Cinoche : Le sel de la terre

Quand la Terre ne tourne pas rond.

Les spectateurs se pressent dans les rares salles qui veulent bien diffuser Le sel de la terre, le film co-réalisé par Wim Wenders et le fils du photographe Sebastião Salgado : Juliano Ribeiro Salgado.
Fort logiquement, le film s’ouvre sur les photos qui auront rendu célèbre le brésilien Sebastião Salgado lorsqu’en 1986, il montra au monde les images de la fourmilière humaine (50.000 travailleurs !) des mines d’or de la Serra Pelada (Brésil).
Salgado commençait sa carrière de photographe de l’humain et du social, une carrière que cette biographie filmée va nous retracer de manière chronologique en mixant les photos (sur un écran de 8 mètres au cinéma, ça en jette !), les films tournés par le fils qui accompagna son père sur quelques voyages et les interviews par Wim Wenders de Salgado qui commente ses photos (astucieux dispositif ‘de réflexion’ à l’écran).
Salgado était un grand photographe et un grand voyageur : fidèle à son engagement, ce sera donc ensuite l’Éthiopie (terribles images … et terribles commentaires), la sècheresse et la famine au Mali, le Sahel, …
La Terre ne tourne pas rond.
Lorsque défilent ces images d’un noir et blanc hyper-esthétique aux tons métalliques saturés, on comprend bien ce qui a poussé certains critiques (voir par exemple les propos de Susan Sontag) à voir là surtout de quoi faire du beau (et de la célébrité) sur le dos de la misère humaine.
On ne peut d’ailleurs nier que Salgado semblait bien fasciné par la misère et la mort des peuples.
Mais peut-on dire qu’on n’a pas besoin de ce genre de témoins ?
Le succès de ce film prouve encore que nos consciences anesthésiées et nos yeux blasés ont besoin de spectacle et peut-être d’esthétisme pour maintenir un minimum d’intérêt … à défaut d’une véritable indignation.
Ainsi voyagent les yeux de Salgado … jusqu’à l’overdose du Rwanda.
Encore de terribles images, jetées à notre figure sur grand écran.
Mais ce ne seraient sans doute que quelques images de plus sans le commentaire des yeux qui ont vu cela, des yeux qui ont pleuré cela : le poids des mots ajoute au choc des photos.
Nous, nous avons oublié mais Salgado ne s’en remettra jamais vraiment.
Après quelques années, comme pour racheter ou régénérer sa conscience, pour se donner (et nous) donner un peu d’espoir, le voici parti dans un trip écolo : il replante des millions d’arbres au Brésil, là même où son propre père déforestait il y a quelques années pour l’élevage, et il repart en balade pour quelques photos des hommes et des bêtes qui survivent dans quelques oasis de paix (la tribu Zo’é au Brésil). Encore une démarche égoïste, c’est évident, et un propos écolo un peu court mais laissons donc Salgado reposer ses yeux en paix.
Au vu des images du film, on n’a pas osé mettre un ‘smiley’ tout sourire pour ce film : mais assurément c’est un film à voir et à réfléchir (et qui laisse le spectateur réfléchir à sa guise).


Pour celles et ceux qui aiment les images.
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