Cinoche : L'avocat de la terreur

L'avocat du diable.

La sécheresse cinématographique estivale est l'occasion de voir des films peu ordinaires et cette saison semble être celle des documentaires : après le British Gangster, voici l'Avocat de la terreur de Barbet Shroeder, où il est cette fois question de Jacques Vergès.
Au début du film, on suit avec passion les débuts du jeune Vergès en Algérie aux côtés des indépendantistes du FLN.
Face à l'aveuglement de la France coloniale, comment ne pas prendre avec Vergès la défense de cette noble cause ?
Et c'est d'ailleurs là un parallèle étonnant avec le reportage de Donal McIntyre sur Noonan, le parrain de Manchester : les deux reportages nous obligent (certes avec des approches bien distinctes : il y a certainement plus de différences entre les deux films que de similitudes), mais les deux reportages partagent ce mérite de nous obliger, avant de juger d'après nos références et nos schémas habituels, à d'abord montrer, sinon de la sympathie, au moins de l'empathie pour ces hommes controversés.
Barbet Shroeder continue ensuite d'explorer méthodiquement la carrière mouvementée et parfois mystérieuse de Jacques Vergès qui, après le FLN, prend fait et cause pour le FPLP (l'ancêtre de l'OLP) et dérive ensuite dans la mouvance de Waddi Haddad, le père du terrorisme moderne qui réussira à embrigader les agités "rouges" occidentaux dans ses camps d'entraînement et ses opérations.
Une passionnante leçon d'histoire. D'histoire contemporaine, celle qu'on n'apprend pas à l'école.
Presque "naturellement", Vergès passe ensuite de la sphère de Waddi Haddad à celle de Carlos et peu à peu on quitte donc l'engagement politique et militant de la jeunesse anti-colonialiste pour basculer insensiblement dans le droit commun et le presque-banditisme.
Dans le même temps, l'avocat s'est enfermé dans un personnage médiatique et provocateur.
C'est devenu l'avocat du diable, ce qui l'amènera à défendre les causes les plus impossibles, dont bien sûr Klaus Barbie à Lyon (derrière lequel se cachait  un nazi suisse influent en la personne de François Genoud, banquier notamment du FLN et du FPLP, la boucle est bouclée).
À de nombreuses reprises, Vergès pourrait passer pour un grand adolescent qui jouerait encore aux cow-boys et aux indiens ... mais qui n'aurait pas encore compris que ses compagnons de jeu ont changé et ne sont plus les militants enthousiastes de sa jeunesse.
Barbet Shroeder a voulu un générique de fin édifiant. Jacques Vergès y explique sentencieusement la différence entre un avocat et un médecin, qui veut que l'avocat puisse dire non et refuser de prendre un client, pendant que défile sur l'écran son palmarès et les noms de tous les clients impossibles qu'il aura défendu : des khmers rouges à Slobodan Milosevic en passant par Omar Raddad, Action Directe et bon nombre de tyrans africains.
Manifestement, Jacques Vergès n'a jamais su dire "non".
Avec cet excellent documentaire (qui sait éviter la voix off et rester palpitant comme un film d'espionnage) , le passage par la case cinéma devrait être obligatoire !
N.B. la plupart des liens dans ce billet pointent vers Wikipédia, mais le site officiel du film présente également  fiches et photos sur toutes les personnalités évoquées, de Waddi Haddad à François Genou, passionnant.

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