Bouquin : Cannibale

Une toute petite mais édifiante tranche d'Histoire.

On connaissait de Didier Daeninckx ses polars engagés et militants.
Avec Cannibale, le voici dans un autre registre, qui nous donne une petite mais édifiante leçon d'Histoire, à faire figurer dans notre florilège des opuscules minuscules.
Sobre épisode (une centaine de pages écrites sans fioritures) mais sombre épisode.
En 1931 (oui, y'a pas de faute de frappe : 1931 et non pas 1831), pour l'Exposition Coloniale qui verra la naissance du zoo de Vincennes et de Babar, une centaine de canaques sont "amenés" de Nouvelle-Calédonie, déguisés en sauvages et parqués à côté des singes.
[...] J'étais l'un des seuls à savoir déchiffrer quelques mots que le pasteur m'avait appris, mais je ne comprenais pas la signification du deuxième mot écrit sur la pancarte fichée au milieu de la pelouse : « Hommes anthropophages de Nouvelle-Calédonie ».
Une partie de cette "cargaison humaine" sera même échangée contre une autre curiosité, des crocodiles d'un zoo allemand.
Hasard des promenades, nous passions en vélo un soir devant le Musée des Arts Coloniaux de la Porte Dorée, le zoo et les vestiges des pavillons africains.
Didier Daeninckx brode sur cette histoire véridique une petite fable effarante.
D'une écriture simple, sans développer de thèse politique sentencieuse : juste un oeil ouvert quelques instants sur quelques moments de notre histoire.
En tissant discrètement, comme en filigrane, un autre épisode, situé lui dans les années 80, pendant "Les Evénements" lorsque les kanaks agiteront l'île calédonienne, 50 ans après l'Exposition Coloniale.
Comme pour mettre tout cela en perspective historique.
Mais notre lecture effarée de cette affaire de 1931 (oui : 1931, pas 1831) peut éclairer également un autre parallèle historique : quand on voit l'arrogance et le racisme de la bêtise coloniale de cette époque, comment s'étonner que le monde ait basculé dans la barbarie moins de 10 ans plus tard ?
Édifiant ....

D'autres blogs en parlent ici.

Bouquin : La peur du loup

Histoire de fous sous les sapins norvégiens.

Il faut un peu de patience pour entrer dans l'univers de la norvégienne Karin Fossum et de son faux polar nordique : Celui qui a peur du loup.
La trame policière (un meurtre doublé d'une invraisemblable tentative de braquage) n'est qu'un prétexte à la mise en scène de trois «personnages».
Trois éclopés de la vie. Trois exclus de la société.
Un échappé de l'asile, un échappé de prison et un échappé de l'orphelinat (on aura reconnu ici, trois institutions bien commodes).
Ces trois-là se retrouvent bon gré mal gré errant dans la forêt aux confins de la Norvège, de la Finlande et de la Suède.
Certains chapitres avec de longues digressions en compagnie des «voix intérieures» de ces trois cerveaux malades dérangent un peu et il faut du temps pour se laisser imprégner par l'atmosphère insolite de ce roman.

[...] Une fois, nous étions tout un groupe assis dans le fumoir, en train de jouer aux cartes. Errki était là aussi, mais il ne jouait pas, il ne supporte pas de jouer. Il était tard dans la soirée, il faisait noir au dehors, et le plafonnier était allumé. Tout à coup, Errki a dit de sa voix bizarre et tranquille : nous aurions dû mettre des bougies sur la table. Oui, j'ai pensé, ça pourrait être sympa. Je lui ai demandé s'il voulait aller en chercher une dans la cuisine, mais il n'a pas voulu. Les autres non plus. Ils pensaient que la bougie gênerait le trajet des cartes. J'avais mal pour lui. Pour la première fois, il avait proposé quelque chose, et personne ne voulait l'écouter. Et à ce moment-là, le courant a été coupé. Une obscurité absolue s'est abattue sur le fumoir et sur le reste de la maison, et il y a eu tout un chahut épouvantable tandis que nous nous marchions dessus pour trouver une lampe. «J'ai essayé de prévenir», a dit sèchement Errki.
[des trois échappés, vous devinez que le 'Errki' dont il est question ici, est celui qui vient de l'asile]


Mais la patience est récompensée et il finit par se dégager de ce bouquin un charme étrange.
On se laisse peu à peu prendre au jeu, tout comme nos trois éclopés, de la tête ou du coeur, qui finissent par lier connaissance au fil de l'intrigue.
À un point tel que le commissaire Konrad Sejer (le héros récurrent de Karin Fossum), qui se fait ici porteur de notre regard, semble traverser cette enquête sur la pointe des pieds et sortir de cette forêt comme à regret.
À regret de n'avoir pas vraiment pu pénétrer tous les secrets de ces trois personnalités-là.


