Cinoche : La Isla Minima


Les poulets et les flamands roses.

Depuis la Louisiane en général et les marais électriques en particulier, on savait désormais les bayous prodigues en belles images et propices à de sombres polars.
Ce qu'on ne savait pas c'est que l'Espagne elle aussi, recèle un trésor andalou, au sud de Séville, sur la façade atlantique : voici les marais du Guadalquivir et le parc naturel de Doñana, une sorte de Camargue ibérique. Des paysages superbes filmés par Alberto Rodriguez, inspiré par les photos de Hector Garrido, une variété locale de Yann Arthus-Bertrand.
Annoncé comme LE polar de l'été (forcément, c'est le seul), croulant sous les bustes de 'Goyas' récoltés en sa péninsule (meilleur truc, meilleur bidule, ...), auréolé des brumes électriques qui s'élèvent des mystérieux marais andalous, ... toute la question était de savoir si La Isla Minima allait relever ce sacré défi ou s'il s'agissait d'un coup de pub estival.
Alors c'est parti pour une plongée dans les années 80 : l'Espagne sort à peine du franquisme et s'efforce de faire briller le mirage de démocratie. Misère, chômage, déjà à l'époque les jeunes cherchent à quitter leur région ou leur pays pour voir si les marais sont plus verts ailleurs. Sur fond de revendications sociales (les journaliers exploités dans la région pour la récolte du riz et des écrevisses), deux jeunes filles ont disparu et sont bien vite retrouvées dans les marais, salement amochées.
Deux flics débarquent pour mener les investigations : deux flics que tout oppose mais que l'enquête oblige à travailler ensemble comme pour représenter les blessures mal refermées du pays (l'un est un ex-franquiste, l'autre un jeune idéaliste ambitieux qui rêve de Madrid). Ici, pas de place pour les héros.
Les belles cartes postales de la région qui nous sont montrées au début vont bien vite laisser place à une virée glauque dans les eaux troubles des marais : on patauge dans l'enquête comme dans la fange et il semble bien difficile pour tous ces espagnols de sortir de leur condition.
C'est filmé de main de maître. Bien sûr les paysages, on l'a dit : le marais est un personnage à lui tout seul, mais aussi les cadrages, les plans à travers les moustiquaires ou les pare-brises ruisselants.
Et puis des regards ou un signe de tête qui en disent beaucoup plus long que les quelques mots prononcés : on est dans un pays de taiseux (le cinéaste a également été inspiré par les travaux d'un autre photographe : Atin Aya ) et pas seulement parce que la loi du silence protège les affreux et les puissants qui sont souvent les mêmes.
Le marécage, les eaux troubles, le silence, ... autant dire que l'enquête avance très lentement. On est bien loin d'un thriller haletant et plutôt dans le rythme d'un bon gros bouquin d'atmosphère.
Les hispaniques (d'Europe ou d'Amérique du sud) ont décidément un cinéma bien à eux. D'ailleurs le film est inspiré d'un roman ... chilien  [clic].
Verdict ?
Il ne s'agissait pas d'un coup estival et oui, nous voici avec un très bon film (décidément après l'Inde et le Brésil, l'été cinéma est voyageur et prodigue), un film qui prend son temps pour planter décors et personnages, contexte et intrigue. Avec une ambiance à couper au couteau (ah, ah).


Pour celles et ceux qui aiment les marais.
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