dort.

(1) - bon après analyse très sérieuse et très cinématographique, il ressort que BMR fut un peu désappointé par le rôle de la belle Eva qui joue un personnage muet et dont, tout comme sur l'affiche de Sin City 2, on ne fait que seulement deviner les atouts de sa désormais célèbre poitrine, et il ressort par ailleurs que MAM aura finalement craqué pour les beaux yeux de l'autre danois du casting [en réalité il est suédois], Mikael Persbrandt, qui joue le frère de Mads Mikkelsen


Pour celles et ceux qui aiment les cow-boys.
D'autres avis sur SensCritique. Un billet intéressant parmi d'autres.



Cinoche : Winter sleep


Le coup du lapin.

Comme pour Sils Maria, on avait longtemps hésité avant d’aller se confronter aux trois heures et demie de la palme d’or : Winter sleep du turc Nuri Bilge Ceylan (pour pas faire province, faut prononcer Djèïlân).
Les critiques vantaient les paysages à couper le souffle et on craignait évidemment trois heures de contemplation indolente des steppes anatoliennes.
Mais non, d’autres critiques vantaient une mise en scène théâtrale et des dialogues d’une profondeur rarement égalée.
Nous voici donc armés d’un apriori enthousiaste (si, si), bien assis dans une salle confortable, toutes les cartes en main.
Au fin fond de la steppe turque, Aydin est un ancien comédien à demi raté qui écrit de petits éditoriaux pour une feuille de chou locale. Arrogant et prétentieux, il vit de ses rentes et supervise vaguement un hôtel pour trois touristes japonais. Sa sœur profite de son hospitalité pour se remettre d’un divorce. Son épouse, très belle jeune femme beaucoup plus jeune, s’ennuie à mourir et s’occupe comme elle peut à faire la charité. Des oisifs nonchalants assistés de domestiques obséquieux.
Mais avec de très très gros soucis existentiels : doit-on s’excuser d’être riche ? l’arrogance est-elle un vilain défaut ? faut-il exiger que les pauvres paient leur loyer ? l’argent fait-il le bonheur des autres ? la charité permet-elle de se donner bonne conscience ? etc …
Des caricatures d’oisifs comme on n’en fait plus, animés de débats oiseux.
En guise de paysages à couper le souffle on aura droit à une cheminée de fée (pas deux, une) et à un très beau décor : celui bobo-chic d’un hôtel troglodyte de Cappadoce. Reconnaissons qu’il faut saluer le travail de repérage et celui du décorateur. Il y a là effectivement de quoi couper le souffle de ceux qui ne voyagent jamais et vont rarement au cinéma, le jury cannois est bien connu pour ça.
Côté cinéma, c’est effectivement très bien filmé : pas un plan de travers, de belles images, un travail académique, de quoi alimenter les exégèses et les écoles pendant des années.
Il y a même de très beaux jeux de miroirs avec champ/contrechamp … mais que Ceylan (pour pas faire province, faut prononcer Djèïlân) répète plusieurs fois avec insistance pour ceux qui se seraient endormis en route et auraient loupé les précédents, très aimable à lui.
Malgré ces atouts indéniables qui justifient presque à eux seuls la palme d’or (un blog titrait : la palme dort …), malgré tous ces atouts donc, BMR et MAM sont sortis des trois heures et demie, ravis de pouvoir se dégourdir les jambes mais en se regardant dubitatifs : mais que donc voulait dire Ceylan (pour pas faire province, faut prononcer Djèïlân) ?
Au bout de trois heures, quand on voit partir trois personnages imbibés d’alcool et armés de fusils pour une partie de chasse (dans des paysages à couper le souffle, rappelons-le), on se dit que ah, ça y’est, ça valait le coup de patienter et de lutter contre le sommeil, enfin, le drame va se nouer …
mais non, ce ne sera qu’un pauvre lapin qui fera les frais de l’arrogance de Aydin et de la prétention de son metteur en scène.
Trois heures et demie d’accord, pourquoi pas, mais pour finalement dire QUOI ?
Tout cela aurait pu être réduit, assaisonné et cuisiné en moins de deux heures et le turkish delice aurait pu être savouré mais là, dilué à l’envi, c’est insipide et insignifiant.
Mais on veut bien comprendre qu’à moins de trois heures, point de palme …
Peut-être que les jurés cannois auront finalement voulu récompenser l’harmonieuse osmose, finalement très réussie et très convaincante, entre le propos du cinéaste et l’immensité désertique de la steppe anatolienne.
Le comble c’est que Ceylan (pour pas faire province, faut prononcer Djèïlân) aura finalement réussi à nous écœurer et nous ôter toute envie d’aller faire du tourisme troglodyte en Cappadoce, tant le si joli décor finit par nous sortir par les yeux. Même la belle affiche nous horripile désormais dans la rue.
On ira donc plutôt à Ceylan (bon le Sri Lanka n’a rien à voir avec tout ça mais ça peut se prononcer Ceylan sans faire trop province).

Pour celles et ceux qui aiment le théâtre de Tchékov.
D’autres avis (dont beaucoup positifs) sur SensCritique.