Au final, il semble que nous ne sommes pas tombés du premier coup sur le meilleur épisode des enquêtes du commissaire Sejer.
À défaut d'avoir été vraiment convaincus par ce premier numéro, il va nous falloir réïtérer l'expérience avec un autre volume : à suivre donc !

Papillon parle de la série policière de Karin Fossum comme d'autres, sans oublier Critiques Libres.

Cinoche : Lantana

Lantana c'était avant Jindabyne.


     La sortie récente de Jindabyne de l'australien Ray Lawrence nous a donné envie de revoir Lantana qui nous avait laissé une forte impression à sa sortie en 2001.
Et ça commence très fort, comme Jindabyne où l'on voyait le crime se préparer, avec la vision d'un cadavre dans un buisson de lantana.
D'entrée de jeu on sait que tout ça finira mal et Lantana, c'est un peu la version « ville » (dans une banlieue blanche de Sydney) d'un Jindabyne qui serait « campagne » (dans le bush au contact des aborigènes).
Et à la relecture, les parallèles sont effectivement nombreux entre les deux films :
les deux affiches de ces deux faux polars, une histoire à plusieurs personnages dont deux couples principaux, des histoire(s) de couples qui se défont, l'un d'eux comme détruit autour d'une perte et d'un enfant, les non-dits accumulés à partir desquels va se nouer le drame, les personnages qui font le « mauvais choix » (ici : celui qui ne répond pas au téléphone, celui qui prend le raccourci, celui qui appelle la police, celui qui trompe sa femme, ...), ...
Comme autour du lac de Jindabyne, le « mal » ne semble toucher que les couples approchant la cinquantaine et à Sydney aussi, un couple plus jeune et plus innocent tire son épingle du jeu sans trop y laisser de plumes (comme le couple des surfeurs en camping-car de Jindabyne).
Lantana débute par une exposition assez longue (est-ce parce que nous avions déjà vu le film ?) où l'on découvre les différents personnages, les différents couples avec un habile jeu de chassé-croisé où tous ces personnages se rencontrent peu à peu (certains même «violemment» !), comme dans une toile d'araignée qui se tisse.
On pourrait presque croire au début à un jeu frivole entre adultes consentants si le message n'était pas si sombre et si explicite : le mensonge (ne serait-ce que par par simple omission) détruit la confiance et sans la confiance il n'y a plus de relation possible.
Le drame survient ensuite et la toile se resserre autour de tous les personnages, qui ne laissera échapper que peu d'entre eux.
Une (re)lecture vraiment très intéressante pour ceux qui auront vu et apprécié Jindabyne ...

Disponible en VOD et DVD. 
Comme MAM, les fans de la série FBI portés disparus y retrouveront Anthony LaPaglia.

Cinoche : Ceux qui restent

Ô temps suspend ton vol ...

