Cinoche : Le prodige


La diagonale du fou.

American bluff, Zodiac, Harvey Milk, Argo, et j'en passe, les années 70 sont décidément très cinégéniques, particulièrement chez nos cousins américains et (au vu des quelques exemples cités) cela nous vaut quelques très bons films.
Celui d'Edward Zwick (oui, le faiseur de Blood Diamond) ne dépareillera pas la série.
Le prodige (encore une lamentable traduction : Le sacrifice du pion avait tout de même une autre portée en VO !) porte à l'écran la vie et le destin de Bobby Fisher, le vainqueur de la Guerre Froide, le porte-étendard du Monde Libre face à l'Empire Soviétique, le gagnant du tournoi d'échecs qui l'opposa au russe Boris Spassky en juillet 1972 à Reykjavík en Islande.
Toute notre jeunesse, quoi !
Le pion c'est évidemment Fisher, sacrifié, poussé en avant, propulsé sur la scène, alors qu'il n'était qu'un type, certes brillant aux échecs, mais odieux et arrogant à souhait, parano en diable et tout à fait incapable de gérer la pression que tout plein de gens bien intentionnés lui collèrent sur le dos. Alors oui, le Monde Libre a gagné à Reykjavik, mais Bobby Fisher y perdra encore quelques neurones, y grillera encore quelques cases et y laissera les dernières lueurs de raison qui lui restaient.
Dans un rôle de barjo pas facile, Tobey Maguire est tout simplement époustouflant de naturel, criant de vérité. Il n'en fait ni trop, ni trop peu : juste ce qu'il faut pour nous entraîner avec lui dans sa course folle. Car s'il y a folie, il y a aussi course (ou match) et entraînement. Les échecs sont un sport où il faut entraîner sa mémoire et sa cervelle à calculer, prévoir et anticiper les coups possibles au fur et à mesure que se démultiplient les combinaisons possibles. Même pour celui qui ne connait rien à ce jeu, tout cela est superbement rendu avec brio et luminosité, suspense et retournements, fibrillations et palpitations. Comme pour préparer un iron-man, on court essoufflé, le palpitant qui tape, derrière notre champion Fisher.
Et on a mal à la tête pour lui.
Les longs préparatifs du match islandais (on devra remonter à l'enfance de Fisher !) sont tout de même rendus palpitants par cet étonnant personnage qu'incarne Michael Stuhlbarg : l'avocat survolté qui s'improvise agent et cornac de Fisher. Tous deux font la paire (et éclipsent totalement le troisième larron, l'inexistant curé) : ils portent littéralement le film jusqu'au match de boxe final, transcription particulièrement fidèle des six premiers rounds de celui de l'Histoire (c'est au sixième round que le Monde bascula du côté de la force).
Par bien des aspects, ce film rappelle Imitation Game : biopic, guerre(s), être différent, défi cérébral, ...
Au-delà de ces aspects académiques et un peu convenus, ce qui fait la force de ce Prodige, c'est bien la mise en scène du vent de folie qui souffle entre les oreilles de Fisher. Écartelé entre son arrogance et ses peurs, boosté par sa passion des échecs, rongé par sa parano galopante, dévoré par l'envie de gagner. On partage avec empathie les passions et les folies de cet insupportable et incroyable bonhomme : c'est à cela que tient la réussite du film.
Ah oui, et y'a pas que les costumes, les décors et les coiffures qui sont d'époque, la BOF aussi, yeah !
Avec (entre autres) le Jefferson Airplane fétiche de BMR : Grace Slick chante une fois de plus [1] le White Rabbit.
MAM préfère trépigner dans son fauteuil avec le Creedence Clairwater Revival mais ça la rajeunit pas pour autant, yeah !

Pour celles et ceux qui aiment les jeux de pions, même sans dames.
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