Cinoche : Youth (La Giovinezza)


Fin de partie.

Heureux ceux qui (comme nous) ont eu la chance de ne pas voir La Grande Belezza (!) et qui pourront donc apprécier le dernier film de Paolo Sorrentino sans aucun a priori.
La Giovinezza (mais pourquoi ce Youth ?) est un film très critiqué : par ceux que Sorrentino déçoit après son précédent chef d’œuvre comme par ceux que Sorrentino irrite par son cinéma trop intellectuel et trop bien léché.
Ce Youth est un film si difficile à résumer qu'on ne s'y risquera pas : ce serait d'ailleurs aller à l'encontre de son rythme lent et majestueux par lequel il convient de se laisser porter et bercer.
Bien sûr il est question de 3° âge avec ces deux octogénaires que sont Michael Caine et Harvey Keitel. Bien sûr ils vieillissent, ou plutôt ils ont déjà vieilli, ils n'ont plus ni futur ni devenir, juste un lointain passé, une grande amitié, de faux souvenirs, de vrais mensonges.
Perdus dans un établissement thermal des Alpes suisses, ils s'entourent de jeunesse pour lutter contre leur inexorable déclin.
Michael Caine, ancien compositeur et chef d'orchestre célèbre, l'a accepté : il s'est retiré de la musique, refuse de remonter sur scène, se contente d'orchestrer pour lui seul un concert de clarines dans un alpage suisse.
Harvey Keitel, ancien cinéaste tout aussi célèbre que son ami, joue contre la montre et veut absolument sortir encore un dernier film, son testament.
Mais ce résumé bien sommaire ne rend absolument pas compte de la petite magie de ce moment de pur cinéma.
Nos deux stars (que l'on a si grand plaisir à retrouver ici) y sont entourées de toute une galerie de portraits étranges et mystérieux : un moine tibétain qui cherche à léviter, un maradona plus bouffi que jamais qui joue au tennis comme un pied, une jeune fille avec appareil dentaire qui danse devant une console vidéo, une vieille star sur le retour (Jane Fonda !), un couple mutique ... qui produira quelques sons tout de même, un jeune acteur californien qui apprend le rôle de sa vie, un prof d'alpinisme qui fera chavirer le cœur de Rachel Weisz (qui joue ici la fille de Michael Caine), ... chacun cherche sa voie et aura droit à son climax éphémère.
Il faut se laisser porter par le rythme des jours qui coulent doucement au cœur de l'été suisse : la vie semble s'y être arrêtée, tout a déjà été dit, tout a déjà été joué. La dernière page de la partition a été tournée.
Tout cela est bien entendu filmé de main de maître : la réputation de Sorrentino et de son chef opérateur Luca Bigazzi n'est plus à faire. Leur lumineux travail nous vaut ici quelques plans superbes sur les corps vieillissants et flasques, sur les visages tombants et ridés.
On apprécie également que le film ne baigne pas que dans les eaux amniotiques des thermes suisses mais aussi dans une très belle musique qui nous vaudra l'apparition de la cantatrice coréenne Sumi Jo pour une belle scène qui aurait bien de quoi nous faire aimer l'opéra (on n'en dit pas plus pour ne pas spoiler).
Un film que l'on pourrait croire centré sur l'égo narcissique de deux artistes vieillissants soucieux de leur prostate alors que c'est bien la musique et les femmes qui tiennent ce film par les couilles (Jane Fonda est très explicite sur ce dernier point) : la musique de Michael Caine ne tient qu'au fil de la soprano qui l'interprète (ah, les regards qu'ils échangeront ..), les films d'Harvey Keitel ne valent que le talent de ses actrices (ah, les apparitions dans les alpages ...).
Quelques fausses notes tout de même dans la partition : la crise de Jane Fonda dans l'avion, le futur rôle appris par le jeune acteur californien (chez nous ça ne passe toujours pas, désolés, question de générations ?), ... mais rien qui suffise à vraiment gâcher l'harmonie de cette belle petite fugue en si.
Il est bon que certains cinéastes osent encore des films qui ne s'obligent pas à raconter une histoire avec ses enchaînements et ses développements, avec un début et une fin : le cinéma, avec ses acteurs et ses images, est un art qui peut aussi s'apprécier comme des moments de musique ou des tableaux de peinture.
Finalement, restera donc le regret d'avoir manqué La Grande Belezza sur grand écran !

Ah oui : BMR aura quand même eu une grosse déception puisque la ravissante 'actrice' dont on voit the face sur l'affiche (le mannequin roumain Madalina Ghenea) n'a qu'un tout petit rôle dans le film alors qu'elle joue visiblement très très bien et fait preuve d'une grande présence à l'écran, vraiment. Une actrice que l'on aurait plaisir à voir plus souvent.

Pour celles et ceux qui aiment les bains à remous.
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