Un sans faute, rien que ça, pour Anne le Ny qu'on connaissait déjà comme actrice mais dont c'est le premier film.
Allez vite voir Ceux qui restent : on est encore sous le charme et ce sera certainement l'un des meilleurs films de notre année ciné. Si, si.
Vous aurez le privilège d'assister à un moment rare : la rencontre, la naissance d'une histoire entre deux êtres dont la vie s'est arrêtée en plein vol.
Enfin, pas tout à fait arrêtée : suspendue plutôt, entre deux portes d'hôpital, entre deux bus ou deux RER ou deux trajets en voiture ...
Ceux qui restent, c'est ceux qui restent en plan sur le bas-côté de la vie, sur la bande d'arrêt d'urgence, à faire du stop ou à regarder les trains qui passent (le barbecue avec la soeur et sa petite famille).
Et justement, entre ces deux portes, tout est possible.
Tout en sachant que rien n'est vraiment possible sur cette bande d'arrêt d'urgence où le temps est comme suspendu (quitte même à jouer un peu les prolongations), puisque le bus, le RER, le quotidien, tout cela peut repartir sans prévenir.
Mais c'est peut-être précisément parce qu'on sait que rien n'est possible que tout est permis ?
Le décor de l'histoire (les conjoints de l'une et de l'autre sont coincés par leurs cancers à l'hôpital) n'est justement qu'un décor : on aperçoit à peine le dos d'une blouse blanche, on ne voit même pas les malades en question et la réalisatrice évite soigneusement tous les pièges à mélo.
Tout cela n'est que le prétexte à mettre en situation une Emmanuelle Devos renversante comme d'habitude (elle crève l'écran et emporte avec elle toute la première partie du film, on est vraiment fan) et un Vincent Lindon bourru à souhait qui lui donne la réplique et s'en tire avec les honneurs.
Beaucoup d'humour dans la première partie avec des dialogues d'une précision et d'une justesse redoutables qui font mouche à tout coup (encore Emmanuelle Devos ...), comme pour nous aider à prendre pied dans ce sujet difficile et lancer une histoire qui, sur la dernière partie du film, va se nouer et s'avèrer poignante et pleine d'émotion contenue.
On ne peut honnêtement vous en dévoiler plus mais c'est pas l'envie qui nous manque !

Télérama et Le Monde en disent deux mots et d'autres sur Critico-blog. 
Cathe a beaucoup aimé, elle aussi.

Bouquin : Le café de l'Excelsior

On a préféré le Rapport de Brodeck.

Quelques brefs souvenirs à rajouter dans notre liste des opuscules minuscules.
Philippe Claudel décrit son enfance auprès de son grand-père, le tenancier du Café de l'Excelsior dans un petit village.
Repère d'ivrognes ou îlot d'humanité. Au choix.
Comme on dit, voilà une nostalgie qui fleure bon cette vieille France provinciale, celle d'il y a maintenant une ou deux générations. Celle du côté d'Épinal.
[...] Mais le dimanche on s'habillait tout de même : les costumes remplaçaient les bleus. La plupart de ces hommes n'en possédaient d'ailleurs qu'un, le plus souvent celui de leur mariage, qui avait traversé les modes, quelques enterrements, ainsi qu'un demi-siècle dans l'entêtante compagnie de la naphtaline. Si certains corps avaient grossi, le costume s'était adapté, et saucissonnait désormais l'individu que jadis il servait galamment. 
Les  gestes dominicaux en subissaient une majesté guindée, une sorte de lenteur et de gêne protocolaire qui finissaient par déteindre sur les conversations, un semblant plus sérieuses.

À notre goût, à notre oreille, le ronflement savoureux de ces textes appliqués finit cependant par résonner un peu comme celui d'une dictée scolaire. Dans le genre « exercice de style ».
Comme si la mécanique trop bien huilée de cette prose que l'on devine ciselée et polie avec amour, finissait par tourner un peu à vide ...

[...] Les sommeils des siestes paraissent étirer les vies, et les dormeurs du jour se repaissent de force que la nuit jamais ne dévore.

Pour suivre avec Philippe Claudel : Le rapport de Brodeck, excellent ! 

La plupart de nos voisins de blogs sont plus enthousiastes : ici ou . 
Agora en parle aussi et Philippe a bien aimé.

Cinoche : Ratatouille

Chérie, y'a des rats dans la cuisine.

On vous le refait : ben oui, quoi, c'est (encore un peu ) les vacances !? ...
Après Die Hard 4, le dessin animé  Ratatouille ...
D'ailleurs, comme le Bruce Willis, c'est plutôt pour les grands ... on se demande bien ce que les plus petits peuvent y trouver/comprendre ...
Enfin, bon, nous on croit avoir compris ! Et en tout cas on a bien rigolé, et de bon coeur.
Ne serait-ce qu'à découvrir ce Paris de carte postale vu par les américains : bérets, dedeuches, DS, scooters, ... le top !
Et ils avaient de bons informateurs car ils ont même trouvé la boutique de dératisation du quartier des Halles !
Bien sûr l'animation fait chaque année des progrès qu'il est désormais devenu inutile de louer : on oublie de plus en plus souvent que ce n'est pas un "vrai film".
Et puis quelques scènes de bravoure vraiment déjantées, tendance Tex Avery, et qui font justement regretter les séquences de transition qui s'étirent parfois en longueurs un peu explicatives (ah oui, les petits ?).
Cette ratatouille ne manque ni d'ingrédients ni d'épices mais la préparation aurait parfois demandé une cuisson sur un feu plus vif.
Tout cela aurait gagné à un peu plus de folie car les studios Pixar tenaient là un sujet en or : les rats dans un resto chic, c'est on ne peut plus tendance et les réactions de la salle sont garanties à chaque séquence !!!
Mais allez, couchons les plus petits de bonne heure et ne boudons pas le plaisir de savourer cet excellent repas !


D'autres en parlent sur Critico-blog.

Cinoche : Jindabyne

Après Lantana, un autre faux polar australien.
Après l'Espagne des Tournesols, le Liban de Caramel, le mois d'août ciné nous propose encore un autre voyage, en Australie cette fois, à Jindabyne.
Mais si la pancarte à l'entrée de ce trou perdu au bout du bout du monde annonce fièrement « Welcome to Jindabyne », il ne faut pas s'y fier !
Dès les premières images, tout est fait pour distiller l'inquiétude, le doute, et nous mettre mal à l'aise : le crime qui se prépare, les deux enfants aux jeux inquiétants, les tensions et les non-dits au sein de leurs familles, ...
Même les paysages grandioses d'Australie sont filmés pour ne pas nous donner envie de nous y arrêter.
Derrière la façade, tout se fissure et semble prêt à éclater, et faire semblant comme si de rien n'était ne semble plus suffire.
Le réalisateur (Ray Lawrence) s'amuse à nous promener de cliché en cliché : le tueur embusqué dans son camion comme celui de Duel, l'équipée vers la rivière qui menace de tourner comme celle de Boorman, les baignades dans le lac aux allures de Dents de la mer, ...
Et bien sûr vous lirez partout la trame «policière» de l'histoire : une bande d'amis partis en week-end de pêche au bord d'une rivière reculée découvre le cadavre d'une jeune femme aborigène noyée dans l'eau. Au lieu d'appeler tout de suite les autorités, ils l'attachent à un arbre pour éviter qu'elle ne dérive et continuent leur partie de pêche un peu plus haut, en faisant là aussi, semblant, comme si de rien n'était.
Mais le thriller n'est là que pour le décor : à leur retour en ville (enfin, dans ce trou perdu au bout du bout du monde qu'est ce fameux Jindabyne à 17.000 km d'ici), nos amis pêcheurs découvriront qu'ils ont fait «le mauvais choix» et devront assumer les conséquences de leur acte, alors qu'autour d'eux et entre eux les masques tombent, les couples et les amitiés se défont, l'incompréhension est totale entre les deux communautés (les colons blancs catholiques et les aborigènes qui ont perdu une des leurs), la haine et le racisme ressortent au grand jour.
Comme s'il avait été besoin de ce «fait divers» pour que chacun ose dire le non-dit et pour que les drames du passé que l'on avait enfouis (comme l'ancien village qui dort au fond du lac de barrage) puissent ressurgir à la lumière.
De quoi nous donner envie de revoir, en DVD ou en VOD, l'excellent Lantana, un faux-polar que Ray Lawrence nous avait déjà donné en 2001 et dont on se rappelle encore la sombre ambiance, 5 ans après.


Vous remarquerez peut-être dans le générique du début un avertissement au public aborigène australien : «dans ce film, les noms de personnes décédées sont prononcés» et cet avertissement est d'ailleurs répété lors d'un flash d'information à la télé, dans le film lui-même : en effet, selon les croyances aborigènes, le nom d'un mort devient tabou et ne doit plus être évoqué après le décès.
À noter aussi, les petits pointillés de l'art aborigène s'exposent au musée Branly (expo temporaire en complément de la collection permanente du musée).


Libé et Rob en parlent, ainsi que Les Échos et d'autres sur Critico-blog.

Bouquin : La défense Lincoln

Un Connelly moins convainquant que les autres.

PolarAprès Echo Park et surtout Deuil interdit, voilà le troisième opus de Michael Connelly qui sort de notre PAL cet été.
Mais franchement, celui-ci aurait pu ne pas y entrer (on avait d'ailleurs longtemps hésité) car il nous a un peu déçus.
Même si Connelly fait des efforts louables pour sortir du moule habituel et quitter les enquêtes du LAPD avec
sonnotre détective fétiche Harry Bosch.
Avec La défense Lincoln, nous sommes ici dans la plus pure tradition du roman de "procès", le thriller judiciaire, avec un avocat pas trop regardant qui va se retrouver plongé (et nous avec) dans une intrigue à tiroirs bien tarabiscotée (voire peu crédible à certains moments).
Il s'ensuit une quasi partie d'échecs (d'où le jeu de mots du titre en VF) entre le vilain et son avocat malgré lui, où chacun d'eux cherche à anticiper le coup suivant.
On pense un peu à La faille (le film avec A. Hopkins sorti en mai où l'assassin choisissait lui-même son flic) et c'est plutôt prenant : un polar sympa pour les plages de l'été mais, pour tout dire et sans vouloir être méchant, ça ressemble plus à du Harlan Coben qu'à du Connelly (L'Express fait d'ailleurs lui aussi le rapprochement, peut-être involontairement).
Côté écriture, ça nous a tout l'air d'un petit côté "bâclé en vacances", pourtant le traducteur est bien le même que d'habitude ...
Au-delà de ce gentil et facile divertissement donc, si vous voulez vraiment goûter à du "bon Connelly" (le vrai, celui avec du Harry Bosch dedans !) rabattez-vous plutôt sur l'excellent Deuil interdit, en poche également. 

Philippe est plus indulgent, d'autres avis sur Critiques Libres (un site découvert récemment, très riche et fort intéressant).

Cinoche : Caramel

Le caramel c'est doux et sucré.

Décidément l'été réservait quelques bonnes petites surprises côté cinéma.
Sans compter les deux documentaires dont a déjà parlé (le Vergès et le Gangster), et après La nuit des tournesols en Espagne, voici Caramel au Liban.
Comme son titre l'indique, ce film se coule tout en douceur.
C'est un peu (et même beaucoup) la version libanaise de Vénus Beauté Institut.
Les vies, les amours qui se croisent autour d'un institut de beauté, dans un Beyrouth de vacances.
Mais c'est surtout une galerie de très très beaux portraits de femmes.
Nadine Labaki (c'est son premier long métrage et elle interprète l'un des rôles) montre, comme on a rarement l'occasion de le voir, énormément de tendresse pour ses personnages, de la plus jeune à la plus vieille, chacune cherchant sa voie, avec plus ou moins de bonheur et d'amour dedans.
Certes tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, y compris les quelques mecs qui viennent agrémenter les décors.
Certes tous les stéréotypes sont là, de la jeune fille à marier, à la plus âgée qui ne veut pas vieillir (et j'en passe pour vous laisser tout le plaisir).
Mais là n'est pas le propos : pas de morale affichée, pas de thèse avancée, l'intérêt du film est ailleurs.
C'est précisément le regard porté par la réalisatrice sur ces/ses personnages en quête d'amour, qui en fait tout le sel ... ou tout le caramel, selon les goûts.
Et si l'on veut bien se laisser porter par la caméra sensuelle de Nadine Labaki, alors on appréciera là un excellent moment de cinéma, tout en charme et douceur, jusqu'à ce que la fenêtre ouverte sur l'institut "Si Belle" se referme, comme à regret.
Avec en prime, avec la VO et la BOF, le dépaysement garanti !

C'est Libé qui en parle le mieux. D'autres avis sur Critico-blog, ainsi que celui de Rob.

Cinoche : Die hard 4

Vive les vacances !

Ben oui quoi, c'est les vacances !
Alors cette fois, séance récré avec John McClane qui reprend le rôle de Bruce Willis (à moins que ce ne soit l'inverse) dans Die Hard 4. Enfin la récréation n'est pas de tout repos : on passe les trois-quarts du film recroquevillé sur son siège en essayant d'éviter les balles et les voitures qui volent. Et quand Bruce Willis hurle en pleine bagarre "Stay down, stay down !" (couche-toi, couche-toi !), on a du mal à réaliser que c'est pas pour nous.
Et puis le quart restant, on reste plié ... mais de rire cette fois.
Parce que John McClane en fait un max et réussit à dégommer les hélicoptères à coup de bouche d'incendie ou de lancer de voiture ! Trop fort !
Pourquoi  ce déluge de cascades et d'explosions ? À quoi bon tout cela ?
Oh, c'est tout simple : de la catastrophe il faut sauver le monde (enfin, les États-Unis, c'est pareil) et personne ne veut s'y coller. Bruce Willis fait donc le sale boulot dont personne ne veut (c'est dans le texte).
Cette fois, c'est une bande d'affreux qui se sont mis en tête de pirater l'ensemble des réseaux informatiques du pays (c'est dire s'il y a un luxe de déballage de techno qui brille et qui ronronne).
Mais, comme d'habitude, c'était compter sans le héros qui "a un plan". Un plan qui est aussi simple que le complot conçu par les vilains est diabolique : sauver la fille et tuer les méchants (les fidèles de la série auront reconnu le plan qui avait si bien réussi dans les épisodes précédents).
John McClane reprend donc le rôle du grain de sable qui finira par gripper la machination savante et complexe (ah, zut, on vous a dévoilé la fin ... désolé).
Au fil des films, Bruce Willis vieillit lentement mais sûrement et passe ici du statut de gentil héros/mauvais mari à celui de gentil héros/mauvais père (cherchez bien : y'a une constante).
Il se voit d'ailleurs confier la garde d'un enfant, pardon d'un jeune hacker, vaguement impliqué dans l'embrouille (le jeune Justin Long qui s'en tire fort bien).
Et c'est là que le film prend une dimension pleine d'humour avec ce tandem entre d'un côté, le vieux baroudeur qui ne comprend rien à la technique mais qui sait jouer avec le feu et la flamme, et de l'autre, le jeune geek capable de vous brancher votre PDA sur un vieux satellite oublié mais qui en est visiblement à son premier film de cascade !
Dans ce registre, l'épisode de la CiBi est délicieux : voilà bien une valeur sûre de l'Amérique traditionnelle, qui se montre capable de damer le pion à tous les gadgets technos de ces jeunes cons prétentieux !
Et si John McClane est incapable de cliquer une souris, il n'hésitera pas longtemps avant de claquer la souris (ouaip, celle là elle est bonne, on la garde).
Surtout quand c'est Maggie Q, la souris (belle mais sournoise, cela va sans dire).
Toute la première partie du film est savoureuse où l'on découvre tout le contexte et où l'on en prend plein la vue. Comme souvent, la fin du film s'essouffle un peu ... mais nous permet justement de souffler et d'échapper à la crise cardiaque.
De plus, ce film fait partie des rares films qui vous changent vraiment (si, si) : après, vous ne pourrez plus faire Ctrl+Alt+Suppr sur votre PC avec la même décontraction qu'avant.
Tout cela est en principe à prendre au second, voire au troisième degré, mais rien ne vous empêche de regarder cela comme ça vient et de n'en rien dire à la sortie.

Et sur Critico-Blog, tout le monde l'a vu ou presque.

BD : Death note

Dans la série : il sait que je sais qu'il sait ...

Voilà un manga précédé d'une forte réputation et sorti également en "anime".
L'idée de départ de la série Death Note ne manque pas d'originalité : un adolescent récupère un cahier mystérieux (un "death note") dans lequel il peut inscrire et programmer la mort des uns ou des autres.
Au début, notre héros tente d'utiliser cet instrument fatal pour "faire le bien" en trucidant des vilains et des affreux ... mais bien vite cela dérape.
La police entre alors en scène et une équipe mène l'enquête.
C'est presque une partie d'échecs qui s'engage entre les uns et les autres et l'intrigue se focalise sur cet affrontement cérébral : il sait que je sais qu'il sait, etc.
Le côté magique ou fantastique (entre le monde des morts et des vivants) sait se faire suffisamment discret pour ne pas alourdir le récit qui reste lisible même si on a passé (depuis longtemps) l'adolescence et qu'on n'est plus branché sur le fantastique.
Mais au fil des épisodes tout cela devient un peu répétitif et manque un peu d'épaisseur.
L'idée de départ est brodée, tricotée, emberlificotée, ... comme si finalement elle ne tenait pas la distance.
On songe évidemment à l'excellentissime MonsterNaoki Urasawa maîtrisait parfaitement l'art des digressions et des rebondissements multiples.
Il en reste un bon polar au dessin soigné et un manga très accessible.


D'autres blogs en parlent (et très bien) ici même et Cathe aussi.

Cinoche : La fille coupée en deux

Le Chabrol 2007 : un bon cru bourgeois.

Au début de l'été, l'affiche muette qui annonçait une fille coupée en 2 ne pouvait nous laisser indifférents.
Nous y avions repéré la signature de Miss.Tic, l'artiste parisienne qui illumine les murs de la capitale de ses pochoirs et de ses aphorismes ("dans mes asiles intérieurs, l'humour fou", "l"éthique, c'est l'esthétique du dedans" , "je donne à profusion, je prête à confusion", etc.).
Alors à défaut des murs de Paris, on vous laisse découvrir son site officiel, ainsi que celui, branché, de son fan club et l'article de Wikipédia.
Début août on découvrait que Miss.Tic avait signé l'affiche du dernier film de Chabrol.
Il n'en fallait pas plus pour nous motiver (et d'ailleurs comment louper un Chabrol en plein été cinéma ?).

Mais laissons là les parisianismes de la promotion puisque le film se passe à Lyon.
Terrain de bataille idéal pour Chabrol qui se plait à partir en croisade contre les tares et les vices des notables de la bourgeoisie provinciale.
Dans sa ligne de mire cette fois, deux hommes.
François Berléand, un écrivain, vieillissant, riche, célèbre, pervers et amateur de livres rares érotiques.
Benoit Magimel, un fils à papa, riche, connu, dandy, instable et amateur de belles autos.
Les parallèles entre les deux hommes ne manquent pas et sont explicites : ils eurent tous deux une enfance qui n'est pas restée innocente très longtemps et vivent désormais à l'ombre de femmes peu aimantes et sans doute castratrices - la "pieuse" mère du dandy trop présente et la "sainte" femme de l'écrivain trop absente.
Tous deux sont également flanqués d'une béquille (l'amie éditrice de l'écrivain et l'ami du dandy) qui les aide à sauvegarder les apparences dans le beau monde, malgré leurs penchants naturels.
Entre ces deux hommes, un ange passe : c'est Ludivine Sagnier amoureuse de l'un et aimée de l'autre.
Écartelé, incapable de choisir, l'ange perdra quelques plumes dans cette histoire.
Et les deux hommes, à trop vouloir se frotter au sourire radieux de l'ange, finiront par chuter.
On regrettera juste un peu la démonstration parfois trop explicite de Chabrol : depuis le titre du film jusqu'au tour de passe-passe final, en passant par les jeux de miroirs et les jeux de mots (l'équilibre, l'ange, ...).
Comme si Chabrol avait voulu anticiper sur une chaleur estivale qui nous aurait laissés inertes dans nos fauteuils et dans l'incapacité de saisir le propos de sa fable. On aurait goûté plus de subtilité (... ou plus de soleil côté météo !).
Mais cela ne suffit pas à gâcher le plaisir de savourer la cuisine du maître : il sait conduire son histoire et surtout ses acteurs. Tous sont excellents, même les "seconds rôles".
Avec une mention spéciale pour Benoit Magimel qui réussit à donner corps et vie au difficile personnage du fils à papa (MAM lui trouve même, je cite, "une belle petite gueule d'ange", pffff...).
Le Chabrol 2007 est un bon cru à savourer en connaisseurs.

Télérama encense, Libé allume, ne faites pas comme l'ange : choisissez ! 
Le reste sur Critico-blog, comme d'hab'. 
Quelques extraits du livre dont il est question dans le film, mais à ne pas mettre en toutes les souris mains : Manuel de civilité pour les petites filles de Pierre Louÿs.

Bouquin : La colline des chagrins

Un épisode de John Rebus.

PolarLes polars de Ian Rankin sont dans notre bibliothèque depuis quelques années et voici avec La colline des chagrins, l'occasion de parler ici de cet écossais.
Au hit-parade des inspecteurs désabusés, John Rebus est un peu le cousin de l'américain Harry Bosch avec qui il partage une grande soif et une totale inaptitude à la vie amoureuse et familiale.
De plus, les rues sombres d'Edimbourg irriguent les bouquins de Rankin comme les boulevards de L.A. nourrissent ceux de Connelly.
Et comme pour aller jusqu'au bout du parallèle, tout comme son collègue, John Rebus est rarement en parfaite harmonie avec sa hiérarchie ...

[...] - Si quelqu'un est capable de le faire, John, c'est vous. J'ai toujours fait confiance à votre entêtement et à votre incapacité à écouter vos supérieurs. 
Rebus remit sa tasse dans sa soucoupe. 
- Je prendrai cela comme un compliment.
La colline des chagrins fait partie de ces polars sombres comme l'Ecosse, peut-être encore plus déprimants que ceux de Connelly car moins américains et donc plus proches de nous.
Peut-être pas le meilleur de Rankin (si c'est une découverte, commencez par les premiers), mais un épisode plus qu'honnête.

L'Express en parle et Polarweb aussi.

Cinoche : L'avocat de la terreur

L'avocat du diable.

La sécheresse cinématographique estivale est l'occasion de voir des films peu ordinaires et cette saison semble être celle des documentaires : après le British Gangster, voici l'Avocat de la terreur de Barbet Shroeder, où il est cette fois question de Jacques Vergès.
Au début du film, on suit avec passion les débuts du jeune Vergès en Algérie aux côtés des indépendantistes du FLN.
Face à l'aveuglement de la France coloniale, comment ne pas prendre avec Vergès la défense de cette noble cause ?
Et c'est d'ailleurs là un parallèle étonnant avec le reportage de Donal McIntyre sur Noonan, le parrain de Manchester : les deux reportages nous obligent (certes avec des approches bien distinctes : il y a certainement plus de différences entre les deux films que de similitudes), mais les deux reportages partagent ce mérite de nous obliger, avant de juger d'après nos références et nos schémas habituels, à d'abord montrer, sinon de la sympathie, au moins de l'empathie pour ces hommes controversés.
Barbet Shroeder continue ensuite d'explorer méthodiquement la carrière mouvementée et parfois mystérieuse de Jacques Vergès qui, après le FLN, prend fait et cause pour le FPLP (l'ancêtre de l'OLP) et dérive ensuite dans la mouvance de Waddi Haddad, le père du terrorisme moderne qui réussira à embrigader les agités "rouges" occidentaux dans ses camps d'entraînement et ses opérations.
Une passionnante leçon d'histoire. D'histoire contemporaine, celle qu'on n'apprend pas à l'école.
Presque "naturellement", Vergès passe ensuite de la sphère de Waddi Haddad à celle de Carlos et peu à peu on quitte donc l'engagement politique et militant de la jeunesse anti-colonialiste pour basculer insensiblement dans le droit commun et le presque-banditisme.
Dans le même temps, l'avocat s'est enfermé dans un personnage médiatique et provocateur.
C'est devenu l'avocat du diable, ce qui l'amènera à défendre les causes les plus impossibles, dont bien sûr Klaus Barbie à Lyon (derrière lequel se cachait  un nazi suisse influent en la personne de François Genoud, banquier notamment du FLN et du FPLP, la boucle est bouclée).
À de nombreuses reprises, Vergès pourrait passer pour un grand adolescent qui jouerait encore aux cow-boys et aux indiens ... mais qui n'aurait pas encore compris que ses compagnons de jeu ont changé et ne sont plus les militants enthousiastes de sa jeunesse.
Barbet Shroeder a voulu un générique de fin édifiant. Jacques Vergès y explique sentencieusement la différence entre un avocat et un médecin, qui veut que l'avocat puisse dire non et refuser de prendre un client, pendant que défile sur l'écran son palmarès et les noms de tous les clients impossibles qu'il aura défendu : des khmers rouges à Slobodan Milosevic en passant par Omar Raddad, Action Directe et bon nombre de tyrans africains.
Manifestement, Jacques Vergès n'a jamais su dire "non".
Avec cet excellent documentaire (qui sait éviter la voix off et rester palpitant comme un film d'espionnage) , le passage par la case cinéma devrait être obligatoire !
N.B. la plupart des liens dans ce billet pointent vers Wikipédia, mais le site officiel du film présente également  fiches et photos sur toutes les personnalités évoquées, de Waddi Haddad à François Genou, passionnant.

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